Vers l’épreuve suprême

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Vers l’épreuve suprême

25 août 2018 – La position générale de ce que personne n’ose encore nommer “guerre commerciale” entre Washington D.C. et la Chine se trouve à la fois dans une situation de communication insaisissable et dans une situation opérationnelle caractériséepar une rupture temporaire mais aux perspectives extrêmement incertaines. D’un autre côté, on observe des menaces de relances du désordre nihiliste & américaniste (bloc-BAO) en Syrie avec des rumeurs très officielles (venues du ministère russe de la défense) sur le sempiternel et saisonnier montage d’une attaque chimique flottant sous “faux-drapeau” pour permettre une attaque opérationnelle et conceptuelle du bloc-BAO contre Assad (et les Russes en second rideau). Tout cela tient essentiellement aux puissantes interférences de la situation interne à “D.C.-la-folle”, et particulièrement la situation du président Trump, dans des circonstances qui ne devraient en théorie n’être considérée que du point de vue international.

• Une délégation chinoise a visité Washington cette semaine, datant la première rencontre depuis juin, sans résultat intéressant. Parallèlement, il semble bien que l’administration Trump durcisse sa position dans tous les cas du point de vue de la communication, pour des raisons de politique interne là encore (position de Trump, élections de novembre prochain). Une analyse significative de Bloomberg.com signale que « même les colombes dans l'administration Trump ont commencé à demander à la Chine de procéder à des réformes structurelles significatives en supprimant les subventions industrielles et en réduisant au moins son plan “Made in China 2025” dans des secteurs tels que l'intelligence artificielle et la robotique. »

Il apparaît clairement que ces négociations internationales sont très fortement soumises aux fluctuations internes du type-“D.C.-la-folle”, avec le constat que le président Trump est nécessairement poussé à des positions de durcissement en politique extérieure pour tenter de compenser l’affaiblissement de sa position intérieure. Ainsi semble-t-il, selon la même analyse, que la partie chinoise se soit résolue à ne plus avoir de contact sérieux sur la question commerciale avant les élections mid-term de novembre aux USA, pour se retrouver ensuite devant une perspective complètement opaque et improbable tant ces élections apparaissent d’une importance très grande dans un climat d’une tension à mesure, et le tout plongé dans une incertitude extrême quant aux perspectives.

« Les deux parties avaient peu d’espoir de progrès pour les réunions de cette semaine et aucune autre discussion n’a été programmée, a déclaré une source proche des négociations. La source, qui a requis l'anonymat pour ne pas interférer dans ces délibérations non publiques, a également déclaré que les responsables chinois avaient évoqué la possibilité qu'aucune autre négociation ne puisse avoir lieu avant les élections de mi-mandat de novembre aux États-Unis. [...]

» Selon Mei Xinyu, chercheur à l'Académie chinoise de commerce international et de coopération économique affiliée au ministère du Commerce, un accord est quasiment impossible dans le climat actuel car les scandales politiques internes de Trump doivent le rendre beaucoup plus agressif dans le domaine de la politique étrangère. “Pour la Chine, le plus important est maintenant de remédier à ses faiblesses nationales et de se préparer au pire scénario d’une guerre commerciale prolongée avec les États-Unis”. »

• En complément de cette situation conflictuelle directe, et pour la renforcer, il y a la pseudo-tension avec la Corée du Nord, marquée par la décision de Trump, hier, d’annuler un voyage de Pompeo en Corée du Nord annoncé la veille. WSWS.org nous explique qu’il s’agit essentiellement, pour Trump, d’exercer indirectement une pression encore plus forte sur la Chine. (Dans son tweet accusateur annonçant l’annulation du voyage de Pompeo, Trump n’oublie pas, d’une façon abruptement paradoxale comme à son habitude, de complimenter le jeune Kim et d’espérer un prochain sommet avec lui, montrant ainsi qu’il n’en veut pas spécifiquement à la Corée du Nord... Pourquoi faire simple quand on peut faire type-“D.C.-la-folle“ ?)

... Il n’empêche que le résultat involontaire est d’attiser les tensions entre Washington et la Corée du Sud qui aurait de vilaines fréquentations selon les experts américanistes : « Bien que les différences entre les politiques de Washington et de Séoul aient toujours existé, l'approche de Trump vis-à-vis de la Chine et de la Corée du Nord exacerbe ces divisions. Le discours [du président sud-coréen]Moon la semaine dernière, ainsi que l’annonce d’un troisième sommet intercoréen en septembre, ont suscité des inquiétudes aux États-Unis et la décision d’annuler le voyage de Pompeo viserait probablement, également, à forcer Séoul à freiner sa coopération avec le Nord. »

• RT.com et le ministère de la défense russe font plutôt dans la “préNews” que dans la “FakeNews”, – mais seront dénoncés comme il se doit et comme faiseurs de “FakeNews” le moment venu, certes... Les deux, le premier relayant le second, nous décrivent en détails en effet les préparatifs du montage d’une attaque chimique-bidon en Syrie, et jusqu’au mode opératoire. La même chose s’était déroulée au printemps dernier, – annonce par le ministère de la défense russe, détails, etc., puis attaque-surprise effectuée un peu après on sait dans quelles conditions, déclenchant une vague d’horreur anti-Assad et surtout antirusse dans la presseSystème bien huilée.

Le récit qui nous est fait par RT met principalement en scène John Bolton, comme manipulateur-neocon et moustachu, tel qu’il nous a déjà été donné de l’entendre si souvent... Quoi qu’il en soit, voici quelques extraits de la déclaration du ministère russe de la défense : 

» Les États-Unis et leurs alliés préparent de nouvelles frappes aériennes sur la Syrie... [et]les militants sont sur le point de lancer une attaque chimique afin de de fournir un prétexte à ces frappes contre Damas, [...]  a déclaré le porte-parole du ministère russe de la Défense, le général Igor Konashenkov. 

» Le USS Sullivans, une frégate de la classe USS Arleigh Burke embarquant le système AEGIS, a été déployé dans le golfe Persique il y a quelques jours, a-t-il ajouté. La frégate dispose de 56 missiles de croisière à bord, selon les données du ministère russe de la Défense. Un bombardier stratégique américain B-1B Lancer, équipé de 24 missiles de croisière, a également été déployé à la base aérienne Qatari Al Udeid.

» Les provocations sont préparées par des militants du Front Al-Nusra (maintenant connu sous le nom de Tahrir al-Sham) dans la province d'Idlib, dans le nord-ouest de la Syrie. Afin de lancer l’attaque, huit bidons de chlore ont été livrés au village près de la ville de Jisr al-Shughur pour être utilisés par les terroristes. Un groupe distinct de militants, préparé par l'entreprise de sécurité privée britannique Olive, est également arrivé dans la région. Le groupe sera déguisé en volontaires de l’organisation des Casques blancs et simulera une opération de sauvetage impliquant des habitants soi-disant blessés dans l'attaque.

» Selon le même porte-parole du ministère russe de la Défense, les récentes déclarations du conseiller américain à la sécurité nationale John Bolton, où il a menacé la Syrie, pourraient être interprétées comme une confirmation implicite de ces frappes aériennes. Le 22 août, Bolton a déclaré que “... si le régime syrien utilise des armes chimiques, nous réagirons très fermement... Ils devraient vraiment y réfléchir à deux fois avant d’agir.” »

« Thus we are in for a hellish year »

Ces deux (ou trois) thèmes résument assez bien ce qu’est en train de devenir la politique extérieure US, qui accumule tous ses travers mis au grand jour depuis 9/11 en lui ajoutant désormais de continuels contrecoups de l’immense crise du pouvoir de l’américanisme (ce que nous nommons “D.C.-la-folle”). On peut en effet envisager que nous entrons dans une nouvelle phase avec la conjonction de la perspective des élections de novembre attisées par de nouveaux “scandales Trump” (essentiellement par le biais de l’attitude de son ancien avocat Michael Cohen, dans des affaires [sexe et corruption] relativement mineures et sans signification politique quoiqu’évidemment sordides et exploitables par les adversaires de Trump).

Comme l’on sait, il existe la possibilité que les démocrates gagnent en novembre la majorité à la Chambre des Représentants, et donc la possibilité que se concrétise une procédure de destitution du président. Dans sa dernière chronique du 24 août, Patrick Buchanan, vieux connaisseur de la vie politicienne à Washington, analyse la situation potentielle à ce point et selon cette hypothèse très possible. Il estime que les affaires qui ont surgi avec les deux inculpations (Cohen et Manafort) et celles qui devraient surgir du fait de révélations potentielles à venir de ces deux hommes (notamment Cohen, qui a été son avocat pendant dix ans), en plus du dossier Russiagate du procureur spécial Mueller, peuvent créer, par leur accumulation, une situation extrêmement grave pour Trump... Il poursuit :

« Pourtant, à ce jour, il est difficile de voir comment les deux tiers d'un nouveau Sénat condamneraient ce président pour des crimes graves et des délits. Nous sommes donc face à une année infernale.

» Trump ne va pas démissionner. Une démission ouvrirait la porte à une multitude de citations du grand jury, d’accusations fédérales et de poursuites civiles pour le reste de sa vie. Une démission reviendrait pour lui à renoncer à son épée et à son bouclier, et à toute l’immunité attachée à sa charge. Il serait fou de s’offrir nu à ses ennemis.

» Non, compte tenu de sa conviction qu’il est attaqué par des gens qui le haïssent et croient qu’il est un président illégitime, et que ces gens cherchent à le faire tomber, il utilisera tous les pouvoirs de la présidence dans son combat pour sa survie. Et comme il l'a montré, ces pouvoirs sont considérables: le pouvoir de rallier les émotions du public à son avantage, de contester les tribunaux, de renvoyer des responsables de la justice et des cadres du FBI, de manipuler les autorisations d’accès à des informations classifiées, de gracier des condamnés... »

L’analyse de Buchanan nous conduit donc à une situation d’affrontement sans précédent de tous les pouvoirs à Washington, avec un désordre considérable dans ces pouvoirs et une situation bloquée dans une tension extrême puisqu’aucun ne semble avoir les moyens décisifs de l’emporter. « Nous sommes donc face à une année infernale » (« Thus we are in for a hellish year »), écrit Buchanan parlant de 2019 ; mais ne devrait-il pas éventuellement parler de deux années infernales avec les présidentielles encore plus “infernales” au terme, c’est-à-dire plus encore, d’une situation de désordre infernal où la légitimité se trouve pulvérisée et les USA dérivant sans gouvernail ? On comprend évidemment pourquoi tant de plumes jugent que l’on s’oriente vers une véritable “guerre civile” (2.0 pour respecter la chronologie) dont nul ne peut prévoir ni la forme, ni l’issue.

On arrête donc ici cette démarche de prévision qui, justement, n’aboutit à aucune prévision sérieuse parce qu’un tel désordre, une crise d’une telle profondeur interdisent toute prévision sérieuse. Cela conduit au constat déjà souvent présenté par nous que la crise intérieure US domine tout, et qu’elle va directement interférer dans la politique extérieure sans lui donner le moindre sens, en lui ôtant toutes ses capacités stabilisatrices. C’est pourquoi nous avons présenté plus haut les deux exemples des Chinois s’abstenant d’envisager toute négociation commerciale sérieuse au moins jusqu’aux élections de novembre, et d’un Bolton-neocon qui manigance une nouvelle relance de la crise syrienne, sans doute avec l’approbation tacite de Trump. Les deux cas présentent deux types de conséquences de la crise intérieure du pouvoir américaniste US sur la politique extérieure : l’abstention des autres acteurs, des manœuvres de durcissement de Trump pour renforcer sa position intérieure.

Ce n’est pas pour conclure que nous allons avoir à faire face à une politique extérieure maximaliste et extrémiste dans tous les domaines, parce que les positions des protagonistes de la crise intérieure US ne cessent de changer de position. Ici, l’on voit un Trump qui durcit l’un ou l’autre axe de sa politique extérieure parce qu’il est dans une phase d’affaiblissement intérieur. Mais dans d’autres cas, ce peut être le contraire : il peut se trouver dans la position de chercher des appuis extérieurs pour parvenir à des accords qui renforcent sa position intérieure.

Comme on le comprend, il est inutile de perdre son temps à rechercher des exemples qui sont évidents, et qui vont dans tous les sens d’un durcissement ou d’un accommodement de la politique extérieure. Il suffit d’observer que le désordre le plus complet règne à Washington et va atteindre un rythme infernal, et que ce même désordre caractérisera nécessairement la politique extérieure US et donc affectera le monde entier dans cet univers globalisé où l’américanisme a laissé partout son empreinte. Il suffit d’ajouter qu’arrivés à ce degré de tension, on a de plus en plus de difficultés à soutenir l’idée qu’une telle situation puisse durer longtemps sans déclencher quelque chose de plus explosif, quelque chose qui s’attache aux structures mêmes du pouvoir pour les désintégrer, – sans même mentionner les réactions populaires, derrière les manipulations, provocations et emballements divers.

La seule conclusion est bien de constater que l’imprévisibilité des hommes (de la façon où l’on dit que Trump est “imprévisible”) est en train de le céder à l’imprévisibilité des événements laissés à eux-mêmes, attisés par l’extraordinaire puissance des affrontements qui se font dans le domaine de la communication. Un Trump, qui faisait de sa pseudo-“imprévisibilité” une arme de sa politique en cherchant à prendre adversaires et partenaires à contrepied ou à revers, va se trouver de plus en plus, à cause de sa position d’assiégé telle que la décrit Buchanan, poussé à une “imprévisibilité” qu’il ne contrôlera même plus lui-même, qu’il sera incapable de contrôler, qui sera un complet désordre de plus, entaché de contradictions répondant à ses impulsions intérieures de survie.

Peut-être s’agit-il du “scénario du pire”, comme disent les Chinois à propos de la “guerre commerciale”. Le scénario proposé par Buchanan implique que les démocrates reprennent la Chambre des Représentants, ce qui est loin d’être assuré diront certains... Mais dans ce cas, l’alternative ne serait-il pas une politique insurrectionnelle à grande échelle développée par la gauche d’un parti démocrate battu dans les urnes sans doute “à cause des Russes”, c’est-à-dire les “nouveaux Marxistes-culturels”, dont on a vu qu’ils sont passés maîtres dans cet exercice ? Et s’ils sont ainsi “passés maîtres”, n’est-ce pas que leur activisme n’est pas tant une construction révolutionnaire spécifique qu’une tendance générale rencontrant la démence balayant toutes les élites, tous les groupes de pression, et parfois même les opinions publiques d’un bloc-BAO en état de paroxysme continu, d’une contre-civilisation occidentale entrée dans une crise psychologique dévastatrice et autodestructrice ?

Quoi qu’il en soit, nous ne voyons aucune porte de sortie par où un acteur stabilisateur puisse passer sain et sauf et imposer sa capacité stabilisatrice. Tous les chemins mènent au désordre, au paroxysme désintégrateur et finalement à une sorte de catharsis générale. Bien entendu, les “relations internationales”, la “politique extérieure”, toutes ces notions jusqu’alors considérées comme des facteurs recélant d’une façon ou d’une autre un certain ordre, sont destinées à se dissoudre dans ce désordre global. Aujourd’hui, les analyses des “experts” classiques qui ne juraient que par la stabilité assurée par la puissance du Système n’ont plus aucune pertinence.

2019, « une année infernale » ? Bien malin qui pourrait dire ce que sera 2019, ou même novembre 2018, mais le qualificatif a, lui, toute sa puissance. Ce qui se passe aujourd’hui, c’est bien l'œuvre du Diable qui jette ce qui lui reste de surpuissance dans la balance pour l’emporter. Il faut en passer par là et admettre cette évidence que, puisque dans cette surpuissance se trouvent les éléments nécessaires à l’autodestruction, cette épreuve suprême doit être subie ; il suffit d’envisager que, dans cette “épreuve suprême”, se trouvent les germes d’une initiation à quelque chose de profondément différent, d’une initiation dont il est juste et sage de penser qu’elle est une élévation.