Yo-jong, l’impromptue des JO

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Yo-jong, l’impromptue des JO

12 février 2018 – La séquence est absolument fascinante, pour déterminer comment, en l’espace de 48-72 heures, une présence habile et charmante parmi les délégations officielles au JO d’hiver en Corée du Sud a forcé à un retournement stratégique complet. (Certes, cela en dit long et des tonnes, non seulement sur la validité de cette stratégie, mais encore sur sa substance pour ne pas parler d’essence, – bien entendu pure “stratégie du vide” sans nous étonner outre-mesure. Le “retournement stratégique” n’est pas, pour son compte, d’une durée assurée, tant s’en faut ; qu'importe, il a eu lieu durant ce moment et c’est assez pour comprendre la vérité-de-situation des forces en présence, surtout du côté de l’agressivité de la politiqueSystème des USA.)

La “présence habile et charmante”, c’est celle de Kim Yo-jong, sœur de l’immonde Kim-dictateur de Corée du nord, universellement conchié dans le bloc-BAO jusqu’à l’arrivée en Corée du Sud de Yo-jong. A ce moment, vendredi dernier, il y a un déplacement massif, quasiment à 180°, du système de la communication selon les sentiments affectivistes les plus basiques, sinon pavloviens ; relevant de la “société du spectacle“ sans aucun doute mais cette fois à contre-emploi du point de vue du Système, c’est-à-dire simplement antiSystème.

Comme l’écrit hier PhG dans son Journal dde.crisis, à propos de Yo-jong bien entendu, « Son charmant visage d’une impassibilité souriante et presque complice a complètement bouleversé nos calculs géostratégiques et nos plans nucléaires les plus puissants et les plus intransigeants. »

Il suffit d’enchaîner la lecture de deux articles du Daily Caller (les mêmes idées se retrouvent partout, qui pour les acclamer, qui pour les détester selon l’orientation du média) pour retrouver une illustration parfaite de la séquence que nous exposons ici. On retrouve exactement les mêmes renversements que ceux décrits par PhG concernant Christine Ockrent, et nous retrouvant nous-mêmes, plus que jamais « girouette [tournant] au gré des tempêtes du “tourbillon crisique”, mais dont “l’axe vertical fixe” [...] est comme un principe d’une fermeté et d’une immuabilité intransigeantes ». En effet, dans les articles qui suivent, nous voilà, selon notre logique antiSystème de fer, applaudissant ironiquement la presseSystème et tout ce qu’il y a de progressiste-sociétal dans ses élans à la fois affectivistes et antitrumpistes...

(Tout cela, aux USA, le reste du bloc-BAO, y compris la glorieuse France, ne jouant aucun rôle et suivant la basse-cour de la communication, ne présentant donc strictement aucun intérêt sinon pour le folklore révélateur et exemplaire pour nous des comportements postmodernes prisonniers de la communication-Janus, comme dans le cas d’Ockrent.)

• Dans le premier texte que nous citons de Joe Simonson, du Daily Caller, il est question de la réaction indignée d’un journaliste se faisant le porte-voix des conservateurs patriotes qu’on qualifierait de pseudo- pour l’occasion, devant la façon dont la presseSystème, généralement ultra-progressiste-sociétale, a réagi au spectacle et au comportement des Nord-Coréens, Yo-jong en tête, lors de la cérémonie d’ouverture des JO. L’outrance du propos, – qui justifie que nous reprenions l’entièreté de cet article par ailleurs assez court, – met d’autant plus en évidence, comme il était suggéré dès hier dans le texte référencé de PhG, l’extraordinaire confusion, l’inversion des jugements et des valeurs d’autant plus aisément qu’on ignore des deux côtés les vrais principes au profit des références idéologiques grossières et contradictoires, et singulièrement dépassées sinon pour la constance de l’hystérie, bref le désordre mental et la pathologie des psychologies régnant entre zombies-Système et antiSystème de cette sorte incertaine échangeant leurs rôles dans cette occurrence...

(The Daily Caller est un site de bonne qualité et de grande audience, indépendant mais plutôt conservateur, et très souvent critique de la gauche progressiste-sociétale. Il a très souvent défendu Trump durant la campagne électorale, en se faisant critique des attaques et des machinations du DeepState contre ce candidat qui promettait l’arrêt des interventions guerrières extérieures et qui court depuis plusieurs mois avec la menace d’une attaque contre la Corée du Nord en guise de flambeau olympique, – avec le succès qu’on mesure aujourd’hui.)

« La glorification des abjectes horreurs totalitaires par les médias traditionnels n’étonnera pas celui qui connaît l'histoire du XXème siècle, mais la couverture ce week-end de la présence du régime nord-coréen aux Jeux Olympiques dépasse tout ce qu’on a pu faire jusqu’ici dans ce domaine.

» Alors que les Jeux Olympiques d'hiver de 2018 débutaient en Corée du Sud, des journalistes de différents réseaux ont applaudi la tentative pathétique du dictateur nord-coréen Kim Jong-un de convaincre la presse et les réseaux de communication de considérer son régime comme légitime, grâce au déploiement de troupes de danseurs chorégraphiées et à la présence de sa sœur Kim Yo-jong lorgnant sur le vice-président Mike Pence.

» CNN a mené la charge, tweetant un article surmonté d’un titre affirmant que “la sœur de Kim Jong-un a accaparé tous les regards lors du spectacle d’ouverture des Jeux Olympiques d'hiver”. On distingue mal de quel spectacle il s’agit puisque, comme la plupart des Américains, nous pensions qu’il s’agissait de regarder du sport, pas de materner avec adoration des assassins. Comme d’habitude, CNN a eu besoin de trois de ses journalistes les plus brillants pour parvenir à justifier cette thèse.

» L’influence du Juche a investi les bureaux du la rédaction du Washington Post, qui écrivit en première page de son édition de dimanche que la sœur de Kim Jung-un était “l’Ivanka Trump de Corée du Nord”. L'article décrit comment Yo-jong “captive les gens“. Certes, elle peut sans doute captiver les gens de Corée du Sud, – mais à la condition que vous y incluiez les journalistes occidentaux libéraux-progressistes.

» La copulation avec les communistes de nos vertueux médias ne s'est pas arrêtée là. “Les deux cents pom-pom girls nord-coréennes volent la vedette aux Jeux olympiques d’hiver de 2018 avec leurs tenues assorties et leurs chants synchronisés”, s’extasiait ABC News. Inutile d’observer que vous pouvez trouver des troupes beaucoup plus talentueuses (et mieux nourries) avec n’importe quelle équipe de football américain au Texas.

» Rien de tout cela n'a empêché le New York Times de qualifier la troupe nord-coréenne d’“armée de beautés” ou le Wall Street Journal de dire que leurs chants faussement sucrés ne pouvait “être ignorés“. Même les officiels olympiques du NBC ont jugé le spectacle “si agréable à regarder”. Reuters s’est vraisemblablement senti obligé de ne pas être en reste et a écrit dimanche matin : “La Corée du Nord a remporté la médaille d’or de la diplomatie aux Jeux olympiques”.

» Il va sans dire que la conduite de la Corée du Nord durant ce week-end était une tentative délibérée de faire paraître le régime sympathique et de créer l’illusion que les États-Unis sont le véritable obstacle à la paix entre les deux nations. Les journalistes, avec leurs cargaisons de diplômes et leur penchant constant à paraître éduqués, devraient le savoir mieux que quiconque. Bien sûr, une seule chose peut obscurcir à ce point leur jugement moral : un républicain à la Maison Blanche. »

• Il n’empêche que la débâcle est complète dans cette affaire, principalement dans le chef bien mal fagoté de l’administration Trump, – et cela, malgré qu’il y ait, paraît-il, “un républicain à la Maison-Blanche”. Pence, dès son retour aux USA venant de Corée du Sud, a expliqué au Washington Post que l’administration est prête à “parler” avec la Corée du Nord, et semble-t-il sans condition préalable, ce qui représenterait une concession perçue comme majeure, et également une mesure du gouvernement US pour sortir de l’isolement où s’est trouvée sa politique maximaliste et agressive dans l’ambiance des Jeux et les retrouvailles Nord-Sud ; cela étant dit sans céder ni sur les exigences fondamentales des USA, comme la dénucléarisation, ni sur la pression maximale en cours (manœuvres militaires, circulation-exhibition des porteurs de bombes et de canons, bref les habituelles bonnes manières de la diplomate US en mode de politiqueSystème surpuissante).

« La campagne de pression maximale va continuer et même s’intensifier. Aucun de nos moyens de pression ne sera supprimé avant qu’ils [les Nord-Coréens] n’aient fait quelque chose qui [...] représente un pas significatif vers la dénucléarisation. Mais si vous voulez qu’on parle, nous parlerons... »

On ne s’attardera pas plus longtemps sur cette position de l’administration US, après avoir constaté son extrême faiblesse dès qu’une attaque de communication met en évidence, indirectement et quoi qu’il en soit de la qualité des intervenants (les Kim, de Jung-un à Yo-jong), l’imposture complète de sa politique et de son comportement... Cette imposture a éclaté lors de la séquence des JO, dans la mesure où l’administration s’est trouvée en position de faiblesse par de simples effets de communication qui se sont aussitôt greffés négativement sur le jugement de la politique nord-coréenne des USA, comme on l’a vu avec l’empressement du président sud-coréen auprès de Yo-jong. La puissance qui prétend détenir la position de force et la légitimité pour agir se trouve ainsi déstabilisée par un événement de communication qui paraît dérisoire par rapport au reste, et en position de complète faiblesse, et enfin délégitimée dans cette crise.

(“[I]mposture complète de sa politique et de son comportement”... Comme le sont toutes les politiques et comportements US, pure politiqueSystème contre laquelle un Trump, s’il le voulut jamais, ne peut rien de fondamental. En l’occurrence qui est celle de la téléréalité où abondent les contrepieds, dans le cas nord-coréen ce serait plutôt le contraire car c’est bien la surenchère presque bouffe et baroque de Trump qui a mis, dans le désordre le plus complet qui est de loin sa principale qualité, les USA dans cette position d’isolation complète, et donné ainsi l’occasion aux progressistes-sociétaux totalement habités par leur haine anti-Trump, de faire de l’antiSystème sans le savoir, comme Monsieur Jourdain faisant de la prose... Quant à la politique US, elle ne changera évidemment pas et restera cette politique de coercition exercée dans un champ géographique où les USA n’ont rien à dire de légal, selon une légalité internationale qu’ils foulent aux pieds toutes les heures de tous les jours. Bien entendu, comme Simonson le constate involontairement en en faisant un objet de moquerie, sa remarque sur la Corée du Nord voulant faire prendre pour du vrai « l’illusion que les États-Unis sont le véritable obstacle à la paix entre les deux nations » est complètement invertie puisqu’il n’y a strictement aucune illusion. Aucune argumentation n’est nécessaire tant l’évidence documente se fait irréfragable que les USA sont, ici entre les deux Corées comme partout où ils sont, “le véritable obstacle à la paix” et le principal aliment de la tension conduisant à la guerre.)

De la difficulté d’être antiSystème

Ce qui est étonnant chez nombre d’antiSystème US qui se battent contre le Russiagate, contre les tensions avec la Russie, contre ce qu’ils nomment justement une “résurgence de la Guerre Froide” (“Guerre Froide 2.0”), c’est combien eux-mêmes entretiennent des réflexes de la Guerre Froide d’une part, combien ils ont du mal à prendre en compte dans tous les jugements sur l’en-dehors la critique souvent implacable qu’ils portent contre leurs propres pays. Il est vrai que la Corée du Nord offre un spectacle, d’ailleurs soigneusement filtré par nos relais d’influence, qui n’est pas nécessairement ragoûtant. Cette question est d’ailleurs complètement accessoire, au contraire de celle-ci qui est essentielle : mais qui sommes-nous pour juger et que vaut notre jugement, au regard de ce que nous imposons au monde ?

Ou bien, encore plus précisément pour le cas qui nous occupe... Mais que valent les USA, pour se poser en dénonciateurs et prétendre à être l’alternative nécessaire et impérative à tout ce qui n’existe pas selon les conceptions des USA ? Parlons ici de ce qui n’a fait l’objet d’aucune “repentance mémorielle” officielle, financée par Soros et Cie... Que valent historiquement les USA, entre le génocide de la nation indienne, la liquidation du Sud, la mise à l’encan de l’Amérique du Sud, les pratiques d’euthanasie et autres expériences “médicales“ sur tel ou tel groupes d’individus (les attardés, les blacks, etc.), le système carcéral conçu selon les règles du Goulag stalinien avec exploitation du secteur privé comme pendant de l’administration des camps du temps de Staline, le conformisme terroriste de la pensée et de la communication, l’inégalité économique dans une entité où seuls comptent l’argent et l’intérêt, la corruption officialisée selon la doctrine du lobbyisme et le système électoral absolument corrompu qui fait moquerie de la démocratie, la goût pour les guerres d’anéantissement (notamment et tiens justement, contre la Corée du Nord en 1950-1953), le développement d’une industrie d’armement qui est le poumon, le cœur et le sang de ce pays qui n’a ni intellect ni âme en tant que pays dans sa direction politique, et qui s’affiche faussement “nation“, – avec tout cela comment justifier le rôle que s’arrogent les USA avec leur politique et parler de légitimité à leur propos sinon céder à une complète subversion des mots ?

Le point le plus curieux est donc que nombre d’antiSystème US dénoncent tout cela dans l’histoire de leur pays et ne font pourtant aucun crédit à aucun pays qui ne soit du “modèle“ américain, – démocratie déclarée et complet libéralisme économique. Ils détestent donc la Corée du Nord comme ils détestent le Venezuela de Chavez et de Maduro, plus diverses autres entités, pour des raisons idéologiques purement américanistes (parce qu’on a par exemple dans tel ou tel de ces pays des velléités de nationalisation). Eux aussi, ces antiSystème US, qui dénoncent la persistance de la Guerre Froide chez les zombies-Système type-Hillary avec leur Russiagate, sont encore au temps de la Guerre froide dans ce cas, – comme si le sort de ce formidable combat de titans auquel nous assistons dépendait de telle ou telle doctrine économique et d’une communication énamourée pour les slogans démocratiques, – et surtout, d’abord, dépendant essentiellement des principes des Founding Fathers, ces fameux révolutionnaires qui ont renversé soi-disant l’Ordre Ancien et qui ont ainsi posé l’imposture originelle...

(Jacques Barzun, From Dawn to Decadence – 500 Years of Western Cultural Life [1999] : « S’il y en avait un, le but de la Guerre d’Indépendance américaine était réactionnaire : ‘Le retour au bon vieux temps!’ Les contribuables, les élus, les marchands et négociants, les propriétaires voulaient un retour aux conditions existantes avant l’établissement de la nouvelle politique anglaise. Les références renvoyaient aux droits classiques et immémoriaux des Britanniques : autogouvernement par le biais de représentants et d’impôts garantis par les assemblées locales, et nullement désignées arbitrairement par le roi. Aucune nouvelle idée suggérant un déplacement des formes et des structures du pouvoir – la marque des révolutions – ne fut proclamée. Les 28 affronts reprochés au roi George avaient déjà été souvent cites en Angleterre. Le langage de la Déclaration d’Indépendance est celui de la protestation contre des abus de pouvoir, et nullement celui d’une proposition pour refonder le gouvernement sur de nouveaux principes. »)

La critique de Simonson comme on la lit dans son article n’a aucun sens, de par la conséquence de tous ces traquenards et chausse-trappes historiques et du temps courant. Par simple logique renversée que justifie leur haine de Trump, les soutiens affichés du Système qui se trouvaient aux côtés d’Hillary-la-pourrie et de ses diverses narrative sociétales, les progressistes-sociétaux qui se sont battus contre Trump, ceux-là défendent indiscutablement ici une position antiSystème. La logique renversée les met à cette place puisque Trump se trouve, dans le chaos général dont il est absolument partie prenante et qu’il entretient avec zèle, dans une phase purement de politiqueSystème avec sa politique contre la Corée du Nord ; puisqu’ils sont contre Trump, ils sont contre la politiqueSystème... (Il n’est d’ailleurs aucunement nécessaire de les en informer, dans ous les cas il n’y entendraient rien.)

L’extraordinaire accumulation de virtualisme, de narrative, etc., depuis le décès de la “vérité officielle” annoncée en 2001 par le secrétaire à la défense Rumsfeld a conduit, aux USA et dans le reste du bloc-BAO, à un phénoménal chaos intellectuel, aussi bien pour les zélotes du Système que pour ceux des antiSystème qui prétendent encore s’appuyer sur la seule raison-subvertie et la logique qui s’en déduit. Toutes deux, raison et logique, sont subverties par le Système dans les conditions actuelles si une vision supérieure (intuition haute) et une posture d’inconnaissance ne sont pas adoptées avant d’en faire usage. La révolution dans les champs psychologique et intellectuel que nous sommes en train de subir implique la nécessité de ne plus penser précisément les actes et manœuvres du Système et de ceux qui lui sont opposés selon une logique qui, laissé à elle seule, serait nécessairement pervertie.

Nous avons souvent recommandé et ne cessons de le recommander plus encore, dans des circonstances si diverses et si chaotiques, de se réfugier dans l’inconnaissance pour mieux pouvoir choisir les domaines où l’on peut intervenir sans risque de subversion du Système (d’être subverti par lui), sans être tenu par des obligations venues d’anciennes idéologies. Une fois cette distance établie, le seul but acceptable qui est l’attaque contre le Système se distingue et s’identifie sur une perspective dégagée.

Le cas nord-coréen tel qu’il a curieusement et si rapidement évolué durant le week-end, presque comme une farce (ou une “tragédie-bouffe”, certes), représente un exemple quasiment épuré des contradictions terribles où nous plonge ce chaos intellectuel si nous n’y prenons garde. La seule possibilité pour une pensée libre est de se tenir à une bonne distance, – l’inconnaissance, certes, – jusqu’à trouver le moment où l’identification de l’action antiSystème est assurée, et par conséquent une intervention possible parce qu’efficace, sans se soucier de savoir au côté de qui vous vous trouvez et si cela est moralement acceptable. Qu’importe si l’on est dans cette circonstance du côté d’Ockrent pour 40 minutes et du côté des Kim le temps des JO, puisqu’on est contre le Système et que c’est là le principe fondamental. C’est à eux d’être surpris et de s’interroger sur les circonstances de leur étrange destin, et nullement à nous.