9/11 et la crise actuelle

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9/11 et la crise actuelle

On a déjà vu ce que nous signalait Paul Craig Roberts à propos du Washington Times, ouvrant pour la première fois ses colonnes à une vision équilibrée, voire presque favorable pour la thèse de ceux qui jugent complètement faussaire la version officielle de l’attentat du 11 septembre 2001. (Voir notre rubrique Ouverture libre du 6 mars 2010.)

• On a noté également, cette fois selon une indication un peu en sens inverse, que l’intervention suspicieuse de la version officielle de la candidate à la désignation républicaine pour l’élection du gouverneur du Texas, Debra Medina, de Tea Party, lui a coûté un certain soutien ; mais tout de même, elle n’en a pas disparu pour autant… Dans le Guardian du 3 mars 2010: «Medina did well, winning double-digits, despite having lost ground last month after agreeing with the conspiracy theory that the federal government was involved in the 9/11 attacks. In these circumstances, her performance amounted to a show of strength by grassroots activists.»

• Enfin, autre signe à relever, l’intervention de Mitt Romney, un des caciques du parti républicain et candidat-président à perpétuité… Le 7 mars 2010, RAW Story rapporte une intervention de Romney sur FoxNews, où Romney accuse Obama de soutenir indirectement (à peine) ceux qui, à l’étranger, mettent en doute la version officielle: «By speaking to Muslim countries, the president gives support to those who don't believe the official account of 9/11, says former Massachusetts Governor Mitt Romney. “I saw even Ahmadinejad is now saying 9/11 is a fabrication,” Romney told Fox News' Chris Wallace. “These sorts of voices should not receive any kind of support from the words of the president of the United States.”»

Notre commentaire

@PAYANT …Ainsi reparle-t-on des diverses thèses autour de l’attaque du 11 septembre 2001, la thèse officielle et les thèses qui contestent en partie, fortement ou radicalement cette thèse officielle. Ce qui est intéressant, dans les trois nouvelles données ci-dessus, c’est leur absence de cohésion par rapport aux lignes officielles et aux positions contestatrices habituelles: un journal d’habitude absolument partisan de la thèse officielle, puisque proche des neocons et de la clique Cheney & Cie, qui donne un écho favorable à des informations venues d’un groupe particulièrement impressionnant par son statut de professionnalisme et implicitement très fortement contestataire de la version officielle; une candidate du mouvement Tea Party qui émet des doutes sur la version officielle et rassemble tout de même 18% des voix des délégués républicains du Texas, Etat perçu comme en général radical type-neocon en matière de politique extérieure, pour les primaires de la candidature républicaine au poste de gouverneur; un cacique-type du parti républicain qui accuse Obama d’encourager objectivement ceux qui, à l’étranger, soutiennent la contestation de la version officielle de l’attaque…

Tout cela fait brouillon et désordre à la fois, mais suscite une question intéressante, puis une autre, beaucoup plus intéressante encore:

• La première question est de savoir dans quelle mesure la polémique autour de la version officielle de l’attaque ne va pas devenir un sujet de polémique dans la campagne des élections de novembre prochain, dans l’atmosphère électrique qu’on y connaît déjà.

• La deuxième question, dans l’hypothèse où une réponse plutôt affirmative est donnée à la première, est de savoir dans quel sens jouerait une telle irruption de la polémique autour de 9/11. En effet, aujourd’hui cette polémique est beaucoup plus diversifiée et paradoxale qu’on était accoutumé à voir, et c’est ce que montrent les doutes de Medina à propos de la version officielle. L’habitude est de considérer que l’électorat républicain, ultra-conservateur, suit automatiquement la politique radicale type-neocon, et soutient donc la version officielle d’une attaque à 100% fomentée par les “ennemis” islamistes et djihadistes. Mais, entre temps, cet électorat a amorcé un formidable virage qui se traduit par une position de plus en plus radicalement anti-Washington, républicains et démocrates confondus. L’hostilité perceptible à la politique extérieure belliciste de Washington dans l’accueil qui a été fait au discours de Ron Paul à la convention du CPAC est significative. Dès lors, on peut se demander si, chez certains de ces électeurs qui se regroupent dans Tea Party, où est apparue une hostilité radicale à tout ce qui vient de Washington, ne va pas s’installer également un mouvement de contestation de la version officielle de 9/11 au profit d’une version d’un montage de ce gouvernement, par simple hostilité systématique à tout ce qui vient de Washington.

Nous répétons notre intérêt pour la question de la recherche de “la vérité” dans l’attaque 9/11, et donc l’examen très critique judsqu’à la contestation complète de la version officielle, non comme sujet de résolution radicale de la question mais comme sujet d’incertitude et de trouble des perceptions du système. Il nous paraîtrait moins intéressant que l’on parvienne à la “vérité”, fût-ce celle d’un montage complet et avéré du gouvernement, parce que cela déboucherait nécessairement sur la mise en cause de quelques lampistes type-Rumsfeld et Cheney, tout en redonnant au système une nouvelle vertu, – du type: “quel système vertueux qui est capable de s’épurer lui-même de ses éléments vicieux”. La même chose s’est passé avec le Watergate, où le système est apparu d’autant plus vertueux qu’il s’etait payé la peau d’un président peu scrupuleux, – tout cela pour apprendre quinze ans plus tard que la probable réalité est que ce même président avait été liquidé à l’occasion du délit mineur du Watergate par un “complot bureaucratique” des chefs militaires qui voulaient sa peau parce que sa politique menaçait leur politique belliciste. Le résultat de la “vérité” (car, effectivement, Nixon était coupable stricto sensu) n’est pas vraiment exaltant, puisqu’il nous donne en droite ligne les neocons, la politique hégémonique, 9/11 et le reste. Si Nixon était resté en place, avec sa politique d’ouverture vers l’URSS, nous nous serions peut-être passé de toutes les saloperies qui ont marqué les trente années suivantes. La vertu temporaire, cela se paye au prix fort.

Il est infiniment préférable d’évoluer dans le trouble et l’incertitude, dans la diffusion des interrogations et des soupçons, dans la diffusion de ces soupçons surtout dans des couches de la population jusqu’alors soutiens aveugles de la version officielle. Il est infiniment préférable de faire grandir le sentiment que Washington a sans doute les mains sales dans cette affaire sans lui donner l’occasion de se les laver. Il est infiniment préférable d’introduire “la discorde chez l’ennemi”, et surtout selon des lignes qui sèment le désordre dans le rangement idéologique, car c’est l’ennemi en général qui nous importe et pas quelques bouc émissaires qui seraient baptisés brebis galeuses pour l’occasion. L’adversaire, c’est un système, pas quelques hommes qui profitent de certains leviers de ce système, mais qui, en fait, constituent des pions pour activer la dynamique déstructurante du système. Ce qui doit nous importer, ce n’est pas “la vérité sur 9/11” mais “le doute sur 9/11”, et que cela devienne une belle polémique de campagne où l’on se déchire à belles dents, éventuellement entre républicains, cela sera encore plus efficace…

Notre vertu temporaire en sera certes affectée… Il nous paraît plus important de penser au niveau de l’Histoire plutôt qu’au niveau de la morale humaine, laquelle nous a déjà joué quelques tours, en accouchant à partir d’une union parfaite de monstrueux Frankensteins qui ont mis le monde à feu et à sang.


Mis en ligne le 8 mars 2010 à 15H40