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153522 décembre 2007 — Joel S. Hirschhorn présente ce qu’il nomme “le Manifeste pour la Vérité sur 9/11” (“9/11 Truth Manifesto”), notamment sur le site Information Clearing House, ce 20 décembre, ou sur OnLine Journal le 21 décembre. (On trouve également ce texte sur notre site, pour plus de facilité, dans notre rubrique Nos choix commentés.)
C’est un document très intéressant parce qu’il présente pour la première fois un programme politique comme justification de la recherche de la vérité de l’attaque du 11 septembre 2001. Il s’agit bien plus que d’une “thèse complotiste” de plus, même si Hirschhorn est évidemment convaincu que 9/11 est un complot. (Il l’est d’une façon substantielle quant aux preuves mais d’une façon plus prudente, comme c’est la logique même, sur l’interprétation: «Our federal government played a role, probably through a large “black op.”»)
(Qui est Hirschhorn? Selon la présentation qui nous en est faite dans l’article: «A former full professor of engineering at the University of Wisconsin, Madison, and then senior official with the Congressional Office of Technology Assessment and the National Governors Association, Joel S. Hirschhorn is now an activist writer and can be reached through www.delusionaldemocracy.com. This article is based on presentations given at a recent conference sponsored by Boston 9/11 Truth.»)
Il s’agit de nous présenter un programme activiste menant à la mise en cause du système de l’américanisme à partir de l’exigence de la vérité sur 9/11. Tout est évidemment dans cette démarche: le peuple américain doit se lever, exiger et obtenir du système qu’il fasse lui-même la lumière sur 9/11. C’est le premier acte d’un plan en trois actes que propose Hirschhorn, dont le résultat final doit être une “seconde Révolution américaine”.
• C’est la première proposition : exiger à l’occasion des élections présidentielles de 2008 que le Congrès vote et que le président (GW lui-même) ratifie une loi instituant la recherche et la mise à jour de la vérité sur 9/11 («…a bill that might be titled The 9/11 Truth Act of 2008»). Hirschhorn détaille le processus que devrait suivre une telle initiative avant de détailler les difficultés qui l’attendent: «This proposed federal legislation should be delivered to every member of the House and Senate early next year. It would clarify the investigation: What its scope and objectives must be. What reliable entity, public or private or a combination, must be used. How the public must be given opportunities to present information. What resources must be provided and what time frame must be adhered to.»
• La seconde proposition concerne les mesures que devrait préparer le public américain/ le “mouvement pour la vérité sur 9/11” pour exercer la pression nécessaire sur le système, voire pour le punir s’il résiste: «Thus the second critical political action is this: Proclaim that only politicians that actively support passage of our legislation will earn support in the 2008 elections from the millions of Americans doubting the official 9/11 story. This threat is an absolute necessity. If the legislation is not passed by Congress and signed into law by President Bush, then we must aggressively support a boycott on voting for all Democrats and Republicans in the 2008 federal elections.»
• Troisième proposition, qui détaille la perspective politique dans laquelle il faut comprendre ces propositions activistes. L’intérêt de cette proposition est son aspect concret, puisqu’elle se manifeste sous la forme de l’exigence d’une réunion d’une convention des délégués des Etats de l’Union pour décider d’amendements à la Constitution, conformément à l’Article 5 de la Constitution : «Third, all those committed to 9/11 truth should honor what the Founders gave us in our Constitution in case some day Americans lost confidence in the federal government, especially in Congress. That day has arrived. 9/11 was that day. They gave us the option in Article V for a convention of state delegates to propose constitutional amendments. We must see SYSTEM reforms as only achievable through constitutional amendments that Congress will never propose nor achieve through normal legislation.
»Congress and the entire elitist political establishment have intentionally denied us a convention for over 200 years…»
Il s’agit d’une démarche radicale dont il n’y a pas lieu de discuter ici de la possibilité de sa réalisation. Il n’y a pas lieu de conclure: “c’est inutile, cela ne marchera jamais…”, car ce n’est pas le propos. Ce qu’il faut observer, de façon toute différente, c’est que la radicalité de la proposition n’en rejoint pas moins la logique du projet américain originel, – si l’on veut, la logique de la “Révolution américaine” (comme les Américains nomment ce que nous désignons comme la Guerre d’Indépendance). C’est pourquoi l’on est fondé d’accepter la désignation que Hirschhorn donne a sa proposition d’une deuxième “Révolution américaine”.
Hirschhorn ne se dissimule pas ce qui est en fait le véritable obstacle, non seulement à sa proposition, mais simplement à la recherche de la vérité (sur 9/11 comme sur tout le reste): la psychologie nationale. Cette fois, il s’agit de ce que nous nommons “la psychologie américaniste”, pour revenir à notre qualificatif favori (“américaniste”), et non pas la psychologie américaine. C’est la contradiction entre la croyance majoritaire dans la population que le gouvernement ne dit pas la vérité et le refus de la même population de tout faire pour qu’on connaisse cette vérité. On comprend bien que ce qui est en cause ici n’est pas la vérité soi-disant “objective” (notre antienne : que nous importe de savoir comment et par qui a été manipulé 9/11) mais bien l’audace et la liberté psychologiques de vouloir la vérité en en acceptant par avance toutes les conséquences.
«…Only 16 percent of Americans believe that members of the Bush administration are telling the truth about what they knew about terrorist attacks on the US prior to 9/11, according to a New York Times/CBS News poll. But what people say in polls is not the same as coming out publicly and vociferously for 9/11 truth, or seeing the roots of 9/11 in the decay of American democracy, not merely the actions of a few evil people.
(…)
»We confront more than power elites. There is psychological resistance of millions of Americans to painful 9/11 truth – a shameful, “unthinkable” truth about their elected government. Even if they have doubts about the official story, they instinctively recoil and erect mental barriers to block out the full truth. They want to keep believing that they live in a great democracy. They want to believe that when the Bush administration is replaced our democracy will be in good shape again. Hard to accept that 9/11 truth could not have been suppressed this long without the tacit or explicit approval of Democratic politicians and power brokers.»
Ceux qui nous disent qu’on étouffe le mouvement de contestation de la “vérité officielle” sur 9/11 ne savent pas ce qu’ils disent. Jamais un événement majeur et d’une telle importance symbolique et sacralisée n’a été aussi fortement, aussi vivement, aussi radicalement contesté, et avec une telle persistance, une telle pression perçue d’une façon constante. Il est singulièrement contradictoire de nous dire que ce mouvement est étouffé alors que 16% seulement des Américains croient que l’administration Bush dit toute la vérité à propos de l’événement (de ce qui a conduit à l'événement).
On peut comparer avec bénéfice cette situation avec celle qui a accompagné et suivi l’assassinat de Kennedy du 21 novembre 1963, événement tout aussi manipulé de toutes les façons que l’a été 9/11, – et événement bien aussi grave et déstabilisant. L’assassinat de Kennedy a, d'une part, participé d’une façon considérable sinon décisive à l’aggravation des événements intérieurs aux USA pendant les années 1960; il a, d'autre part, stoppé un processus révolutionnaire de détente radicale entre les USA et l’URSS, c’est-à-dire entre Kennedy et Krouchtchev, instruits tous deux par les conditions, les manipulations et la gravité de la crise de Cuba d’octobre 1962 (le double soviétique de l’assassinat de JFK, – on goûtera avec ironie de quel côté se trouve la violence, – étant à cet égard l’élimination “en douceur” du pouvoir de Nikita Krouchtchev, en octobre 1964). Pour autant, la contestation de la version officielle de l’assassinat, alors qu’une majorité d’Américains mettait et met toujours en doute cette version, n’a jamais atteint le millième en intensité et en constance de celle qui affecte la version officielle de 9/11.
Mais surtout, et c’est là l’intérêt du Manifeste de Hirschhorn, la contestation à propos de l’assassinat de JFK n’a jamais débouché sur une mise en cause de tout le système comme la démarche de Hirschhorn tend à le faire. L’intérêt de sa position est qu’il ne fait pas de 9/11 le début de quelque chose (l’idée que 9/11 est cet événement à partir de quoi la perversion du système est avérée, ce qui ouvre de facto une procédure d’éventuel constat d’innocence au bénéfice de tout ce qui a précédé), mais au contraire la décadence du fonctionnement d’un système, – impliquant que tout le système est en essence pervers et manipulateur depuis son origine, mais qu’il était plus habile et moins brutal jusqu’alors. (Cette idée est évidente dans une remarque comme celle-ci : «The decline started before George W. Bush and his criminal co-conspirators accelerated it with their blatant disregard for the rule of law and our Constitution.») A cet égard, 9/11 n’est pas un succès formidable (du système) mais une catastrophe sans précédent, puisqu’il ne s’agit rien moins que du masque qui tombe (et le masque est déjà tombé, de l’Irak à Guantanamo).
Nous avons toujours entretenu quelque doute à propos des effets de la recherche de “la vérité pour la vérité” dans le cas 9/11 à cause du mécanisme du bouc-émissaire si bien huilé aux USA. Il y a un précédent: Watergate. La mise à jour de la vérité du Watergate, scandale mineur s’il en est par rapport aux normes du système (Nixon est intervenu dans une chaîne de circonstances illégales déjà existante), aboutit à deux choses: la concentration de l’opprobre sur un coupable de circonstance qui n’était pas le pire d’entre tous et la félicité et l’acclamation universelles pour ce système qui avait poussé la vertu jusqu’à se soumettre lui-même aux rigueurs de sa propre justice. En vérité, c’est le cas de le dire, il s’agissait d’un règlement de compte à l’intérieur du système, où le plus maladroit dans la circonstance paya le prix fort et endossa le rôle de bouc émissaire. Un processus semblable peut arriver pour 9/11. On peut imaginer un scénario où un nouveau président (une nouvelle présidente), installé(e) en janvier 2009, se trouve confronté(e) à une crise intérieure très grave avec une perte massive et activiste de soutien du système par le public, – comme certains l’envisagent d’ores et déjà. Une réouverture officielle du dossier 9/11, une nouvelle enquête “contrôlée” aboutissant à la mise en cause de tout ou partie de l’administration précédente (Bush), serait un pari raisonnable pour rallier le public autour du nouveau pouvoir dans une situation où l’urgence serait de reprendre le contrôle de la situation. Ce serait un cas classique de bouc émissaire (même si le bouc émissaire est coupable, comme Nixon), permettant de sauver l’essentiel en sacrifiant ce qui est devenu accessoire (à nouveau le système qui pousse “la vertu jusqu’à se soumettre lui-même aux rigueurs de sa propre justice”).
L’esprit de la proposition de Hirschhorn est intéressant en ce sens qu’il dit in fine: la recherche de la vérité sur 9/11 n’est qu’un outil pour mettre en cause tout le système depuis son origine. C’est d’ailleurs le cas. Pour nous, le premier de tous les complots a lieu en 1787-1788 lors de la rédaction de la Constitution, d’où certaines parties sont exclues (Jefferson, ambassadeur à Paris, n’y participe pas) et où l’activisme et le sens de la manœuvre des fédéralistes de Hamilton aboutissent à un document qui trahit évidemment l’esprit de la “Révolution”.
(…Et encore. Certains auteurs avancent que la “Révolution” n’en était pas une, et alors elle-même serait “la mère de tous les complots” et l’entourloupe de la Constitution en serait le premier rejeton avant bien d’autres. Par exemple, un homme aussi honorable et acclamé par le système que Jacques Barzun, nous proposant, en passant et comme une évidence, ces quelques remarques dans Dawn to Decadence — 500 Years of Western Cultural Life : «If anything, the aim of the american War of Independance was reactionary: “back to the good old days!” Taxpayers, assemblymen, traders, and householders wanted a return to the conditions before the latter-day English policies. The appeal was to the immemorial rights of Englishmen: set governments through representatives and taxation granted by local assemblies, not set arbitrarily by the king. No new Idea entailing a shift in forms of power — the marks of revolutions — was proclaimed. The 28 offenses that King George was accused of had long been familiar in England. The language of the Declaration is that of a protest against abuses of power, not of proposals for recasting the government on new principles.» Dans ce cas, la proposition Hirschhorn menée à son terme aurait la vertu de nous montrer que le roi est nu au point qu’il n’a jamais porté le moindre habit et l’enseignement vaudrait aussi pour nous et nos propres mythes, – la Révolution de 1789, la démocratie, etc.)
9/11 est-il un complot? La théologie qui s’est développée autour de cette question, avec accusation de relaps si l’on ne réaffirme pas la vérité du complot dans chaque article qu’on écrit, est des plus fatigantes. En plus, elle est trompeuse sinon faussaire en limitant le propos à 9/11. Lorsqu’on lit un livre comme The Road to 9/11, que nous avons déjà cité, on arrive à un constat ahurissant. L’auteur ne conclut à aucun moment que 9/11 est un complot alors qu’il nous montre que tous les événements qui y mènent, depuis 1978 et l’établissement de la FEMA (administration de gestion des risques internes), depuis les manipulations des mouvements islamistes (Afghanistan, avec la CIA, l’Arabie, etc.) à partir des années 1970, depuis le “Manifeste Powell” et la “privatisation” de l’Amérique, depuis le processus COG, – tout ces événements ne sont qu’autant de complots rassemblés en un seul complot général exprimant finalement les agissements secrets du système qui sont peut-être des convulsions. Par conséquent 9/11 ne peut être qu’un complot, mais il est manifeste que cette seule affirmation n’est pas décisive. S’y accrocher comme à une Sainte Relique comporte, par contre, les risques du bouc-émissaire et de la récupération, sauf si l’on ouvre le propos comme le fait Hirschhorn.
Nous n’avons évidemment et raisonnablement aucun espoir que l’initiative de Hirschhorn aboutisse à quoi que ce soit, et nous ajoutons aussitôt avec force qu’il existe une possibilité ou l’autre que nous nous trompions complètement. Le plus remarquable de ce temps historique peu ordinaire, c’est qu’il semble parfois trouver un plaisir supérieur à faire survenir des événements fortement improbables jusqu’à paraître impossibles et dont la raison et l’expérience repoussent la possibilité.
Un seul véritable enseignement, capital à notre sens, transparaît pourtant dans le texte de Hirschhorn: l’appel aux Etats pour faire la Révolution anti-système… Effectivement, c’est notre conviction. Le système fédéral US, par sa puissance énorme et son absence totale de légitimité historique par absence de transcendance régalienne, ne peut commencer à être mis en cause qu’en en revenant à cette origine-là qui met elle-même directement et entièrement en cause sa fausse légitimité. L’Amérique est comme une sorte d’univers globalisé en réduction, où un pouvoir “globalisateur” a annexé les pouvoirs souverains de ses constituants, à l’image des buts du processus actuel de globalisation, – et ceci explique bien cela, on le comprend, puisque la globalisation est d’inspiration américaniste. Plus qu’une “deuxième Révolution” stricto sensu, ce qu’il faut aux USA c’est une révolte de ses constituants, c’est-à-dire des Etats formant l’Union, contre le Centre. Comme on le sait, il y a des précédents, car la Guerre de Sécession (plus que la “Civil War”, comme ils l’appellent) suivait ce schéma, dans la réalité de ses causes fondamentales.
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