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996Mi-figue mi-raisin, c’est-à-dire pas franchement pro-Brown, le Times de Londres d’aujourd’hui présente la journée d’hier à Bruxelles, au sommet de l’UE, comme un match Brown versus Sarkozy; match pour la popularité auprès de la presse, à celui qui paraitra le plus en faire, le plus maître des événements, le plus inspirateur et conducteur de l’Europe en même temps que de son pays et ainsi de suite.
(Le Times, dans son appréciation, ne partage pas l'enthousiasme nationaliste de certains organes plus proches des travaillistes. Le Times conserve, dans ce cas, une approche très marquée par la politique intérieure, et Brown est un travailliste alors que le Times est proche des conservateurs.)
«Gordon Brown and Nicolas Sarkozy issued rival plans to rescue the global financial system yesterday as they jousted over who should take charge of far-reaching regulatory reforms.
»The French President sprung into action after Mr Brown issued a detailed document that challenges European leaders to move to “stage two” of his bank rescue plan, and calls for a new Bretton Woods-style conference to reorganise financial regulation.
»Not to be outdone, several hours later Mr Sarkozy handed out his own two-page paper demanding a global overhaul of the financial system and “a new form of capitalism”.
»Like Mr Brown, he also called for a meeting of key international players before the end of the year and referred to “a new Breton Woods”, saying that this repeated his ideas from a speech to the United Nations last month.
»Mr Sarkozy could not compete with Mr Brown’s claim to have been first with the call for a new world order, which the Prime Minister said he initially made after the Asian financial crisis of 1998. But the French President last night gave a press conference spelling out his aims to tackle tax havens and hedge funds, after he has discussed European plans with President Bush this weekend.»
Tout cela peut avoir une allure dérisoire par rapport aux enjeux poursuivis, à l’intensité de la crise, etc. Ce n’est pas tout à fait le cas. Il est assuré que, par la force des circonstances, des habiletés diverses, du poids des pays qu’ils représentent, les deux hommes jouent un rôle très important dans la crise, dans le cadre européen. D’un côté, les positions de Brown ont été fortement incurvées dans un sens qu’on qualifierait avec certaines précautions d’anti-libéral avec ses décisions interventionnistes, voire ses mesures de nationalisation. D’un autre côté, il est évident que Brown garde certaines orientations très libérales, notamment dans le cas de son insistance à établir, dans le plan grandiose de réforme mondiale qu'il propose, des règles de libre-échange inspirées des négociations de Doha. (Une idée à laquelle la patte du nouveau-venu dans son gouvernement, Peter Mandelson, ne serait pas étrangère.)
«Mr Brown surprised many with a call to restart world trade talks, which collapsed in the summer. “Protectionism may give some countries a short-term advantage but in the long run it will not help. The message must go out that this ‘beggar-my-neighbour’ approach of the past is of no use in the future and one big symbol of that would be a world trade deal saying that protectionism is unacceptable.” Some may have detected the hand of Lord Mandelson, the Business Secretary, who strove hard but failed to broker a world trade deal while EU Trade Commissioner.»
La concurrence Brown-Sarko devrait pousser Sarko, pour reprendre la main au niveau médiatique, à afficher une attitude critique vis-à-vis de ce pan conservé du libéralisme dans les projets de Brown. (Dans le cas de l’Europe, notablement moins “protégée” que les USA, cette attitude libre-échangiste de Brown peut être, c’est le moins qu’on puisse dire, l’objet de critique, et, par ailleurs, elle sera vulnérable à cette critique.) Une certaine protection de l’Europe est un des axes de l’agitation sarkozienne. La crise économique qui se développe devrait aider Sarko à contrer Brown sur ce terrain.
Dans ce cas comme dans divers autres, la concurrence entre les deux hommes apparaît ainsi bénéfique, quant au résultat qu’on peut objectivement en attendre. On rencontre encore une fois l'idée que les acteurs politiques, acteurs remarquablement frénétiques ces derniers temps, peuvent tenir sinon jouer un rôle intéressant d’une façon indirecte, par les effets qu’ils suscitent, volontairement ou pas.
Mis en ligne le 16 octobre 2008 à 14H26