A la recherche de la vérité perdue 

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A la recherche de la vérité perdue 

Il n’y a sans doute rien de plus pathétique que de voir réunis, sur tel et tel plateau de réseaux télévisés qui sont les salons parisiens du XXIème siècle postmoderne, un certain nombre de nos élitesSystème agréablement zombifiés par le confinement, discutant gravement du racisme aux États-Unis, confits dans leur certitude d’ainsi éclairer doctement les événements en cours aux USA. La décadence est décidément difficile à supporter quand elle s’accompagne de l’arrogance dans l’effondrement, – en France encore plus qu’ailleurs, tant l’intelligence, quand elle se met à être stupide, est aussi insupportable qu’un prurit d’eczéma. Cela était dit pour introduire notre sujet qui est complètement celui de leur ignorance arrogante des causes, et même de la Cause Première, de ce qui se passe aux USA ; quant à nous, l’inconnaissance fait l’affaire et permet d’en discuter sans connaissance de cause.

Nous avons réuni trois textes très divers, de forme notamment, de style, d’orientation, d’auteurs américanistes tentant de donner une appréciation de ce qui se passe dans leur pays. Les trois textes résonnent finalement, lorsqu’on les considère hors des détails qu’ils traitent, d’une seule question : où est donc passée la vérité ?

L’un nous explique que nous sommes dans une situation “pré-totalitaire”, – ce qui se conteste et se discute, pour le moins, – et précise aussitôt : « Dans une société pré-totalitaire, plus personne ne croit encore dans “la vérité”. On se contente de croire dans des idées qui viennent confirmer une vision idéologique du monde, et de mépriser toute personne ayant un avis différent du sien. » Un autre se lamente affreusement, et on le comprend évidemment puisque c’est à propos de cette question : « À qui confier la vérité maintenant que la vérité n’existe plus ? » Quant au troisième, il veut nous convaincre que la vérité existe encore, malgré tout : « Je sais qu'il va être difficile d'accepter ce que je vais dire parce que les gens s'investissent beaucoup dans les narrative qu'ils ont choisies, mais il est important que vous soyez au moins confronté à la notion que tout cela est vrai. »

Par conséquent, on peut croire que ces trois textes, parlant des événements en cours aux USA, parlent également de la vérité, et qu’au fond leur réflexion tourne autour d’une question du genre de celle-ci : “Mais enfin, quelle est donc la vérité de tout ceci, et de quelle vérité parle-t-on, et la vérité existe-t-elle encore si de tels événements se déroulent aux USA ?”.

Les USA subissant dans une continuité presque transmutée en un seul phénomène deux crises considérables, – le Covid19 qui a pris des dimensions terrifiantes et les émeutes qui embrasent le pays, – il nous paraît évident que la psychologie de l’américanisme est elle-même profondément déstabilisée, avec des interrogations qui, elles, dépassent largement les petits conciliabules des salons-plateaux parisiens sur le racisme. Il y a une angoisse existentielle, ontologique dans ces réflexions, d’autant qu’elles se situent dans la perspective d’un événement que l’un des auteurs cités présente de cette façon : « …l'élection présidentielle la plus âprement disputée de l'histoire américaine moderne. Et cette élection sera probablement suivie d'une crise constitutionnelle dans une nation divisée de manière dévastatrice » ; d’autant que cet événement d’une si énorme importance est confié à la responsabilité de deux vieilles croutes représentant chacune deux pans de la décadence catastrophique d’une civilisation.

En d’autres mots, nous dirions qu’il est bien difficile de fixer un sens et un axe à ce déferlement extraordinaire. Il est vrai, s’il faut vraiment donner un sentiment, que nous verrions cet immense Titanic en train de piquer de la proue comme subissant l’effet de l’entraînement de la démence que celui de la séduction du totalitarisme. Certaines des remarques des textes ci-dessous vont dans ce sens, sans aucun doute ; et c’est aussi bien...

Alors, on conçoit évidemment qu’il est plus honorable de concevoir que les événements d’Amérique nous confrontent aujourd’hui avec, pour ceux qui ont l’audace d’affronter cette épreuve, la question de la  vérité-de-situation d’une époque, de la vérité-de-situation de l’effondrement d’une civilisation, plutôt qu’avec la question du racisme/de l’antiracisme qui fait manifestement partie de l’arsenal que cette civilisation entretient fiévreusement pour tenter d’échapper à son sort fatal. Dans ce cas, la recherche de la “vérité” de ces événements et des crises successives qui les caractérisent, que les auteurs cités ici abordent de diverses façons, rencontre bien entendu les réflexions générales que nous développons en commentaire ou en tentatives d’appréciations de ce que pourrait être la Grande Crise (la GCES) que nous affrontons aujourd’hui.

Ainsi, lorsqu’une question s’est posée à nous pour mieux aborder un aspect de la traduction/de l’adaptation de l’un des textes considérés où il est évidemment fait allusion à diverses formes d’interventions secrètes ou de complots possibles dans ces événements américanistes, une de nos sources, sans doute du plus haut niveau qu’on puisse imaginer et certainement dans le secret des dieux, nous a conseillés de nous reporter à un texte de PhG, dans son Journal dde.crisisdu 23 mai 2020, où il était question de traiter du complotisme et d’Israël Shamir (« Les conspirations d’Israël Shamir ») :

« ...le complotisme, – autre ‘isme’ pour désigner le ‘conspirationnisme’, –  n’a paradoxalement comme fonction essentielle que d’introduire la raison dans l’appréhension de tous ces événements qui déferlent sur nous sans que nous parvenions à les comprendre, et donc à les expliquer. L’essentiel de la démarche, c’est bien de “leur injecter un sens”. Le paradoxe est dans ce que, jusqu’à il y a peu, – car, désormais, ils tendent plutôt à faire dans la plus extrême discrétion, – les adversaires du complotisme dénonçaient le complotisme selon l’argument de l’‘irrationalité’, – alors que c’est exactement le contraire ; les complotistes, comme nous le dit Shamir, sont absolument rationnels, des hyper-rationalistes, rationalistes jusqu’à la folie... 
» C’est parce que nous sommes en panne de sens et sans aucun sens à offrir à nos observations des choses, qu’il (le complotisme) recouvre absolument tout le spectre des observations des ‘événements courants’ ; parce que, bien entendu, s’il n’y avait ce garde-fou, cette rambarde rationnelle du complotisme, nous ne pourrions tenter “d’injecter un sens à des ensembles de faits divers qui, autrement, n’auraient aucun sens”.
» C’est effectivement ce que dit Shamir mais sans préciser la chose pourtant essentielle que sans le complotisme, effectivement, ces choses n’auraient ‘aucun sens’, – mais elles n’auraient ‘aucun sens’ pour nous, seulement pour nous, parce que nous vivons sous l’empire de cette Raison que nous adorons comme une sublime déesse. Les choses et les événements ont leur sens et il n’est pas nécessaire que nous connaissions ce sens pour qu’il existe.
» “La grande panique du Coronavirus de l’An 2020 avec ses énormes conséquences est un événement qui appelle une explication sensée. Comment une maladie mineure tuant une partie infinitésimale de la population (0,000045%) a-t-elle pu provoquer l'effondrement de la civilisation telle que nous la connaissons ? Pourquoi une civilisation qui a résisté avec force en sacrifiant la fleur de sa jeunesse sur les champs de bataille de Verdun et de Stalingrad est-elle incapable de survivre à la disparition de quelques hommes retraités au point de se replier sur elle-même, tout en abandonnant la foi, l’amour du prochain, l’opposition aux ennemis de toujours et en détruisant ensuite son économie, son éducation et sa reproductivité ?
» ”Il nous faut trouver une conspiration pour expliquer tout cela”... »

L’on comprend bien que, pour les Grandes Émeutes USA2020 comme pour le « Coronavirus de l’An 2020 » comme le nomme Shamir dans son texte, les nombreuses références au complotisme, dont d’ailleurs nombre d’entre elles sont réelles, et sans doute aussi bien certains complots, sont d’abord là pour tenter de “rationaliser“ un événement général si énorme, si considérable qu’il est urgent de « lui injecter un sens ». Et, bien entendu, cette remarque pour Covid19 vaut absolument et complètement pour Minneapolis-2020 et tout ce qui l’entoure et tout ce qui s’ensuit : « Les choses et les événements ont leur sens et il n’est pas nécessaire que nous connaissions ce sens pour qu’il existe. »

Les trois textes que nous présentons ci-dessous sont successivement les suivants :

• Un texte de Rod Dreher, écrivain et auteur chrétien ( Comment être chrétien dans un monde qui ne l’est plus: le pari bénédictin [Artège, 2017]), publié dans The American Conservative et repris par Figaro-Voxdans une traduction de Paul Sugy, sous le titre « Émeutes aux États-Unis: “L’Amérique entière est devenue un campus universitaire” ».

• Un texte de Eric Peters, CEO de One River Asset Management, prises sur les notes qu’il publie sur son compte Linkedin, le 1erjuin 2020

• Un texte de William Skink en forme de drôle de poème, sur son site au drôle de nom (Reptiledysfunction.wordpress.com), le 1erjuin 2020.

dedefensa.org

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L’Amérique devenue campus universitaire

Dans la nuit de vendredi à samedi, le gouverneur du Minnesota est apparu en direct à la télévision, et a déclaré devant des journalistes que la situation à Minneapolis était devenue si grave qu’elle n’était plus du ressort de la police mais de l’armée. La fameuse «guerre culturelle» qui fait rage aux États-Unis depuis 1968 n’est plus une métaphore: il s’agit bel et bien d’une guerre, au sens propre.

De même que l’attentat de Sarajevo n’a été qu’un prétexte pour que l’Europe plonge dans la guerre en 1914, ainsi le tragique meurtre de George Floyd par un policier n’est pas la vraie raison qui a conduit à une telle flambée de violence.

Nous assistons à la violente disparition de la vieille Amérique libérale.

Actuellement, l’histoire s’accélère aux États-Unis. Nous assistons à la violente disparition de la vieille Amérique libérale, à l’effacement du clivage gauche-droite et des idéaux longtemps portés par les deux bords. Donald Trump est certes un catalyseur de cet estompement, mais son accession à la présidence est aussi le fruit de la corruption des valeurs libérales. De l’autre côté de l’échiquier, la gauche a renoncé au libéralisme pour basculer dans une politique fondée sur l’identité raciale et sexuelle. Dans cette nouvelle Amérique, Martin Luther King serait un étranger.

Ce que la gauche universitaire et médiatique a prêché depuis des années, en particulier l’idée que les Noirs seraient opprimés et que leur rage est légitime, est à présent en train de s’accomplir dans les rues embrasées de nos villes. Lorsque le jeune maire de centre-gauche de Minneapolis a choisi d’abandonner le commissariat de police aux manifestants, qui l’ont saccagé et incendié, il n’est devenu qu’un responsable de gauche libérale supplémentaire sur la liste déjà longue de ceux qui ont jeté nos institutions en pâture aux fauteurs de trouble.

Les présidents d’université l’ont déjà fait depuis des années, et aujourd’hui l’Amérique tout entière ressemble à un campus de fac. En 2015, une controverse ridicule avait éclaté sur le campus de Yale au sujet de costumes d’Halloween jugés offensants pour certaines minorités, et des étudiants outragés avaient crié au racisme, avant de mener des protestations énergiques contre une professeur qui refusait leur chantage idéologique.

Alors que la terreur se répand d’un bout à l’autre du pays, les médias tentent tant bien que mal de contrôler le récit des faits.

Le mari de cette professeur, qui enseigne aussi dans cette université, a participé à l’un de leurs meetings et a tenté de les raisonner en employant des arguments classiques du libéralisme. Ils ont refusé d’écouter. Ils n’ont fait que lui crier dessus (on peut retrouver sur Internet la vidéo de cette confrontation). C’est le crépuscule de la raison, au cœur de l’une des plus prestigieuses universités américaines. Et bien évidemment, l’administration de la fac a pris le parti des manifestants et non celui des enseignants.

Des dirigeants de l’université de Yale qui abandonnent le campus à la furie des étudiants, au maire de Minneapolis qui ordonne de déserter le commissariat, il n’y a qu’un pas.

Alors que la terreur se répand d’un bout à l’autre du pays, les médias tentent tant bien que mal de contrôler le récit des faits en essayant de présenter les émeutiers sous un jour sympathique. Un journaliste de CNN se tenait au coin d’une rue de Minneapolis alors que des milliers de manifestants défilaient derrière lui, et au moment où il les décrivait comme «une joyeuse caravane», il a essuyé un jet de bouteille de leur part.

Ces journalistes de gauche pensaient que le côté des manifestants était le Camp du Bien. Ils pensaient que leur seul ennemi s’appelait Donald Trump. Ils découvrent à présent qu’en réalité, la gauche post-moderne se moque de la liberté d’expression ou de la liberté de presse. Ces valeurs évoquent trop, pour elle, quelque chose comme un ancien régime libéral.

Ces violences surviennent dans un pays en proie à une interminable épidémie, qui a fait perdre leur emploi à 40 millions d’Américains et a dévasté toute l’économie nationale. Et, ce qui est plus inquiétant encore, elles surviennent dans un contexte pratiquement pré-totalitaire: à plusieurs points de vue, le mot n’est pas exagéré.

En 1951, dans Les Origines du Totalitarisme, Hannah Arendt a montré comment le nazisme et le communisme soviétique sont parvenus au pouvoir. Arendt identifie en particulier plusieurs facteurs qui conduisent à l’émergence d’un totalitarisme de gauche ou de droite.

On se contente de croire dans des idées qui viennent confirmer une vision idéologique du monde.

Il y a d’abord l’individualisme et l’atomisation de la société. Par-dessus tout, l’idéologie totalitaire séduit une masse d’individus de plus en plus isolés, privés des rapports sociaux qu’ils avaient autrefois et de l’identité collective qui en émanait. Cela fait des décennies que les sociologues observent une montée de l’anomie sociale aux Etats-Unis (de même d’ailleurs qu’en France, comme le prophétise Michel Houellebecq).

Il y a également un désir de transgression, une pulsion destructrice. L’intelligentsia européenne et russe du milieu des années 20 avait une vision presque fétichiste de l’abolition de l’ancien régime. Cela avait commencé avant la Première Guerre mondiale, mais ce mouvement s’est accéléré ensuite. Ce qu’Arendt écrit à propos des intellectuels de cette époque vaut aussi pour ceux d’aujourd’hui aux Etats-Unis: «Les membres de l’élite n’ont pas vu quel serait le prix à payer - l’effondrement de la civilisation - s’ils donnaient libre cours à leur désir de revanche pour les classes opprimées après des siècles de sujétion.»

La propension à croire tout ce que dit la propagande, aussi. Dans une société pré-totalitaire, plus personne ne croit encore dans «la vérité». On se contente de croire dans des idées qui viennent confirmer une vision idéologique du monde, et de mépriser toute personne ayant un avis différent du sien. Toute démarche rationnelle est impossible, le discours public ne devient plus qu’une lutte de pouvoir. Aujourd’hui, cela est vrai aussi bien à gauche qu’à droite.

Enfin, une société pré-totalitaire privilégie la loyauté à l’expertise. C’est-à-dire qu’il vaut mieux continuer d’adhérer à une idéologie que de remettre en cause ses idées ou son leader. C’est d’ailleurs ce que fait l’administration Trump, et le président ne cesse de s’en vanter. Mais les présidents d’université, les syndicats et les autres institutions de gauche font la même chose, bien que de manière un peu plus sophistiquée: ils obligent leurs adeptes à adhérer loyalement à leurs idéaux de diversité, d’inclusion et d’équité, la devise par laquelle ils maquillent leur lutte de pouvoir.

Certes l’Amérique n’a pas d’Hitler ou de Staline pour récolter les fruits du chaos actuel, Dieu merci! Mais hélas, elle n’a pas non plus de général de Gaulle ou de Martin Luther King - des leaders qui ont la confiance du peuple et qui savent restaurer l’ordre et la confiance.

Il y a quelques jours, Trump a publié sur Twitter des menaces à l’endroit des manifestants, ce qui est choquant, même de sa part. Mais plus nous verrons à la télévision des images d’émeutes et plus il continuera de gagner la sympathie des Américains, quelle que soit l’extrémité de ses positions. L’Amérique n’est pas en proie à une révolution, mais entre la pandémie, l’effondrement économique qui s’ensuit et maintenant ces émeutes, je crains que nous soyons en train d’assister à la naissance d’un nouvel ordre politique, résolument illibéral.

L’Amérique a encore beaucoup de marge avant de connaître un niveau de violence comparable à celui des années 60 ou 70. Peut-être qu’une telle situation nous sera cette fois épargnée. Mais à l’approche de l’été, il est difficile de voir quelles forces ont le pouvoir d’empêcher cette nation décadente de sombrer un peu plus loin encore dans la folie.

Rod Dreher

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A qui dire la vérité si la vérité n’existe plus ?

« “Les protestations sont manipulées par les terroristes nationaux et les forces internationales qui tentent de déstabiliser la nation”, a déclaré le gouverneur du Minnesota Waltz, en annonçant qu’il faisait appel à la Garde nationale. La vidéo de George Floyd a fait le tour des médias sociaux, et pendant un instant, l’Amérique a fait son deuil dans l'indignation collective. Mais à peine les protestations avaient-elles commencé que la violence s’est manifestée. Waltz a déclaré que les suprémacistes blancs et les cartels de la drogue étaient responsables. Beaucoup pensent que c’est vrai. Trump a tweeté : “C’est Antifa et la gauche radicale.” D’autres pensent que c'est vrai. Certains croient les deux. D'autres encore ne croient rien de tout cela. Il y a autant de vérités aujourd'hui qu'il y a de tribus. “Tout ce que nous faisons vise à créer un environnement dans lequel les gens auront leur meilleure chance de conserver leur emploi ou peut-être d'en obtenir un nouveau”, a expliqué Jerome Powell. “Les politiques de la Fed n'ajoutent absolument rien aux inégalités”, a poursuivi le président. Et certains pensent que c’est vrai. Beaucoup d’autres pensent le contraire. Et chaque tribu trouve de nombreuses études pour étayer ses réalités respectives, alors que les demandes de chômage ont dépassé les 40 millions (1 travailleur sur 4) et que le S&P 500 a réalisé une remontée de 36% depuis . “M. le Président, ne vous cachez pas derrière les agents du Secret Service. Allez parler sérieusement aux manifestants. Négociez avec eux, tout comme vous avez exhorté Pékin à parler aux émeutiers de Hong Kong”, s'est moqué Hu Xijin, rédacteur en chef du Global Times, un journal contrôlé par le gouvernement chinois. Certains des 1,4 milliard de citoyens chinois voient un équivalent moral entre les manifestants de Hong Kong et des États-Unis, alors que d'autres n’en voient pas du tout. Et alors que les images des émeutes américaines captivaient le monde, Pékin a imposé une loi de sécurité nationale à Hong Kong, des manifestations ont éclaté, des centaines de personnes ont été arrêtées. La Chine a dénoncé l’offre de Taïwan de réinstaller les citoyens de HK, disant qu’elle cherchait à “piller une maison en feu” et à semer la discorde. “L’arrivée de forces sinistres et violentes à Taïwan entraînera un désastre pour le peuple taïwanais”, a averti Pékin. Et comme Xi Jinping a dit à ses officiers militaires “d’intensifier les préparatifs pour le combat”, certains ont pensé que c’était vrai.
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» Anecdote... “Rien n'est plus douloureux pour l'esprit humain qu'un grand et soudain changement”, écrivait Mary Shelley en 1818, explorant notre humanité à travers son hideuse création, Frankenstein. Et depuis, nous avons sauté d’un changement à l’autre, ces périodes intermédiaires marquées par un calme étrange que nous embrassons désespérément, confondant la stabilité avec la réalité. “Nous continuerons à signaler les informations incorrectes ou contestées sur les élections dans le monde entier, et nous admettrons et nous assumerons toutes les erreurs que nous commettons”, a déclaré Jack Dorsey, PDG de Twitter, tourmenté par les conséquences stupéfiantes de sa création. Les médias sociaux sont apparus comme le principal champ de bataille de ce qui sera certainement l'élection présidentielle la plus âprement disputée de l'histoire américaine moderne. Et cette élection sera probablement suivie d'une crise constitutionnelle dans une nation divisée de manière dévastatrice. Ne comprenant pas notre propre nature, nous nous sommes convaincus qu'Internet serait une force pour le bien sans ambiguïté, reliant l'humanité à une vérité singulière,[croyant nous immuniser de nos propres mensonges alors que nous nous les inoculions dans nous-mêmes].Mais au lieu de cela, notre réalité s'est fragmentée en un million de dimensions. La vérité est morte, remplacée par un éventail de plus en plus large de réalités alternatives, chacune aussi vivante que la suivante de ses habitants. Dorsey est donc à la recherche de quelque chose qui ne vit plus. Sa réalité apparaît comme un fantasme inacceptable pour un autre, aussi sûr que le ciel est bleu ; ceux qui défendent l'un menacent l'autre par définition. “Les plateformes Internet ne sont pas les arbitres de la vérité”, a déclaré Mark Zuckerberg, en défendant son hideuse créature contre des villageois furieux et la menace de leurs fourches. Et sans doute, peu de gens voudraient vivre dans un monde où Zuckerberg a défini la réalité. “J’ai en moi un amour comme on peut à peine l'imaginer et une rage comme on ne peut pas le croire. Si je ne peux pas satisfaire l'un, je vais satisfaire l'autre”, a averti Frankenstein, le monstre éternel de Shelley, vivant en nous tous. Et nous devons réfléchir à un paradoxe alors que les conséquences de ce grand et soudain changement deviennent manifestes. À qui confierons-nous la vérité maintenant que la vérité n’existe plus ?
» Bon vent à tous. »

Eric Peters

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La difficulté de ce que je suis sur le point de dire

Je sais qu'il va être difficile d'accepter ce que je vais dire parce que les gens s'investissent beaucoup dans les narrative qu’ils ont choisis, mais il est important que vous soyez au moins confronté à la notion que tout cela est vrai.

Il est vrai que les gens ont participé à des manifestations pacifiques.

Il est vrai que des gens se sont livrés à des pillages illégaux.

Il est vrai que des provocateurs ont commis des actes de vandalisme et portent parfois des parapluies.

Il est vrai que l'Antifa existe et qu'ils ne préconisent pas de placer gentiment des fleurs dans le canon d’un fusil braqué sur la foule.

Il est vrai que des miliciens très dérangés se font appeler Boogaloo Bois, portent des chemises hawaïennes et viennent ajouter leur grain de folie à la bouillie générale.

Il est vrai que les pillards sont de toutes les couleurs et de toutes les tailles.

Il est vrai que des gens désespérés prennent des choses dont ils ont besoin.

Il est vrai que certaines personnes opportunistes prennent des choses qu'elles veulent.

Il est vrai que les voyous opportunistes du gouvernement ont soudainement abandonné l’argument du Covid-19 pour celui de la dénonciation des émeutiers dans le but de s’attirer les faveurs du public.

Il est vrai que l'infrastructure politique pour la mise en place de la loi martiale a été un projet bipartite à long terme.

Il est vrai que le moment est venu de réaliser l’importance de ce qui est en jeu, mais au lieu d'agir collectivement pour le bien commun notre incapacité de relever le défi cognitif d’accepter que toutes ces choses peuvent être vraies en même temps nous emprisonnera à l’une d'entre elles à l’exclusion de toutes les autres.

C'est un travail difficile, je le sais. Mais j'ai confiance en vous.

William Skink