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65528 mars 2020 – Cette qualification (“à nulle autre pareille”) vaut aussi bien pour la pandémie Covid-19 elle-même que pour la crise dont cette pandémie est manifestement le détonateur. Covid-19 est comme une pichenette cosmique donnée au Système déjà si vivement secoué par ses excès et qui, soudain, nous apparaît tel qu’en lui-même, – château de cartes s'effondrant, lignes de dominos s’entraînant les uns les autres, – et plus simplement vu : “le roi est nu”...
Je retrouve quelques intervention ici et là rencontrant le sentiment que j’ai déjà exprimé, d’être devant une épidémie qui, malgré des caractéristiques largement similaires sinon moins violentes que dans de nombreux cas précédents qu’on a connus (que j’ai connus) dans les soixante-dix dernières années, – de la “grippe asiatique” de 1957 à la SRAS de 2003 ou la grippe aviaire H1N1 de 2009, – produit des effets que l’on n’aurait jamais imaginés possibles pour ces divers cas de pandémies équivalentes, dont le centième, dont le millième ne s’en est nullement manifesté.
(Enfin, qu’importent ici ces interrogations sur le détail et la comparaison avec des précédents... “A nulle autre pareille”, est-il écrit de l'événement lui-même.)
L’impact civilisationnel qui semble se dessiner et que je ne fais ici qu’esquisser, de cette pandémie Covid-19 et de la crise qu’elle a déclenchée, pourrait bien commencer à rappeler les terribles bouleversements que contribua à apporter la non moins terrible “Peste Noire” au cœur du non moins terrible XIVème siècle marquant le commencement de l’agonie du Moyen-Âge ; mais cela, cet éventuel “impact civilisationnel” de Covid-19 et du reste, tellement plus rapidement, tellement plus radicalement et pour une maladie tellement plus bégnine que l’affreuse maladie de la “Black Death”, comme les Anglais nommèrent cette peste (taux de mortalité de 30% à 60%).
(L’autre différence est que l’agonie du Moyen-Âge se faisait sous la poussée non encore identifiée d’un Nouveau Temps, dont l’on ignorait qu’il se révélerait sur le terme comme une terrible malédiction que l’on ne nommait pas encore “Modernité”. Nous, aujourd’hui, en 2020 et à l’âge de Covid-19, ce serait plutôt l’agonie de la Modernité sous la poussée de l’insupportabilité de la Modernité, – et pour le reste à suivre l’on verra bien, – mais qu’est-ce donc qui pourrait être pire ? Covid-19 est bien “à nulle autre pareille”.)
La violence cosmique de cette pandémie de 2020 n’est donc pas due à la maladie elle-même mais à la perception d’elle qui nous affecte, – et je parle à peine de perception consciente, et pour l’essentiel de perception inconsciente. Je veux dire par là que les deux principaux outils de propagation de la pandémie dans son éventuel impact civilisationnel qui ne serait autre qu’un effondrement civilisationnel du cadre où nous vivons, où nous sommes enfermés (le Système), ce sont la communication de l’information et essentiellement de la représentation (comme l’on parle d’une pièce de théâtre) de l’information d’une part ; et d’autre part la psychologie comme outil récepteur essentiel de cette “représentation”. Si l’on veut, je proposerais l’image symbolique selon laquelle la crise Covid-19 serait un simulacre gigantesque d’événement civilisationnel, mais dans le sens vertueux du concept si utilisé de “simulacre”, et si gigantesque et si vertueux qu’il parvient très rapidement à déclencher tous les mécanismes d’effondrement qui transforment le simulacre qu’il était au départ en l’événement lui-même.
Je veux dire par là que la communication sur la possibilité d’une pandémie du virus Covid-19 a aussitôt été si massive, si insaisissable et si perverse, si chaotique et si furieuse, si orientée dans tous les sens, si parfaitement inscrite dans les courants de communication qui font s’affronter le Système et les diverses résistances et réactions antiSystème, qu’elle a aussitôt pris la forme d’une communication concernant un événement colossal du type d’un impact civilisationnel. Finalement et pour poursuivre en les mêlant l’analogie historique et l’image symbolique, cela est comme si la “Peste Noire” telle qu’elle est perçue dans l’histoire comme cette terrifiante pandémie se serait constituée et présentée à ses futures victimes en un mois, et comme si le XIVème siècle se serait concentré en cette année 2020 qui ouvre la décennie des Roaring Twenties-2.0.
Ce qui est également remarquable, c’est la rapidité et l’absence de stupéfaction que montrent les psychologies devant l’évocation implicite, sinon inconsciente, devant l’hypothèse que cet événement ressemble à s’y méprendre à l’épisode final de la Grande Crise d’Effondrement du Système. Tout ce passe comme si les psychologies s’y étaient préparées, et même comme si elles appelaient de leurs vœux ce dénouement, – qui est également un épisode car il faut voir ce qui suivra, – simplement parce que la tension de la psychologie allant de l’hystérie faussement allumée à la sombre dépression demandait d’une façon si impérative que notre équilibre mental en dépendait, une justification à son existence, une cause à son déploiement, une confirmation bien plus qu’historique, – métahistorique certes.
Je nous rassure ou vous l’assure, et à moi le premier : tout cela n’est que pure spéculation de ma part. De même, pour la maladie elle-même, qui n’est encore qu’une épidémie ou qui est déjà une pandémie. Certains y croient, d’autres pas... Nous payons chèrement, actuellement, la façon dont, ces dernières années, nous avons achevé de désintégrer la réalité pour la remplacer par nos chères narrative. Mais peut-être cette inconnaissance des détails de l’événement et de son avenir, au profit de l’intuition de la chute définitive du Système, peut-être est-ce la seule voie pour reconnaître qu’il s’agit de la chute du Système, – disons, pour ceux qui explorent la possibilité de l’extension du domaine de la dissidence et de la résistance antiSystème ?
Alors, peut-être l’énigme est-elle en train de se découvrir pour nous donner accès à sa résolution.
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