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83311 décembre 2002 —
Nos lecteurs n'ont pas été sans remarquer notre intérêt pour les questions d'aéronautique militaire, plus précisément sur le JSF (massivement) et sur le F/A-22 (beaucoup). Nous en publions un, le 3 décembre, sur le JSF , un autre, le 4 décembre, sur la crise du F/A-22, un autre encore le 8 décembre, sur ce même F/A-22. Il y a une explication à cet intérêt et nous jugeons qu'il est temps de la synthétiser très rapidement (elle est apparue, ici et là, dans le cours des textes consacrés à ces deux programmes, mais d'une façon nécessairement parcellaire).
Nous vivons à une étrange époque : les problèmes les plus graves du monde peuvent dépendre de données mécaniques, tant ces données deviennent importantes, imposantes, impératives. D'où l'explication de l'intérêt pour nos deux lascars :
• Avec le JSF, nous touchons, de manière incroyablement concrète, au coeur le plus profond de la question de la défense européenne, de la question de l'autonomie et de la souveraineté de l'Europe, de la question des relations transatlantiques. L'affaire de l'entrée récente de 4 pays dans le JSF, avec les méthodes qui y ont conduit, vaut bien plus que mille ouvrages du type Power and Weakness, du brave Kagan.
• Avec le F/A-22, sa crise et ses ors, nous touchons au coeur le plus profond (refrain) de ce qui est la véritable crise américaine. Non pas la menace terroriste, la guerre contre la terreur, toutes ces questions dont l'importance est fonction du tapage qui est fait autour bien plus que de la soi-disant profondeur de ces phénomènes. Mais la véritable crise de l'Amérique, son plus terrible ennemi, cette bureaucratie paralysante et tentaculaire qui la dévore. C'est Donald H. Rumsfeld lui-même qui nous l'a dit, dans un discours d'une puissance telle qu'il eût mérité d'être immortel, — mais c'était le 10 septembre 2001, qui est comme chacun sait la veille du 11, et cela ne pardonne pas.
C'est une caractéristique très spécifique de cette époque que des matières complètement techniques au départ, et d'une technicité qui rebute souvent la compréhension, contiennent dans leur substance des données essentielles pour comprendre les grands problèmes de cette même époque, les plus graves et les plus délicatement politiques. Nos avions de combat nous permettent d'aborder le coeur de questions politiques et idéologiques, ils nous permettent de traiter d'une façon concrète et profonde de problèmes que le conformisme général imposé par le système de communication (ce que nous nommons “virtualisme”) nous interdit d'aborder. Qu'ils soient américains explique également l'ampleur des ambitions, des débats et des contestations qui les accompagnent.
Il n'est pas du tout assuré que ces avions servent un jour à quelque chose ; il y a beaucoup de critiques, certaines fondées et d'autres pas, beaucoup d'incompréhensions, d'interrogations à leur propos. Par contre, indirectement, les péripéties extraordinaires et les crises qui accompagnent leur développement sont des révélateurs précieux pour comprendre cette époque. Cette quincaillerie sophistiquée qui vaut son pesant d'or (et même plus, pour certains) a droit à toute notre attention.