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984Il se dit de plus en plus précisément, à la suite de “révélations” du Wall Street Journal, que deux livres circulent à Washington D.C., se dévorent, parce qu’ils représenteraient les deux “partis” qui s’affrontent pour la guerre de l’Afghanistan. Car il s’avère qu’il y a des “partis” en présence, comme si l’on savait de quoi l’on débat et ce qu’on veut; et il s'avère également que ces deux “partis” déébattent de la guerre au Vietnalm alors qu'il s'agit de l'Afghanistan. Dont acte et voyons cela.
David Usborne, éditeur US de The Independent, consacre ce 8 octobre 2009, une partie de son texte à cette querelle littéraire et révélatrice. Nous lui empruntons les précisions qu’il nous en donne. (Parmi celles-ci, des précisions sur la position de Rahm Emanuel, le secrétaire général de la Maison-Blanche, décrit comme un super-faucon et l’agent d’Israël lorsqu’il fut nommé par Obama en novembre 2008. Depuis, il a été qualifié de “juif antisémite” par Netanyahou pour sa position concernant la politique israélienne, et le rôle qu’il joue dans cette “bataille des bouquins” le situe plutôt dans le camp, sinon des colombes – il n’y en a guère à Washington D.C. –, dans tous les cas des modérés.)
«In what is being billed as the battle of the books, advisers and strategists in the White House and the Pentagon who are trying to solve the Afghan conundrum have been reaching for two tomes on battle strategy in foreign lands that reach very different conclusions. If you want to find either of them in bookshops anywhere close to 1600 Pennsylvania Avenue, good luck.
»The favoured reading at the Pentagon is A Better War by Lewis Sorley. First published to little acclaim in 1999, it became a bible to counter-insurgency experts during the Iraq war. Back in the White House, it is Gordon Goldstein's Lessons in Disaster that has mostly been passed from desk to desk. It is a painstaking look at how the national security adviser in the Kennedy and Johnson eras, McGeorge Bundy, marched the US blindly into the conflict in Vietnam with ever-growing troop numbers and how in later life he came to regret it.
»Among those to have devoured this tome has been Rahm Emanuel, Barack Obama's chief of staff, who belongs to the cautious camp in the White House, with the Vice President, Joe Biden.
»Once Mr Emanuel was done with the book, he took it to the President. But it turned out that Mr Obama was already midway through his own copy, so Mr Emanuel gave his to Tom Donilon, the deputy national security adviser.
»That doesn't mean that A Better War has been consigned to the bottom shelf. Senator John McCain, who advocated the surge in Iraq ordered by George Bush two years ago, has long referred anyone who will listen to its pages, and in 2005, the then US Commander in Afghanistan, Lieutenant-General David Barno, would regularly pass the book out to his staff.
»A main thread of A Better War is that after the replacement of General William Westmoreland by General Creighton Abrams in 1968, and with additional troops, the fortunes of the US military in Vietnam began to change. By then, however, support for the war was crumbling at home and the change in strategy was too late.
»By contrast, the moral of Goldstein's book might come from Mr Bundy's belated realisation that just putting more troops in play is a tempting but misleading approach. “Bundy said we debated a number and not a use” says Goldstein, referring to troop deployment. “That's a really critical observation which goes to the heart of what's going on right now.”»
@PAYANT Ce monde engendré par le système est étonnant par la parcellisation et la légèreté de l’esprit, par détournement de la pensée vers les causes accessoires qui permettent d'écarter la réalité, finalement par la pauvreté de l'esprit. Il faut de tout cela, certes, lorsqu’on se trouve devant une affaire aussi pressante que le conflit en Afghanistan, qui dure depuis huit ans et à propos duquel on débat d’urgence pour une stratégie à appliquer comme s'il n'y en avait pas et comme si la guerre commençait aujourd'hui, pour se précipiter sur des livres concernant la débâcle vietnamienne d'il y a un tiers de siècle comme si l’on allait y trouver les lumières qui importent. Il y a là le signe d’un emprisonnement psychologique assez étrange, de la part de ces élites qui soutiennent d’une façon plus ou moins appuyée une politique expansionniste et dont la seule référence est à la fois le passé et la pire catastrophe que cette politique ait engendrée, et qui font brusquement de cette recherche dans le passé la grande nouvelle du jour au milieu d’un débat sur la stratégie à appliquer de toute urgence. C’est un indice sur la confiance qu’inconsciemment ils ont tous dans cet engagement en Afghanistan, sur l’impuissance qu’ils ont à juger de la réalité en cours, sur l'incapacité qu'ils ont à vivre dans une réalité qui résiste à leurs conceptions.
Les deux livres ressassent les leçons qu’on peut tirer de la guerre du Vietnam, selon ce qu’on en a. Sorley met en évidence que la tactique changea complètement au Vietnam avec l’arrivée du général Abrams à la place du général Westmorland en 1968, lorsqu’on passa de la tactique du Search and Destroy de tentative d’écrasement des Vietcongs, avec les immenses dégâts collatéraux qui allaient avec, à la tactique du regroupement et de la défense de zone, favorisant la population regroupée dans des villages protégés. C’est retrouver les tactiques de la guerre d’Algérie, où un intense réseau de SAS (les Sections Administratives Spécialisées) assurait ainsi une “reconquête” des populations arabes et berbères, d’où sortirent de forts recrutements de supplétifs venus des rangs de la rébellion et des populations regroupées (les harkis). Le livre de Goldstein, lui, met en évidence combien le seul aspect militaire, fût-il celui qui est mis en évidence par Sorley par conséquent, ne suffit pas lorsque un but politique n’a pas été mis en évidence dès l’origine, et que même un changement de fortune militaire conduit à une impasse ou à une défaite si la politique n’est pas déterminée. En Algérie aussi, la guerre était gagnée à l’été 1960, avec le FLN déstructurée entre ses tendances internes férocement concurrentes, et ses forces exsangues après les offensives françaises du printemps (le “plan Challe”). Mais la politique avait complètement changé, selon la vision complètement novatrice de De Gaulle de réorienter la France vers une politique globale, centrée sur l’Europe et sur les relations internationales souveraines, et ce fut l’abandon de l’Algérie.
En Afghanistan, si même une nouvelle tactique donnait d’autres résultats, la question politique resterait entièrement posée en fonction de la puissance de l’implantation de la résistance (c’est-à-dire les talibans, mais aussi tous les autres groupes) et des véritables intentions US dont nul ne sait rien précisément puisqu'elle continue à être débattue, donc restant à être déterminée. La tactique nouvelle d’Abrams au Vietnam, qui s’était avérée être en fait une tactique de désengagement US, n’avait pas empêché à terme l’effondrement du gouvernement de Saigon et la victoire des Vietcongs et des Nord-Vietnamiens.
Mais est-ce là l’essentiel? Ce qui est extrêmement remarquable dans ces diverses anecdotes, c’est le désarroi profond qui soutient ces diverses manifestations et agitations, alors que l’establishment débat depuis plus d’un mois à propos d’une stratégie à déterminer pour “commencer” une guerre qui dure déjà depuis huit ans, sans la moindre stratégie sérieuse pour la structurer jusqu'à maintenant. La seule référence générale dans les esprits est l’éternel débat sur le Vietnam, avec toujours le même clivage entre ceux qui plaident que les USA n’auraient pas du s’engager au Vietnam, et ceux qui plaident qu’on n’a pas laissé à la force militaire toutes ses chances pour remporter la victoire finale. Depuis 1975, la politique expansionniste US ne fait que poser et reposer la question du Vietnam à chaque nouvel engagement, à commencer par la déclaration de George Bush-père en mars 1991, après la victoire dans le Golfe: «Le syndrome du Vietnam a été enterré dans les sables d’Irak.» C’était un peu trop vite dit.
A Washington, l’establishment américaniste poursuit donc son grand débat sur la façon dont il aurait fallu procéder pour remporter la guerre du Vietnam ou pour éviter la défaite du Vietnam. Le fait est que la “guerre”, elle, se poursuit en Afghanistan, même si certains arguent qu’elle n’a pas vraiment commencé.
Mis en ligne le 9 octobre 2009 à 05H08
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