A Washington, un sénateur “socialiste” à l’assaut de la Fed

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Pendant 16 ans, le démocrate Bernie Sanders a été, à la Chambre des représentants, Représentant du Vermont; le Vermont, ce minuscule Etat de l’extrême Nord-Est de l’Union qui fut un temps (1777-1791) la “République Libre du Vermont“ avant de succomber, au terme de manœuvres tordues, au charme incertain de l’Union, qui n’a pas oublié ses origines, qui manifeste régulièrement des tendances sécessionnistes et socialistes, c’est selon.

Aujourd’hui, Sanders est dans le cours de son premier mandat de sénateur de l’Etat du Vermont. Il se proclame, plus que jamais et hautement, “socialiste”, ou “democrat socialist”. Il a commencé une offensive “socialiste” en exigeant que la Federal Reserve fasse connaître les noms de ses actionnaires (la Fed est, d’une façon qui ne cessera jamais de nous étonner, une institution formellement privée), – ces noms étant tenus secrets depuis l’origine (1913, création de la Fed), et encore comme le serait un des secrets les plus exigeants du Pentagone. Un autre axe de l’attaque de Sanders concerne des restrictions protectionnistes, pour empêcher que l’argent du “plan de stimulation” aille à des contractants étrangers.

Bloomberg.News, qui demanda elle-même, sans succès, en novembre 2008, en tant qu’organisation de presse s’appuyant sur la loi Freedom Information Act, une des précisions qu’exige Sanders (l’identité des actionnaires de la Federal Reserve), présente cet épisode étonnant qui est tout à fait sérieux. (Bloomberg.News, le 15 mai 2009.)

«Sanders […] is taking advantage of rising populist anger at the government’s bailouts of financial companies to push legislation that would reveal the identity of all Federal Reserve borrowers and restrict recipients of emergency Fed loans from hiring foreign workers. “This is his moment,” said Vincent Reinhart, a former Fed monetary-affairs chief who is now resident scholar at the American Enterprise Institute in Washington. “The American people want to extract retribution. They want to punish somebody. Who better a vehicle to design that punishment than somebody who’s been thinking about it his entire career?”»

Répétons-le, l’affaire est sérieuse. De part et d’autre et de divers côtés, on observe avec inquiétude et intérêt, c’est selon, l’activisme du sénateur Sanders. Le sénateur, lui, proclame son intention de faire payer, dans les divers sens du termes, Wall Street pour ce que Wall Street a fait aux contribuables américains. Cela est conçu par lui sans référence particulière à l’action de l’administration Obama, à laquelle il est pourtant lié d’une certaine façon par son appartenance au parti démocrate. Mais on n’est pas “socialiste” pour rien à Washington D.C., – et puis, peut-être BHO, derrière ses dents éclatantes, sourit-il mystérieusement et discrètement de l’initiative du sénateur Sanders.

«Sanders’s foreign-worker measure initially scared investors away from a $1 trillion Fed-Treasury program to jumpstart lending. And Fed Chairman Ben S. Bernanke told Sanders in a February letter that naming borrowers would be “counterproductive” and result in “severe adverse consequences” for the economy. When asked in an interview if he’s hampering the Obama administration’s efforts, Sanders, 67, said he’s just standing up for the average taxpayer. “What Wall Street needs to do is to apologize to the American people for their recklessness and make amends and not continue to threaten our economy,” he said.»

Les propositions Sanders, et les intentions qu’on y devine au-delà, ont-elles quelque chance que ce soit? La réponse est, d’une façon surprenante, plutôt positive, simplement parce que les sénateurs, qui doivent se faire réélire régulièrement comme l'on sait, ne sont pas insensibles aux avis furieux que leurs électeurs leur font parvenir par différents canaux dans cette époque de communication électronique. Il se trouve que ces électeurs n’apprécieraient peut-être pas que leur sénateur ait contribué à étouffer l’action de Sanders.

«[S]ome of his proposals are gaining support, as fellow lawmakers hear from constituents fed up with government bailouts. His budget amendment urging the Fed to identify borrowers passed 59-39, with 21 Republicans voting in favor. Iowa Republican Charles Grassley cosponsored his visa provision, which restricts companies receiving financial-rescue or Fed emergency funds from replacing laid-off employees with foreigners. […]

»On April 2, Sanders proposed the nonbinding budget amendment that asks the Fed to identify recipients of “loans and other financial assistance” since March 2005. The “average American” would say it’s “insane” if they were told “we have put over $2 trillion of your money at risk and you don’t know who has received that money or what the terms are,” he said in the interview.»

Le soutien dont dispose Sanders n’est pour l’instant pas assez suffisant, ou, dans tous les cas, ne s’est pas révélé décisif. Tout ce qui concerne le statut et le caractère opaque et inviolable de la Federal Reserve est considéré comme un point essentiel du système. Une mobilisation contre Sanders a eu lieu, avec une action du sénateur démocrate Dodd. Il s’agit d’un amendement de même type que celui de Sanders, présenté le même jour, qui ne demande pas toute la publicité sur les actionnaires de la Fed mais certaines clarifications; c’est de la pure tactique de retardement ou d’annihilation par dilution de la mesure initiale; l’amendement Dodd a été approuvé par 96 voix contre 2. Bernanke a sauté sur l’occasion, dont il avait été évidemment averti, et dont on peut même avancer qu’il l’avait suscitée.

«On May 5, Bernanke said the Fed would increase disclosure in response to the Dodd measure, without mentioning the Sanders amendment. That prompted a statement from Sanders: “If Mr. Bernanke does not accept what we did in the budget resolution, we will pass it again in a stronger form.”»

Rien n’est fait, toutes ces dispositions devant être encore débattues et, lorsque et si une disposition est votée, cette disposition devant être entérinée par le président. Il n’empêche que la situation est succulente. Personne n’aime vraiment ce que Sanders a entrepris, mais nombre de parlementaires ne peuvent s’y opposer de manière trop visible, et nombre d’autres doivent suivre, – toujours à cause de l’exaspérant électeur et des horripilantes élections à venir.

Sanders joue sur du velours. Il est “socialiste”, et le socialisme n’est plus du tout impopulaire aux USA par les temps qui courent… S’intitulant “socialiste”, il peut effectivement entreprendre des actions qui, en d’autres temps, n’auraient pas lieu tant elles sont sacrilèges; il peut, dans ce sens, affirmer hautement qu’il a le peuple derrière lui, ce qui n’est sans doute pas faux, ce que semble croire dans tous les cas nombre de ses collègues, parce que, de toutes les façons, on ne peut se permettre de prendre trop de risques avec l’électeur. De ce point de vue, le sénateur Sanders tient le Sénat à la gorge, sinon par ailleurs, et personne ne semble assez sûr de soi pour obéir aux voeux secrets de Bernanke-Wall Street et lui voler dans les plumes d’une façon définitive. Tout au plus tente-t-on, tous sourires, des manœuvres dilatoires. Mais Sanders veille! «If Mr. Bernanke does not accept what we did in the budget resolution, we will pass it again in a stronger form…»


Mis en ligne le 15 mai 2009 à 14H18