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1217Les mots du porte-parole de la Maison-Blanche Jay Carney ne semblent désormais laisser aucun doute. Les USA veulent que la Russie leur livre Snowden ou, au pire (pour eux, les USA), l’expulse de Russie (de façon à ce que les USA le récupèrent par un acte de piraterie ou l’autre, de toutes les façons de flagrante illégalité, selon leurs méthodes). Si les Russes ne font pas cela (ceci ou cela), il y a aura des conséquences à long terme pour les relations entre la Russie et les USA. Même si les USA ont déjà, dans certains cas, employé un ton menaçant concernant Snowden, ce ne fut jamais d’une façon aussi nette, venant directement de la Maison-Blanche, au moment où la procédure de demande d’“asile temporaire” de Snowden est officiellement arrivée aux autorités russes (voir Russia Today, le 16 juillet 2013). Yahoo.News présente, ce 17 juillet 2013, l’intervention de Carney.
«The White House left no doubt on Tuesday that American patience with Russia playing host to NSA leaker Edward Snowden is wearing thin. “The Russian government has an opportunity here to work with us,” press secretary Jay Carney told reporters at his daily briefing. “This should not be something that causes long-term problems for U.S.-Russian relations.” Washington and Moscow have been “engaging on a number of important issues, both economic and security related issues, and we want to continue that relationship unimpeded by this issue,” Carney added. By turning over Snowden, or at least expelling him, Russia could “resolve this situation that they have been dealing with now for three weeks.”
»Could the dispute over Snowden lead Obama to cancel his planned attendance at the Group of 20 summit in Russia? Carney did not close out that possibility. “The president intends to travel to Russia in September for the G20 summit. And I don't have any further announcement.” By the standards of diplo-speak, that’s nearly a “frank and candid exchange of views” – code for an all out verbal fight.»
Dans une revue condensé de cette évolution de la position US, Antiwar.com, évoque d’autres possibilités déjà suggérées ici et là, de riposte des USA “sur le long terme”, – notamment et précisément, le boycott des Jeux Olympiques d’hiver à Sotchi, en Russie, suggestion venue du sénateur Lindsay Graham, sentinelle vigilante du maximalisme américaniste de toutes les façons possibles... «As to what the US can realistically do for “long-term problems” with Russia, Sen. Lindsey Graham (R – SC) has an idea, urging the US to announce a full boycott of the 2014 Winter Olympics just to spite Russia for not capturing Snowden.»
On appréciera évidemment le changement radical de ton entre cette annonce et ce que fut la première réaction d’Obama à cette affaire, le 27 juin (voir le 28 juin 2013) : «Les réactions à ce passage de la conférence de presse d’Obama ont été notables, notamment parce qu’il s’agissait de la première fois où Obama s’exprimait sur l’entièreté de l’affaire, essentiellement avec ses ramifications internationales. Bien entendu, la phrase “... no, I'm not going to be scrambling jets to get a 29-year-old hacker” a retenu l’attention générale, – et l’on remarquera la forme, nullement sollicité, voulue par Obama lui-même, délibérément : “But one last thing, because you asked a final question – no, I'm not going to be scrambling jets to get a 29-year-old hacker.” [...] [I]l ne fait aucun doute que les explications d’Obama vont dans le sens de l’apaisement, selon la ligne générale qu’il existe une procédure en cours pour réclamer l’extradition, qu’elle aboutira ou pas c’est selon, mais qu’en aucun cas l’affaire Snowden ne doit mettre en cause les relations avec la Chine et avec la Russie...» Le ton et les temps ont donc bien changé, et à très grande vitesse. Obama est désormais complètement incorporé dans une réaction-Système qui ne veut entendre rien d’aucun compromis, de quelque façon que ce soit, quelles qu’en soient les conséquences.
On se trouve donc très proche des conditions évoquées dans nos Note d’analyse du 13 juillet 2013, par ailleurs complétées par une autre situation (voir Notes d’analyse du 15 juillet 2013) dont nous écrivions qu’elle ne contredit nullement la première même si elle est complètement différente pour ce qui concerne la position de la Russie («On observera que l’hypothèse développée ici (notamment sur le rôle de Poutine) est extrêmement, voire complètement différente de celle qu’on développait le 13 juillet 2013. Elle ressort plutôt de la dimension “smutnye vremya” développée le 10 juillet 2013. Pour autant, elle n’en est pas nécessairement antagoniste et aucune des deux n’est exclusive de l’autre. L’une et l’autre sont plutôt le témoignage de l’extraordinaire diversité de cette crise Snowden, celle qui est d’ores et déjà réalisée, celle qui est potentielle...»).
Il n’y a pas d’éléments objectifs vraiment nouveau depuis notre texte du 13 juillet 2013, qui envisageait un durcissement extrême des relations USA-Russie. La demande officielle d’asile temporaire de Snowden était attendue ; la position russe est d’examiner, sans trop se presser, cette demande, tandis qu’on sait bien que de nombreux facteurs militent en faveur d’une acceptation aux conditions qu’on sait, – qui sont toute théoriques puisqu’elles concernent une activité antiaméricaniste de Snowden qu’il doit abandonner, mais qu’il a d’ores et déjà abandonnée de facto puisque tout le matériel dont il dispose est entre les mains de divers relais, dont Glenn Greenwald. L’élément marquant, c’est la confirmation, l’accentuation de l’hyper-extrémisme des USA dans cette affaire, sans aucune autre considération que la force brutale. On imagine sur quoi peut déboucher une telle évolution : on voit mal Poutine céder, ou alors il s’agirait d’un effondrement du statut et de l’influence de la Russie. Même les serviteurs serviles des USA se trouveraient dans un embarras considérable, car même la servilité, chez ces professionnels de la chose, mérite quelques aménagements de relations publiques... Imaginons un instant qu’on en vienne, à Washington, à adopter l’idée lumineuse de Lindsay Graham ; inutile d’ajouter que tous les autres du bloc BAO seraient invités à suivre, pratiquement sur commission rogatoire. Cette sorte de situation mettrait bien plus d’un gouvernement dans une situation impossible, susceptible de provoquer des crises intérieures graves.
Pour l’heure, le constat important est que la politique US est de plus en plus guidée, de plus en plus impérativement, par une pulsion de folie quant à la psychologie, selon un schéma où nous jugeons que la pression du Système en tant qu’entité autonome est désormais prépondérante. L’apparent dédain US pour toute manœuvre tactique, plus ou moins habile, pour ménager ses partenaires et ne pas les bloquer dans un coin d’où ils ne peuvent plus faire autre chose que de se durcir pour ne pas perdre face et influence à la fois, ressort effectivement d’un entraînement de type démentiel, alors que les USA sont très loin de disposer de la puissance et de la solidité qui leur permettraient d’envisager, même erronément, des avantages à un tel maximalisme. Même l’administration Bush dans ses années triomphantes de puissance en 2002-2003 n’a pas été aussi loin dans la politique du déchaînement de la force.
...C’est-à-dire que la question centrale devient de plus en plus aujourd’hui celle de l’équilibre psychologique de l’entité américaniste, à l’intérieur de la pulsion de mort (surpuissance vers l’autodestruction) du Système. Alors que Chris Hedges voyait les USA comme le capitaine Achab, “rationnalisant sa puissance” et fonçant vers son autodestruction (voir le 9 juillet 2013 : «We, like Ahab and his crew, rationalize madness... [...] We are consumed with self-induced obsessions that spur us toward self-annihilation...»), la question ouverte aujourd’hui n’est plus de savoir s’ils sont fous, mais de savoir si le Washington actuel est encore capable de “rationnaliser sa folie”. Et certes, poser la question comme on l’entend, c’est y répondre.
Mis ebn ligne le 17 juillet 2013
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