Afghanistan-I : le “courage” de BHO et la “victoire” en partant

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Le président BHO, sans doute éclairé par la grâce, s’est donc souvenu qu’il avait été fait Prix Nobel de la Paix à l’aube de sa carrière. Son discours à ses “fellow Americans”, hier à Washington, fut donc celui d’un prophète de la Paix qui voudrait bien le rester jusqu’en 2016… Ainsi nous en instruit The Independent du 23 juin 2011, citant largement BHO, lequel BHO cite largement la “liquidation” de ben Laden comme élément déterminant de sa nouvelle “stratégie”, laquelle citation nous conduit à observer que le montage en cours sur la défaite devenue “victoire” (voir notre Bloc Notes du 22 juin 2011) rencontre l’institution de la “liquidation” de ben Laden comme nouveau symbole majeur de la pensée washingtonienne.

«Timed to be completed at the end of September 2012 – just weeks before Mr Obama's seeks re-election – the draw-down is more rapid and more substantial than his military commanders would have liked, and will be seen as an acknowledgement of growing domestic impatience with the war after a decade of fighting.

»Mr Obama said: “We are starting this drawdown from a position of strength. Al-Qa'ida is under more pressure than at any time since 9/11. Together with the Pakistanis, we have taken out more than half of al-Qa'ida's leadership. And thanks to our intelligence professionals and special forces, we killed Osama bin Laden, the only leader that al-Qa'ida had ever known.

»“This is the beginning – but not the end – of our effort to wind down this war…»

Le même Independent enchaîne en observant que ce retrait qui est jugé important (33.000 hommes en deux étapes, dont la deuxième dans un an) devrait être suivi d’autres décisions de retraits, – le sommet de l’OTAN de mai 2012, à Chicago, ville chérie du président et archétype de la corruption US, est cité pour l’occasion d’une décision de cette sorte. C’est “une bonne nouvelle pour la paix”, comme l’on écrirait dans un édito conjoint du New York Times et du Monde, bien que les commentateurs antiwar jugent le retrait décidé hier insuffisant. Cela implique que les alliés de l’OTAN, qui sont engagés dans un effort maximal “pour la défense de la liberté” en Afghanistan, comme chacun sait et comme Robert Gates ne cesse de le réclamer (plus grand, cet effort) depuis quatre ou cinq ans, pourraient être consultés pour signer un document, en bas à droite, accélérant le retrait qui leur apprendrait que la “liberté” a été si bien défendue qu’on leur rend leur liberté. Notre sentiment à cet égard est que d’autres décisions du même genre, du même BHO, seront prises avant mai 2012, après non-consultation préalable des alliés, selon les observations stratégiques pressantes des sondages, et contre l'avis des généraux.

L’Independent confirme également que la nouvelle équipe de sécurité nationale mise en place (Panetta-Petraeus gérant l’axe DoD-CIA) aidera à cet “effort de guerre” en polissant la narrative de relations publiques qui nous annonce que le retrait c’est “la victoire”, préparée par un engagement dans un bourbier décrit comme la voie vers la victoire sur la défaite, – et en imposant une pression dans ce sens sur les généraux. Entretemps, l’on s’est aperçu que l’ennemi n’est pas le taliban, mais le ben Laden moyen qui a été “liquidé”, et al Qaïda avec lui. “Mission accomplished”.

…D’autant plus que le Congrès, comme on ne cesse de le savoir davantage, en a assez : «The pressures to reduce US commitments overseas are likely only to grow stronger as next year's presidential election nears and Congress grapples with the budget deficit. A first debate among Republicans vying for their party's nomination was notable in part because of its isolationist tone. Having Mr Panetta at the Pentagon is probably a more comfortable fit for Mr Obama as Mr Gates was held over from the George W Bush administration. Mr Panetta also has close ties with Hillary Clinton, the US Secretary of State. Squabbling between the State Department and the Pentagon has historically been a recurring problem for the White House.»

…Le Congrès en a assez certes, et c’est de conserve avec “We the people” qui s’impatiente également, comme l’observe le Guardian du 23 juin 2011.

«A Pew Research Centre survey on Tuesday showed support for withdrawal at an all-time high, with 56% saying troops should be brought back as soon as possible. It was the first time it recorded a majority in favour. Other polls over the last month show a similar trend. “The polls are significant. The dam has broken. There was more bad news from Afghanistan, more deaths and President Karzai keeps saying insane things. That is why you even have the Republicans coming out against it. You know it's over when the Republican presidential candidates are calling for withdrawal. People are tired of it,” said Larry Sabato, politics professor at the University of Virginia.»

Les mêmes spécialistes de l’humeur de l’électorat note une chose intéressante, qui a parfaitement à voir avec l’image du “barrage qui a cédé” (“The dam has broken”). Une fois que “le barrage a cédé”, le président BHO, qui a la stratégie globale qu’on sait et la vision qu’on sait assez pour l'admirer, cède à son tour ; mais cette déroute précipitée devant le flot qui se précipite, au lieu d’apaiser le flot, peut le rendre encore plus exigeant et précipiter de nouvelles reculades (dito, de nouveaux retraits) de BHO, l’homme qui avait un œil sur 2012 ; plus on cède, plus on est amené à céder, comme dit un vieux proverbe américaniste-afghan…

«Both Sabato and Professor Michael McDonald, a specialist in voting patterns at George Mason University, see a close race in 2012 if the economy continues to meander, with Sabato saying Obama might end up as a one-term president. McDonald said whether Afghanistan is an issue depends on the scale of the drawdown. “If there is a significant drawdown, by next year people will think it is going in the right direction,” he said. But he cautioned: “If there is still a sizeable presence and Americans are being killed, it will be an issue.”»

Il est difficile d’imaginer une situation plus infâme que celle des USA, de son président BHO, et éventuellement des alliés-larbins de l’OTAN, dans l’affaire d’Afghanistan aujourd’hui. Tous les montages, toutes les narratives sont additionnés sans aucun souci de cohérence et de logique, stratégique ou autres. Le président débâcle comme le fait une rivière gelée qui, brusquement, voit ses glaces rompre et se rétablit dans son mouvement et dans son courant habituel ; et le courant est fort, puisque le barrage a cédé. On ne prend plus de gants devant la fonte des glaces, c’est la débâcle générale qui a commencé. Le commentaire se réduit au dégoût pur et simple.

Pour autant, chère vieille chose prophétique (il s’agit de BHO), les choses ne sont pas tout à fait aussi simples. Malgré la présence de Panetta, le virtuose de la pression bureaucratique et un personnage rompu aux pratiques de mafioso pour négocier ce qu’il faut, Moby Dick ne l’entend pas de cette oreille. La bureaucratie du Pentagone a cédé à la nouvelle narrative décrétée par le président et aux pressions de la stratégie réduite aux relations publiques ; elle a cédé, mais pas à la manière du barrage, et elle a déjà averti que le retrait annoncé en deux étapes de 33.000 hommes prendra au moins 18 mois à se faire, – tiens, cela nous amène autour de l’élection de novembre 2012, comme les choses se mettent fort bien… Infâme pour infâme, tout le monde a son petit tour de passe-passe à dire. BHO veut non seulement un retrait, mais un retrait victorieux qui devra sembler rapide, et avec les mœurs de la bureaucratie, ce n’est pas évident. Il faudra que les talibans se mettent de la partie, en laissant le retrait se faire conformément à la situation de “victoire” du bloc BAO, et il n’est pas assuré que cela soit de leur intérêt. Karzai, de bien mauvaise humeur, a aussi son mot à dire, et aussi l’inattendue Organisation de Coopération de Shanghai. Il n’est pas assuré que tous ces mots sonnent comme une musique céleste aux oreilles du candidat BHO, car ils auront une forte coloration d’exigences comme celle d’échanger la garantie d’un retrait sans trop d’interférences à la condition que les USA abandonnent leurs projets de main-mise stratégique conservée sur l’Afghanistan après leur départ. Moby Dick appréciera. Et il sera prompt, Moby Dick, à revenir constamment sur la nécessité de freiner le retrait pour conserver des capacités de contrôle de la sécurité dans le pays, pour les forces US toujours présentes ; vieux truc, car si l'on décide de retirer des troupes d'un théâtre où les combats ne sont pas finis, il faut songer à des forces supplémentaires pour protéger ces troupes en train de se retirer...


Mis en ligne le 23juin 2011 à 04H38