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50491er août 2020 – Les caprices de l’actualité mettent en évidence combien cette actualité peut s’arranger pour nous donner des signaux nous permettant de lire en elle comme à livre ouvert et hors des simulacres, c’est-à-dire hors de toute contrainte de sa hiérarchie de surveillance, tournant les interdits du dogme comme si l’on s’en jouait. Elle s’appuie pourtant sur une narrative pleine de dévotion religieuse dans sa forme, un conformisme dont on craint de dévier comme l’on craint l’excommunication d’une religion qu’on vénère et qu’on craint à la fois.
Madame Chantal Delsol résume comme ceci la conformation du simulacre du temps dans « Le crépuscule de l’universel », son dernier ouvrage de février 2020 : « La morale des droits de l’homme a acquis pour son compte le caractère sacré autrefois porté par la religion originelle. Notre morale est, littéralement, devenue une religion, la seule religion qui nous reste après la fin de la chrétienté. La ferveur qu’elle suscite, l’organisation de ses rites par l’intermédiaire de ses prêtres, ne laisse aucun doute là-dessus. Que s’est-il passé ? Arendt et Voegelin avaient montré l’aspect religieux des totalitarismes du XXème siècle. Probablement nous trouvons-nous, avec l’humanitarisme, devant une nouvelle expression religieuse. »
Sans aucun doute tout cela, sauf qu’il y a, comme je l’écrivais plus haut, “les caprices de l’actualité” dus à la toute-puissance de la communication ; en effet, la communication a permis tout ce qui se passe aujourd’hui mais a en même temps développé son double antagoniste, sous la forme de l’“effet-Janus”... Il s’agit d’un réjouissant accident pour mon compte, où l’inversion régnant sur ce temps devient vertueuse, selon le point de vue antiSystème, lorsqu’il s’exerce sur une communication acquise au Système mais produisant des effets invertis qui lui sont absolument défavorables. Lorsque madame Delsol désigne notre temps comme « après la fin du christianisme », elle a tout à fait raison sauf que la narrative officielle de « Notre morale, littéralement, devenue une religion », continue, elle, à proclamer que le christianisme existe bel et bien. La narrative officielle se déploie effectivement selon les nécessités de son simulacre des libertés diverses (liberté du culte, liberté d’expression, etc., aux côtés de la liberté des genres, de la liberté des sexes, de la liberté des libertés et de la liberté des apparences de l’enfermement, de la liberté des tout-et-rien et de la liberté des riens-du-tout, etc.)...
(On verra plus loin que je plaide, moi, pour une complicité et un accord tactique mais aussi stratégique entre le christianisme et le Système pour que ces deux mort-vivants zombifiés s’entr’aident et tentent de faire leur chute commune moins rude qu’elle ne menace, – avec échec garanti dans le cas de cette alliance pas si contre-nature qu’on croit... Ce qui, en l’occurrence, revient à plaider que le christianisme, s’il est mort en tant que tel, continue à exister sous une forme simulacre et à jouer son rôle pour ne pas désespérer Notre-Dame-de-Paris.)
Venons-en au principal de la circonstance. J’ai parlé des “caprices de l’actualité” : que veut-il dire, PhG ? Il s’agit de deux événements apparemment assez secondaires au regard des crises énormes dans le cadre desquelles ils s’inscrivent, mais pourtant bien significatifs pour notre propos. Voici...
• D’abord une nouvelle publiée par Breitbart.News, site violemment antidémocrate-US, et bien entendu adversaire très-critique de AOC (Alexandria Ocasio-Cortez) ; il s’agit de la députée démocrate de l’ultragauche, à qui l’on fait une réputation de ‘marxiste culturelle’ (gramscisme) et qui, ô surprise (ô simulacre de surprise, veux-je dire) se retrouve encensée par une revue catholique. AOC devient ainsi, dans ce jugement plein d’optimisme et de confiance dans l’avenir, dans le cadre existant, “le futur de la religion catholique aux États-Unis.
« Dans un article publié lundi [27 juillet], la rédactrice en chef de National Catholic Reporter, Heidi Schlumpf, a fait l'éloge de la députée Ocasio-Cortez (D-NY) en la qualifiant de “rock-star millenium, leader de la gauche”, qui “a grandi dans la religion catholique et a même écrit pour un magazine catholique sur la manière dont sa foi influence ses opinions sur les politiques publiques telles que l'incarcération de masse”.
» En écoutant son “discours étonnant” à la Chambre des Représentants la semaine dernière, “j’ai été frappée par le nombre de fois où elle a fait référence aux valeurs catholiques”, a écrit Mme Schlumpf. [...]
» S’il doit y avoir un avenir pour l'Église catholique aux États-Unis, écrit Schlumpf, il doit “ressembler à Ocasio-Cortez dans sa passion pour la justice et la dignité humaine, et dans son courage et son intégrité, même face à des attaques vulgaires”.
• Le 17 juillet 2020, Michel Onfray était l’interviewé de la série du site Thinkerview, soit deux bonnes heures et demie de questions/interruptions-réponses. Là-dedans, Onfray a beaucoup de choses dites et montrées, et Valeurs Actuelles y a trouvé une pépite passée inaperçue aux diverses auditions : Onfray jugeant l’Occident en train de disparaître essentiellement à cause de la mort du christianisme. L’ensemble a été repris dans une courte nouvelle du 30 juillet par Spoutnik-français.
« Dans un entretien accordé le 17 juillet sur le plateau du web TV Thinkerview et repéré par Valeurs actuelles, Michel Onfray a prédit la disparition de la civilisation européenne. “Nous allons disparaître, l’Occident va disparaître. Il n’y a aucune raison pour qu’il puisse continuer à durer”, martèle-t-il.
» Pour le philosophe, la déchristianisation est l’un des vecteurs du déclin occidental. “Le christianisme ne fonctionne plus chez les chrétiens: ils ne croient plus au purgatoire, à l’Enfer, à la parousie, à Satan, à l’eucharistie, à la virginité de Marie…”, explique-t-il, ajoutant que “tout ce qui était dogmatique, tout ce qui supposait une foi a disparu”.
» Mais la déchristianisation n’est pas la seule raison du déclin de l’Occident. Selon le philosophe, l’appétence contemporaine pour la déconstruction serait à l’origine du phénomène. “Nous sommes dans une civilisation de l’épuisement. Nous n’aimons que ce qui nous déteste, tout ce qui nous détruit est [perçu comme] formidable”. “Il y a une passion pour la déconstruction. Il faut détruire la vérité, l’Histoire”. »
Vous voyez le genre des discours, n’est-ce pas. D’un côté, la catho-simulacre, très moderne, très optimiste, qui s’enthousiasme pour la petite AOC, universaliste de la diversité et mentor[e ?] de l’ultra-gauche nourrie, égérie des démocrates US, ce parti Clinton-Soros-BLM à la fois corrompu, globaliste et délicieusement ébroué dans les rets du Système. (Au reste, j’aime bien AOC, car je crois que son extrémisme décrit comme hyper-Système et hyper-catho-postmoderniste, est tellement ‘hyper hip-hop’ contribue à entretenir fout une belle pagaille au sein du système de l’américanisme, démocrates et Clinton-Epstein compris. Elle va si loin, la révolutionnaire-Système, qu’elle fait comme toutes les révolutions, – retour à son point de départ dans une ellipse finalement antiSystème.)
De l’autre côté et du côté de Onfray, l’athée, souverainiste de gauche, incroyant affirmé et gaulliste, proclamant la fin de l’Occident puisque le christianisme est mort, crevé, kaput ; ce qui revient dans le chef de l’athée-incroyant, à faire du christianisme la poutre-maîtresse désormais pourrie et vérolée de notre civilisation devenue contre-civilisation. En cela, Onfray est bien dans la tradition des “cathos-du-dehors” pratiquant l’“athéisme catholique”, incroyants jugeant essentiel le christianisme/le catholicisme, pour la durée structurelle de la France et pour sa puissance spirituelle propre.
(Les “cathos-du-dehors” ? On en a déjà parlé ici et là, et notamment de cette façon, du temps où il était encore envisageable d’utiliser le catholicisme, non comme religion mais, si bien manipulé par des antiSystème, comme machine anticapitaliste : « ... Ces intellectuels, selon Gustave Thibaudet en 1927: “Chateaubriand, le Sainte-Beuve de Port-Royal, Auguste Comte, Barbey d’Aurevilly, Barrès, Maurras, Péguy, Montherlant” ; ou bien encore, selon le mot de l’Allemand Curtius: “L’‘athéisme catholique’ est un phénomène exclusivement français”.»)
Bref, si l’on me passe les détails pour aller à l’essentiel, on admettra que le dialogue AOC-Onfray est édifiant au moins sur un point : la mort par pourriture gangrenée de l’Église, entre ses trahisons et ses démagogies incroyables de servilité, comme référence civilisationnelle de la religion. Entre l’aventurisme gauchiste-droitdel’hommiste et le mépris souverainiste, cette religion n’a plus aucune existence spirituelle et devient une des roues dentées de la machine broyeuse de la structuration sociale et civilisationnelle qu’elle (cette religion) avait contribuée largement à mettre en place. De ce point de vue, pour moi la connivence de la religion chrétienne/du catholicisme d’une part, du Système d’autre part, est avérée, et il est bon que la chose apparaisse d’une façon aussi évidente au travers des déclarations, observations, engagements, etc., qu’on rencontre ici ou là, aujourd’hui où l’on ne dissimule plus rien, ni de sa folie utopiste, ni de son pessimisme roboratif.
Sur ce sujet, il m’est arrivé de m’attarder, comme dans l’extrait suivant, extrait d’un autre extrait que je médite d’offrir aux plus endurants de mes lecteurs, – comme je m’en explique après ce texte qui date (bouclage) de 2014.
« Il y a une troublante similitude entre le sort de cette Église emportée dans une crise de dissolution qui fait craindre l’effondrement, cette situation qui semble être devenue finalement sa façon d’être sinon sa raison d’être et plus du tout une cause effroyable et détestable, et le Système lui-même, lancé sur une course similaire. On ne peut se départirlibérer d’un malaise, une fois qu’il vous a saisi dans ses griffes, devant cette occurrence qui semblerait rassembler ces deux entités fondamentales, comme si même un marché pouvait avoir été conclu entre les deux, je dirais presque “comme deux marchands de tapis” ; ce marché, pour tenter de freiner cette chute effrayante en additionnant et combinant ce qui leur reste de forces. L’Église apporterait au Système représentatif de notre contre-civilisation, ce qu’on nomme lestement “un supplément d’âme”, ou d’apparence d’âme, comme on donne une caution, comme pour sembler lui donner un sens ; le Système offrirait à l’Église une pseudo-sûreté en lui reconnaissant une sorte de magistère moral, exprimé essentiellement dans le vacarme du système de la communication, par le prestige de l’institution papale, par la fascination éprouvée pour l’institution papale, si évidente lors de l’élection d’un nouveau pape (cas de mars 2013 justement, après les circonstances inhabituelles et nécessairement troublantes de la démission de Benoît XVI)… Les deux s’adoubant ainsi l’un l’autre feraient de cette hypothèse d’une sorte de marché une chose malheureuse, qu’on pourrait juger à juste titre d’une extrême bassesse. Il n’est pas question d’ajouter ici une critique de circonstance portée contre le Christianisme ; il est question d’observer en approchant par des incidences significatives que le Christianisme, qui a semblé se contracter dans l’Église elle-même, n’oppose aucune résistance sérieuse à un courant qui met en cause l’essence même de son origine, – ce courant qu’il [le Christianisme] a lui-même contribué à créer, d’une façon si regrettable ; au contraire, il continuerait à y contribuer par souci de tactique sans la moindre élaboration, mais quoi, persevere diabolicum quoi qu’il en soit. Cela nous conduit à une remarque d’importance, encore plus en y ajoutant le constat de la longue période que nous avons observée et en considérant ce qu’a été le combat constant de l’Église.
» L’hypothèse théorique et spéculative du rapprochement du Christianisme avec la force du Système qui est nécessairement athée par rapport à la spiritualité renvoyant au Principe et à l’Unique, cette hypothèse qui devrait être qualifiée de “satanique” du point de vue de l’Église ne se dément pas d’elle-même parce que nous percevons d’une façon assez évidente cette chose inattendue et terrible que ce rapprochement n’est pas nécessairement contre-nature. De là notre conclusion, pour nos futures réflexions, à propos de ce destin terrestre de l’Église, passant par son manquement à l’accomplissement de sa Mission au Temps des Ccathédrales, puis ce qui a suivi, – conclusion suivant laquelle l’Église s’est bien plus préoccupée des croyances, des religions et des particularités y compris et même surtout internes concurrentes d’elle-même telle qu’elle se conçoit, qu’elle a constamment soupçonnées, combattues, dénoncées, tenté d’amadouer à son avantage, etc., que des forces anti-spirituelles et modernistes engagées pourtant dans la furieuse et hurlante bataille contre le Principe qui a accompagné le “déchaînement de la Matière”. On en déduirait effectivement que l’alliance évoquée ici est moins “contre-nature” qu’elle ne paraît, et alors son principe (en réalité anti-principe, si l’on peut dire) qui ne serait pas rejeté accomplirait complètement le destin catastrophique du Christianisme en rendant compte [pour les justifier] de l’acceptabilité des soupçons les plus profonds. »
Cet extrait fait partie d’un extrait plus important qui clôt la Deuxième Partie du Tome-II de La Grâce de l’Histoire, – « La passerelle eschatologique ». Cette finale concerne essentiellement une analyse de la situation du christianisme, essentiellement le catholicisme, à l’heure actuelle.
Il ne s’agit pas tout à fait du texte figurant dans le livre parce qu’entre ce bouclage de la rédaction après relectures et corrections, et l’impression du livre, il y a eu des relectures supplémentaires et donc quelques changements dont je pense qu’ils étaient mineurs. (Difficile d’en avoir le souvenir exact, entre ces relectures et ces corrections diverses.)
Ceux qui veulent tenter l’aventure peuvent donc s’y mettre.
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En effet, ce passage du récit portant sur la “passerelle eschatologique” entre le XVIIème siècle et notre XXIème siècle, de ce siècle au nôtre selon un rapprochement inattendu alors qu’il plaît tant à l’esprit courant de se croire exclusivement enfant du XVIIIème, il n’est pas illogique de mentionner une appréciation succincte sur ce XXIème siècle, du point de vue du Christianisme comme nous l’avons évoqué, c’est-à-dire par rapport à la progression du Mal. Parcourant ces lignes à nouveau, avant la première publication dite “en ligne”, à l’été 2013, puis les ajouts à mesure des corrections et relectures successives, la tentation s’est ajoutée à la logique d’y mettre quelques considérations sur les événements les plus récents, les plus conjoncturels, les plus éloignés de la réflexion qui cherche profondeur et durée plutôt qu’éclat et fugacité ; et ceci, sans nul doute, nullement pour déflorer cela, bien entendu... La tentation existe parce que ces événements ne contredisent en rien le fait central du propos de cette partie du récit ; malheureusement, ils le renforcent, l’éclairent d’une lumière sinistre et suscitent un jugement de la plus grande bassesse sur le sort de l’Église de Rome ; et leur éclairage est d’autant plus à prendre en considération que ces temps du XXIème siècle sont de facture métahistorique, et que les événements le sont nécessairement avec eux d’une façon telle qu’ils en ont acquis un autonomie qui les fait grandioses et sublimes.
Il y a une troublante similitude entre le sort de cette Église emportée dans une crise de dissolution qui fait craindre l’effondrement, cette situation qui semble être devenue finalement sa façon d’être sinon sa raison d’être et plus du tout une cause effroyable et détestable, et le Système lui-même, lancé sur une course similaire. On ne peut se départir d’un malaise, une fois qu’il vous a saisi dans ses griffes, devant cette occurrence qui semblerait rassembler ces deux entités fondamentales, comme si même un marché pouvait avoir été conclu entre les deux, je dirais presque “comme deux marchands de tapis” ; ce marché, pour tenter de freiner cette chute effrayante en additionnant et combinant ce qui leur reste de forces. L’Église apporterait au Système représentatif de notre contre-civilisation, ce qu’on nomme lestement “un supplément d’âme”, ou d’apparence d’âme, comme on donne une caution, comme pour sembler lui donner un sens ; le Système offrirait à l’Église une pseudo-sûreté en lui reconnaissant une sorte de magistère moral, exprimé essentiellement dans le vacarme du système de la communication, par le prestige de l’institution papale, par la fascination éprouvée pour l’institution papale, si évidente lors de l’élection d’un nouveau pape (cas de mars 2013 justement, après les circonstances inhabituelles et nécessairement troublantes de la démission de Benoît XVI)… Les deux s’adoubant ainsi l’un l’autre feraient de cette hypothèse d’une sorte de marché une chose malheureuse, qu’on pourrait juger à juste titre d’une extrême bassesse. Il n’est pas question d’ajouter ici une critique de circonstance portée contre le Christianisme ; il est question d’observer en approchant par des incidences significatives que le Christianisme, qui a semblé se contracter dans l’Église elle-même, n’oppose aucune résistance sérieuse à un courant qui met en cause l’essence même de son origine, – ce courant qu’il a lui-même contribué à créer, d’une façon si regrettable ; au contraire, il continuerait à y contribuer par souci de tactique sans la moindre élaboration, mais quoi, persevere diabolicum quoi qu’il en soit. Cela nous conduit à une remarque d’importance, encore plus en y ajoutant le constat de la longue période que nous avons observée et en considérant ce qu’a été le combat constant de l’Église.
L’hypothèse théorique et spéculative du rapprochement du Christianisme avec la force du Système qui est nécessairement athée par rapport à la spiritualité renvoyant au Principe et à l’Unique, cette hypothèse qui devrait être qualifiée de “satanique” du point de vue de l’Église ne se dément pas d’elle-même parce que nous percevons d’une façon assez évidente cette chose inattendue et terrible que ce rapprochement n’est pas nécessairement contre-nature. De là notre conclusion, pour nos futures réflexions, à propos de ce destin terrestre de l’Église, passant par son manquement à l’accomplissement de sa Mission au Temps des Cathédrales, puis ce qui a suivi, – conclusion suivant laquelle l’Église s’est bien plus préoccupée des croyances, des religions et des particularités y compris et même surtout internes concurrentes d’elle-même telle qu’elle se conçoit, qu’elle a constamment soupçonnées, combattues, dénoncées, etc., que des forces anti-spirituelles et modernistes engagées pourtant dans la furieuse et hurlante bataille contre le Principe qui a accompagné le “déchaînement de la Matière”. On en déduirait effectivement que l’alliance évoquée ici est moins “contre-nature” qu’elle ne paraît, et alors son principe (en réalité anti-principe, si l’on peut dire) qui ne serait pas rejeté accomplirait complètement le destin catastrophique du Christianisme en rendant compte de l’acceptabilité [pour les justifier] des soupçons les plus profonds.
Le cas de l’art est extrêmement illustrateur et très révélateur. Nous employons le mot avec la minuscule de l’emploi courant, là où nous pourrions l’orner d’une majuscule plus solennelle et pleine d’un chaleureux respect ; et nous faisons cela pour signifier que nous sommes également et singulièrement dans la démonstration, le développement et l’usage courants de la chose, sans aucune exaltation esthétique, sans passion pour le Beau qui n’existe plus, sans rien du tout enfin qu’un relevé de comptable... Dans ce cas il s’agit plus précisément de ce qu’on nomme “Art Contemporain” ou AC, dont la caractéristique malgré l’usage impératif des majuscules dans ce cas, est de refuser les critères esthétiques de l’Art et de repousser l’héritage millénaire à cet égard. Il y a dans cette démarche une volonté démocratique et universaliste d’égalitarisme qui se traduit par la suppression de l’intolérable privilège de l’“aristocratie de l’artiste” (c’est le spectacteur-voyeur qui définit l’œuvre en la regardant, transgressant les barrières sociales et culturelles). Cette volonté de suppression, d’annihilation et même d’anéantissement qu’on goûte comme le fruit du tranchant de la guillotine doit être inscrite dans le caractère évolution-révolution sociétales (les deux en même temps, – deux progrès pour le prix d’un) de la postmodernité ; il y a aussi le but d’atteindre à une sorte d’absolu-universel, qui serait le non-art selon le sens classique ou plutôt immémorial et prétendant à l’unicité primordiale que l’on donne au concept d’“art” ; il y aurait encore l’absence de forme esthétique dans le sens de l’absence de structuration. (Dans ce cas, entendons l’idée de “structuration” selon une démarche sur laquelle nous reviendrons, selon les critères à rencontrer de l’équilibre, de l’ordre et de l’harmonie.)
...Mais il y a bien mieux parce qu’il y a dans l’AC une prétention de l’ordre du transcendantal sinon du divin qui instaure cet “art” dans une dimension effectivement ou pseudo-divine (Daniel Sibony, cité par Aude de Kerros dans Sacré art contemporain : « Avec l’art actuel, c’est le narcissisme qui fait religion, c’est-à-dire “art collectif”, incluant une transcendance, celle de soi-même comme Dieu, ou celle de Dieu que l’on s’est donné et qui est en soi. ») L’intérêt du propos ici est évidemment que l’Église, retrouvant une forme d’activité qui la connaît puisque Dieu est de la partie, joue un rôle majeur dans ce processus ; dans de telles conditions de dialectique transcendantale, elle est partie prenante de l’AC dans sa hiérarchie elle-même, et progresse, main dans la main avec l’État, dans la promotion et le soutien économique, culturel, et surtout spirituel de l’entreprise. L’attitude de l’Église est si fondamentale qu’elle affirme sans en dissimuler une seconde, on dirait même en l’affirmant avec une sorte d’exaltation à part sous-jacente, l’acceptation d’une dimension spirituelle sinon religieuse pour son compte (religieuse, c’est-à-dire catholique ?), de cette activité postmoderne, absolument invertie et nécessairement nihiliste de ce point de vue. Bien entendu, tout cela est inversion pure, – mais tout semble aller, dans ce monde étrange, c’est-à-dire dans ce monde de l’existence possible du bout du monde, comme si de telles bagatelles (inversion, nihilisme, etc.) n’importaient pas vraiment, n’importaient plus du tout, – là aussi autre terme, comme si l’on approchait du terme même du langage, plus très loin de ce point où le langage ne signifie plus rien et atteint lui aussi cet au-delà où son existence n’est plus concevable … On trouve aisément chez les uns et les autres (Jean Baudrillard, Aude de Kerros) des références à une dimension luciférienne de l’AC qu’on peut distinguer aisément dans les conditions où il est développé, où il est exploité, où il est promu et exposé, où il se prétend transcendance alors qu’il en est l’inversion pure. (« Il y a une forme initiatique du Rien ou une forme initiatique du Mal », écrit Baudrillard à son propos.) Ce constat n’est l’enfant d’aucune exagération particulière ni même de la moindre émotion emportée dans le chef de ceux qui le font ; l’évidence du regard et de la plume suffit.
Sur ce point précis pris comme un exemple, ne nous attardons pas à une approche critique, à un jugement, à une digression éventuellement enflammée ; en vérité, il n’est pas nécessaire de juger et de critiquer, encore moins de s’enflammer comme j’ai failli faire dans les lignes qui précédaient, barrant et supprimant décidément tel ou tel mot de fureur ; cela n’est pas nécessaire tant ce phénomène de l’AC avec ses liens avec l’Église est dans la norme d’une époque et qu’il s’y inscrit si normalement dans son imposture tranquille. Le point important pour notre intérêt dans ce cas est bien que tout se passe comme si ce phénomène qu’on décrit était également dans la norme de l’Église “dans son temps”, et cela d’autant plus, il faut le répéter, que l’AC n’est pas l’objet et le moyen d’une dissidence, d’une contestation au sein de l’Église mais qu’il reçoit l’onction sans réserve de la hiérarchie. (Ici, il est opportun de signaler que nous parlons de la France, – encore une fois cas emblématique, – essentiellement parce que l’État joue un rôle central dans la culture dans ce pays et que le “partenariat”, le “sponsoring” État-Église est un facteur clef du statut de l’AC comme ce phénomène que nous voulons décrire ici comme exemplaire.) Ainsi l’AC dans ses rapports avec l’Église, avec la religion catholique en tant qu’institution, par conséquent avec le Christianisme, constitue une situation archétypique de la postmodernité, dans un domaine essentiel qui est le sujet de notre réflexion.
Cette situation postmoderniste de l’Église montre que l’Église entend plus que jamais, selon l’expression déjà offerte et tant de fois déployée plutôt qu’employée d’“être de son temps”, même si ce temps pourrait être, devrait être défini selon son point de vue et selon son langage à la fois théologique et symbolique comme complètement “le temps de Satan”. Cette proposition, sous forme sloganique comme l’on serait tenté désormais de dire “satanique”, – “être de son temps”, c’est être satanique”, – si elle répond à ce souci présenté comme honorable et nécessaire d’incarnation qui a toujours caractérisé le Christianisme à partir de son apparition au cœur de l’empire de Rome, démontre désormais, dans ces conditions précisément, le risque réalisé et également incarné d’en accepter, d’en intégrer tous les caractères jusqu’à l’inversion finale plutôt que de les influencer. Le résultat est celui de la fusion et de l’intégration, ce moment de la chimie intellectuelle de la modernité agissant comme peut le faire la pression d’une addiction indescriptible et d’une fascination extraordinaire, où la cause devient conséquence ; et la cause du “vouloir être de son temps”, c’est, à ce moment accepté puis intégré, d’abandonner toute vision critique de son temps pour être effectivement “de son temps” ; c’est-à-dire, pour l’Église et malgré sa tournure vénérable et ses ors d’au-delà du millénaire, complètement modelée par son temps et devenue conséquence de son temps et accouchée par son temps ; évidemment, il ne peut être question de porter quelque critique que ce soit contre les augustes entrailles desquelles on est né. L’aventure de l’étrange mariage de fascination entre l’Église et l’AC vue comme exemplaire montre que nous y sommes, et même au-delà… Même si les dimensions des évènements diffèrent immensément, l’esprit est commun et l’on peut avancer l’image que l’AC est comme une seconde Renaissance pour l’Église, une façon postmoderne de jeter sa gourme, sans éclat certes mais cette fois définitivement...
D’une façon encore plus générale, nous sommes conduits à une autre conclusion, certes à la lumière de l’aventure chrétienne mais avec le Christianisme considéré comme les autres religions telles qu’elles existent au sein du Système, pour la situation de ce début du XXIème siècle où la religion d’une façon générale est brandie partout comme acteur principal, à proscrire et à détruire, ou à magnifier c’est selon. Cette conclusion nous détourne de l’idée générale de la religion considérée comme “acteur principal” du temps courant, mais devenue au contraire un outil dans un gigantesque ébranlement du monde qui la dépasse ; et nous disons, certes, bien plus ébranlement du monde qu’affrontement ; et la religion outil et rien d’autre, et certainement pas acteur sinon par inversion ; et la religion outil de l’ébranlement du monde, c’est-à-dire outil du désordre, au contraire de ce qu’elle prétend être et de ce qu’elle devrait être... En un sens, si l’on inclut dans notre développement sur le Christianisme et dans ce bref coup d’œil sur la situation “actuelle” les agitations des autres grandes religions monothéistes, ce à quoi l’on assiste aujourd’hui ne serait nullement tout ceci qu’on agite pour l’illusion de l’“être de son temps”, rien de tous ces arguments de publiciste, de spécialiste de la communication comme il en pullule, – ni un affrontement de religions [de “civilisations”, moins encore !], ni une affirmation des religions, – mais au contraire une déroute complète des religions monothéistes qui ont toutes plus ou moins eu un rôle, et surtout le rôle exclusif du spirituel, dans l’accouchement de notre civilisation devenue contre-civilisation ; et les religions en faisant le pendant et devenant, parallèlement à la civilisation dont elles ont accouché ou qu’elles ont acceptée et du point de vue de la transcendance, rien de moins que contre-religions. Cette déroute complète accompagne celle du Système que ces religions ont contribué à créer, sans doute le plus involontairement qui soit, par le seul fait de leur affirmation monothéiste ; parce que, selon cette approche, cette affirmation monothéiste apparaît méthodologiquement inspiratrice de l’exclusivisme hermétique du Système et même de la source dont il procède (le déchaînement de la Matière grosse de lui dès qu’elle se manifeste)…
Alors, par la nature même de la situation que nous décrivons, vient à l’esprit le constat que le sacré a perdu tout droit et tout espace où il pourrait prétendre à la hauteur qu’on lui prête. Conduit à être l’adversaire de l’initiation et de la religion qui, s’exhibant à ciel ouvert dans cette période qui est celle du triomphe du Mal, ne peuvent être par conséquent qu’initiation et religion tombées sous l’empire affreux du Mal, le sacré se trouve, comme dans les temps terribles de l’occupation des nations envahies, comme la France elle-même, dans la nécessité devenue glorieuse de prendre le maquis, d’entrer dans la clandestinité. Ainsi extrait “de son temps” alors que l’Église s’y complaît, le sacré est partout (nécessairement, puisqu’il s’agit du sacré) et nulle part (sa plongée dans la clandestinité). Il peut être rencontré, par surprise ou par inadvertance, dans les situations et les choses les plus modernes, tout en en étant complètement étranger. Le sacré peut-être rencontré dans la séquence d’un film, dans un regard étranger, dans une connivence de circonstance, parce que l’omniprésence du Mal ne laisse d’autre possibilité que cette imprévisibilité. Le sacré est diffus, partout et nulle part, et c’est à l’individu qui se trouve dans sa quête de le reconnaître. Dans ce tableau absolument bouleversé, qui ne répond à aucune cohérence ni cohésion, la religion n’est plus une garantie en rien, elle est devenue une sorte de piège que l’être en quête de sacré doit éviter de toutes les façons. Ainsi en sommes-nous arrivés à la ruse ultime du Mal qui est de rendre impossible la reconnaissance du sacré selon les voies courantes du sacré ; pire encore, pour aller au bout de cette ruse du Mal dans cette époque où règne le Mal, le sacré est devenu un hors-du-monde et un hors-du-mode des vies, indigne selon les autorités officielles et les autorités spirituelles non seulement de respect mais d’attention, d’intérêt, rejeté qu’il est de la simple citoyenneté du monde. Ainsi en est-il de la situation de notre temps, – notre “temps courant”…
Nous nous en tenons là dans cette incursion dans notre “temps courant”, avec quelques questions et des remarques qui laissent à penser, qui nous solliciteront par conséquent à nouveau, non sans noter combien cette “passerelle eschatologique” qui a fait le thème de circonstance de cette partie du récit possède de bien diverses facettes, et diverses façons de s’affirmer. Effectivement, elle vient jusqu’à nous pour nous interpeller à propos de son propre destin.
Allons plus avant en retrouvant notre chronologie qui, paradoxalement, nous ramène en arrière. Ce qui nous a guidé dans cette partie du récit en proposant, comme nous l’écrivons à son début, “de penser le Christianisme comme si la divine origine de ce phénomène constituait une vérité acquise et admise sans énervement de l’esprit”, c’est notre inquiétude et notre incompréhension originelle à propos des conditions extraordinaires de ce que nous estimons être une catastrophe affectant le destin du Christianisme. Comment une entité de si haute intelligence et de spiritualité si fervente, manifestement inspirée par une injonction divine, si puissante, si admirablement construite, si incontestable dans son magistère de la civilisation inspirée par elle, par conséquent à la fois maîtresse et responsable des évènements se développant sous son empire, comment le Christianisme a-t-il pu laisser se développer la modernité, parfois jusqu’à s’en réjouir pour mieux confondre ses soi-disant adversaires et diffamateurs, parfois même semblant s’y complaire après tout ? Notre réponse est que le Mal, qui est pour nous à la fois la modernité et le déchaînement de la Matière qui a obtenu cette transformation (la modernité) décisivement sous la forme d’une entité, le Mal qui a manifestement exercé toute son influence pour permettre cette déviation vient pour une part de lui-même, du Christianisme ; non pas le Mal comme création du Christianisme précipité dans sa décadence jusqu’à l’inversion certes, mais comme proximité du Christianisme conduisant, pour les âmes les plus inquiètes et contre les espérances sans fin mises dans cette célébration du divin, jusqu’à sa confusion avec le Christianisme lui-même. (Plotin : « …[M]ais les autres, ceux qui participeraient de lui [du Mal] et s’y assimileraient, deviennent mauvais, n’étant pas mauvais en soi »… Le Christianisme, conduit par ses errements terrestres à s’assimiler au Mal, “sans être mauvais en soi” mais ayant agi terrestrement de cette façon que tout s’est passé comme si le Mal jaillissait de lui-même [du Christianisme]. On reconnaît la ruse centrale du Mal et son efficacité sans cesse renouvelée.)
Le Christianisme, dans son opérationnalité terrestre et au contraire de son essence purement accordée à la transcendance, s’est révélé perméable au Mal opérant sous sa représentation de la modernité parée des atours du progressisme, où la vertu séculière se paie du sacrifice, sinon de la liquidation pure et simple (le mot plus rude est mieux à sa place) des principes transcendantaux. Cela fut essentiellement accompli par le biais d’une psychologie complexe, impétueuse et sûre d’elle-même, extraordinairement efficace mais trop maîtresse de ses effets jusqu’à la passion pour eux, pour voir que son brio l’entraînait à favoriser les germes de ce qui deviendrait, pour le Christianisme, l’inversion de lui-même. Ce brio était paradoxalement la faiblesse même, et cette psychologie d’apparence si puissante dissimulait cette faiblesse effectivement mortelle pour la destinée envisagée, sa vulnérabilité à la pression et à la pénétration du Mal. Le Christianisme terrestre se jugeait peut-être de trop belle extraction, de trop haute lignée et de transcendance trop affirmée pour mener à bien sa fortune terrestre sans prêter imprudemment le flanc aux entreprises d’un Méphistophélès habile à se dissimuler ; pour entreprendre ses opérations terrestres, c’est comme s’il était venu de trop haut ; emporté par la sûreté de son origine, il trébucha. Par conséquent et pire encore, le Christianisme chuta… Sans doute faut-il songer à lui pardonner, tant son origine semble marquée de vertus superbes, mais pour autant on se retiendra de le féliciter car les grandes vertus ont leurs responsabilités dans la conduite indigne de leur destin où elles se fourvoient parfois, et elles doivent être prêtes, s’il est nécessaire, à en répondre d’une certaine façon. Le Christianisme reste l’enfant de ses origines magnifiques mais l’on ne peut s’empêcher d’avancer l’hypothèse qu’il ne fut pas insensible à l’orgueil dont il sait pourtant, lui le premier semble-t-il nous dire, qu’il est un pêché. Lui qui sut prendre chez les Anciens ce qui lui importait pour réussir ses entreprises et installer son esprit au plus haut possible, il aurait pu s’inspirer d’eux en toute confiance, sinon en tout humilité, pour se garder de l’hybris. Il ne l’a pas fait et, pour cette raison, il a trahi les Anciens et ses origines, installant une déviation catastrophique et unique dans l’histoire du monde, unique dans tous les cas pour le cycle en cours de l’Histoire-haute, la métahistoire qui nous conduit ; tant pis pour lui...
D’un point de vue plus général, que l’on pourrait qualifier de cyclique justement, ce destin malheureux et fautif du Christianisme doit finir par trouver sa place dans l’arrangement général des choses et du monde. On peut en effet observer que, selon notre approche, le Christianisme prend, volens nolens, une part fondamentale au développement des choses de cette façon que le Mal sous la forme du Système prenne sa place en pleine lumière et nous apparaisse dans toute sa puissance maléfique, avec le “déchaînement de la Matière”, sans plus rien dissimuler de sa surpuissance de dissolution et ainsi préparant sa course autodestructrice ; en favorisant involontairement mais décidément le développement du modernisme, qui donne un cadre historique cohérent à l’évolution considérée avec le “déchaînement de la Matière” ; en imposant par les conditions de sa propre Chute une dimension métahistorique promise à transformer le destin que nous vivons de l’apparente promesse moderniste transformée en impasse de la modernité, en l’inéluctable issue eschatologique que nous devinons ; enfin, en nous délivrant, par sa déviation sinon son inversion même, de son exclusivité parfois dictatoriale de la représentation terrestre des accointances divines par lui-même, et en ouvrant le champ par conséquent à une nouvelle liberté dans la quête de l’ineffable, du moins pour ceux que la chose intéresse. Pour admettre ce schéma, effectivement, il faut admettre décidément la séparation du Christianisme de ses origines glorieuses et si hautes, pour considérer sa branche terrestre devenue tronc central, son aventure purement exotérique et séculière, comme un destin promis à se gâter au contact des aventures terrestres, un destin sacrifié à la mise en évidence du Mal, pour assurer son identification puis sa destruction. A la lumière de notre enquête, il nous semble que le Christianisme accomplit parfaitement cette mission-là (qui n’a tout de même nul besoin de majuscule). Plus qu’aucune autre dynamique historique, il a su mettre en évidence les ambitions du Mal autant que le Mal lui-même, avec sa représentation principale qu’est la modernité, et y répondant par sa propre Chute conduisant à l’issue eschatologique.
Ce constat entraîne aussitôt le propos à ajouter, au simple enchaînement de notre chronologie retrouvée, l’enchaînement de la progression du Mal. Nous passons de cette partie où l’on embrasse le Christianisme à celle que je nomme “la Partie du persiflage” principalement au XVIIIème siècle, qui est aussi celle d’une des offensives majeures du Mal ; celle où le Mal mit enfin en place sa tactique magistrale de pénétrer les esprit, de les affaiblir, de les pervertir et de les asservir, non par les idées ni par quelque autre chose intelligible que ce soit où la raison garde la possibilité de l’affronter, mais par le chemin tortueux et vicieux de l’infection de la psychologie, auparavant pervertie, amollie, dissoute, ouverte comme une fille qui s’offre.
Ce que l’on est conduit à constater, c’est qu’il (le Mal) peut ainsi opérer avec la plus grande efficacité, non seulement parce que la décadence du Christianisme a préparé les Lumières avec quelle minutie, avec quelle efficacité, mais surtout parce que cette décadence a complètement ressuscité la psychologie du Christianisme des premiers âges historiques, du temps de l’Empire ; la psychologie qui s’ouvre à la subversion et à la dissolution en prétendant à la fois à l’inculpabilité et à l’indéfectibilité qui donnent une illustre vertu ; la psychologie de cette force diffuse et dissolue qui tient toutes les responsabilités des autorités dans ses rets et qui prétend ne prétendre à rien en fait de responsabilité… Le fait est qu’elle servit, cette force, à assurer le plus grand triomphe terrestre qu’on put jamais imaginer pour un mouvement de cette apparente humilité, avec la seule puissance de l’onction Très-Haute elle-même, qui est le Christianisme, et qu’elle conduit aussi sûrement à son effondrement. La démarche qui doit nous importer désormais est d’observer ce qui s’est passé dans l’enchaînement qui suit, dans les effets conduits par des chemins incertains et indirects, que permit et même favorisa cette religion évidemment ennemie du Mal, devenant par ces catastrophiques circonstances son plus grand allié en lui garantissant l’investissement de l’esprit humain… Ainsi s’avance vers nous, non le Siècle des Lumières mais “Le Siècle du persiflage”.
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