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615Al Qaida infiltre les groupes armés de l’opposition syrienne à son insu. Les deux attentats à la bombe perpétrés à Damas en décembre lui sont imputables ainsi que les attaques meurtrières la semaine dernière contre le siège local de la sécurité et du renseignement militaires à Alep. L’appel solennel de Ayman Al Zawahiri lancé par vidéo aux militants de Turquie, de Jordanie, du Liban et de l’Irak à rejoindre les rangs des opposants au régime de Assad n’a pas pour l’heure été suivi d’un afflux repérable de combattants venant des pays voisins.
Non, ceci n’est pas un communiqué du gouvernement syrien.
Il s’agit bien des propos tenus il y a quelques jours par le directeur du renseignement américain James Clapper devant la Commission sénatoriale des Forces armées.
Le Général Ronald Burgess, directeur du Defense Intelligence Agency (DIA) confirme la discrétion des membres d’Al Qaida opérant en Syrie alors qu’ils ont été chassés par les efforts des milices shiites irakiennes alignées sur les instructions de l’armée étasunienne.
Les chefs les plus éminents du renseignement au service du Pentagone conviennent de la dispersion de l’opposition syrienne dont aucune direction cohérente n’a émergé depuis de nombreux mois.
Ils soulignent sa situation sans issue en l’absence d’intervention étrangère.
Ils font observer qu’ils disposent de quelques éléments indiquant que des membres du cercle rapproché de Bachar Al Assad déplacent leur famille et opèrent des mouvements de fonds témoignant qu’un plan d’évacuation est tenu prêt.
Le très commode outil d’Al Qaida est exhibé devant les membres du Congrès. Son implication très fortement suggérée par les seniors du renseignement étasunien vaut renoncement au moins provisoire à une intervention militaire imminente en Syrie.
Les Occidentaux n’avaient pourtant pas répugné à employer sur le mode semi-officiel d’authentiques anciens “mujahidins” libyens en Afghanistan pour détruire la Libye au cours de leur guerre humanitaire réellement meurtrière pour faire cesser les crimes de masse imaginaires de Gadhafi.
L’énonciation par les Us(a) de l’implication d’une nébuleuse terroriste dans des attentats commis sur le territoire syrien disqualifie ses propres agents de déstabilisation logés sous l’enseigne du Conseil National Syrien. Le travail de la National Endowment for Democracy en direction de ses relais en ONG, Damascus Center for Human Rights studies et le Syrian for Human Rights Observatory irrigue le tissu informatif planétaire des crimes étatiques syriens. Dans chacun des deux cas, l’organisation est réduite à un seul homme. Rami Abdul Rahman, personnage collectif fictif, semble doué d’une étrange capacité synthétique puisqu’il livre depuis Londres le nombre de tués et de blessés quotidiens repris par les medias mainstream. Les morgues dans le pays n’ont pas encore eu le temps de donner leurs propres chiffres.
L’ajournement probable de l’attaque occidentale sur la Syrie peut évoquer les encouragements à la révolte du peuple hongrois en 1956 par les Us(a) au travers de Radio Free Europe. L’insurrection hongroise fut écrasée par l’URSS sans que le bloc occidental occupé dans la punition du régime de Nasser pour la nationalisation du canal de Suez n’introduise la question au Conseil de Sécurité, tribune qu’elle s’est pourtant dédiée pour entreprendre ses condamnations et ses interventions au nom du monde libre. Le conflit armé en Syrie fournit son lot de sang journalier et s’entretient des fonds qataris et séoudiens et de l’appui d’Al Jazeera. Qu’en sera-t-il dès que les équipes de Netanyahu puis d’Obama décideront de surseoir, ce qu’ils semblent vouloir faire ?
Certes, les escadrons de la mort de Abdelhakim Belhaj même bien payés et bien armés peinent à recruter parmi une population terrifiée à la perspective de subir le sort de l’Irak voisin détruit et dépecé depuis l’invasion de 2003 dont elle a accueilli près de deux millions de réfugiés.
Certes, l’interventionnisme turc appuyé aux ‘rebelles’ salafistes (1) risque d’accroître l’influence d’Ankara de façon démesurée aux yeux de l’allié, partenaire et rival parfois antagoniste sioniste. Ce membre de l’Otan qui piaffe aux portes de l’Union Européenne risque de s’étendre aux dépens d’une Syrie fracturée et créer un déséquilibre supplémentaire dans la région redouté par l’entité sioniste. Avoir pris soin de créer une zone autonome kurde pour émietter l’Irak a donné matière à intervention permanente à la Turquie et orienté le gouvernement pourtant fantoche de Bagdad selon les vues et les vœux de Téhéran. De plus, l’AKP qui a conquis le pouvoir en répudiant le discours laïcard intransigeant kémaliste en alliant mosquée, cours boursier et FMI butte sur les inévitables difficultés néolibérales faites d’une augmentation du chômage, d’un déficit budgétaire et de taux d’intérêts ascendants. Le Parti pour la Justice et le Développement risque de prendre des attitudes islamiques radicales pour endiguer le mécontentement populaire latent.
Certes, 2012 est une année de renouvellement des équipes de l’exécutif aux Us(a) comme en France et l’heure est à la course effrénée au financement des campagnes électorales.
La honteuse participation de la France à la destruction de la Libye, si elle a été l’occasion de faire la démonstration de la capacité de ses Rafales et de la possible cession du savoir-faire de l’avionneur français à l’Inde, aura conforté Sarkozy dans son rôle de valet sans le gratifier aucunement d’une stature crédible à l’international. L’épisode ivoirien antérieur consolide la tradition françafricaine de la cinquième République, ici au service de Bolloré et Bouygues.
L’heure donc est aux engagements sérieux, d’autant que les Libertariens d’un côté comme les néolibéraux de l’autre exigent une réduction des dépenses de l’État. Il devient difficile de concilier l’austérité budgétaire qui prive les peuples occidentaux d’un amortissement social protecteur contre la récession et des dépenses militaires ’altruistes’ humanitaires.
Certes en un mois, deux veto russes et chinois ont repoussé les ardeurs du Conseil de sécurité de l’ONU.
Plus encore, l’instabilité financière européenne et mondiale cristallisée hic et nunc autour de la dette souveraine grecque rapproche résolument la finance internationale d’un crash qui fera passer la faillite de Lehman Brothers de 2008 pour une brise de printemps. John Paulson, gestionnaire du fonds de couverture qui a gagné des milliards de dollars en pariant dès 2007 contre les prêts hypothécaires subprime prédit un défaut de paiement de l’État grec pour mars 2012 avec comme effet immédiat la dislocation de la zone euro et une contraction conséquente de l’économie mondiale. Des documents circulent dans des cercles étroits de Wall Street depuis la deuxième semaine de janvier 2012. Ils décrivent les directives techniques précises à déployer lors de la faillite en cascade des différents pays européens à monnaie unique, Espagne, Portugal, Italie et peut-être France. La date du 23 mars a même été avancée pour le jour du grand collapsus.
Si le dispositif médiatique continue de sonner le tocsin et de marteler les tambours selon les imprécations néoconsionistes contre l’Iran, les capitaux volatiles encore plus furtifs que les plus indétectables des drones qui sillonnent le ciel syrien iront s’engouffrer dans des sociétés d’assurance pour couvrir les risques des tankers traversant le détroit d’Ormuz. À capital risqué, gains multipliés. Le prix du baril atteindra les 150, 200 dollars. De quoi geler toute activité économique sur la planète.
Delenda est, Carthago delenda est. (2)
L’injonction de Caton contre Carthage, prière incantatoire, terminait invariablement chacun de ses discours.
La destruction de Carthage a fini par avoir lieu en 143 avant Jesus Christ au terme de trois guerres puniques et d’une lutte d’un siècle et demi. Les armées de Scipion établirent alors la province africaine de Rome. De là, l’empire romain, développant sa puissance navale, distribuant à sa clientèle et ses soldats d’abord citoyens puis mercenaires les richesses pillées, prit son essor pour un contrôle incontesté du pourtour de la Méditerranée de trois cents ans.
L’Afghanistan a été détruit.
L’Irak a été détruit.
La Somalie détruite.
La Libye aussi.
Le Soudan divisé.
Pour le Pakistan c’est en cours…
La Syrie ne semble pas pour l’heure une proie aisée.
Ces œuvres et manœuvres ne signalent pas l’aube d’une domination occidentale, elles en sonnent plutôt le glas.
L’organisation du chaos créateur connaîtra-t-elle un arrêt durable sous la menace de plus en plus précise d’une panne de la folle économie mondiale? L’enchevêtrement de dettes croisées privées puis publiques qui n’anticipent aucune richesse réelle introduit partout un risque de rupture, prédiction qui n’est plus réservée aux catastrophistes mais devient une haute probabilité consistante. L’appauvrissement et la précarisation de 99% des humains abrutis à l’industrie du divertissement au profit d’un seul pour cent ne peuvent être contenus sans fin dans le tittytainment.
Badia Benjelloun
(1) Salafistes, dérivé de Salaf, ancêtres, terme actuellement utilisé par les medias pour désigner le musulman fondamentaliste alors qu’il s’agit de recrue d’illettrés facilement enrôlés parmi les hittistes chômeurs. La salafisme a été un mouvement de renouveau de l’Islam qui a nourri de nombreux mouvements nationalistes et indépendantistes au 19 et 20ième siècle.
(2) “Elle doit être détruite, Carthage doit être détruite.”
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