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431Al Gore, le candidat démocrate qui fut battu aux présidentielles de 2000 dans des conditions dignes de la tradition vénérable des républiques bananières saupoudrées du Chicago d’Al Capone effectue un grand retour en pleine forme. Il n’est pas candidat pour 2008 mais tout se passe comme s’il l’était.
Gore est un cas intéressant. En 2000, il fit une campagne terne. Il paraissait à tous emprunté, hésitant, “coincé”. Il fut battu comme on sait, “à la régulière” selon les mœurs du système. Puis il disparut corps et bien, se laissa pousser la barbe, enleva sa cravate, fut professeur d’université, disparut à nouveau. On croyait bien n’entendre plus parler de lui. Depuis quelques mois, il est de retour, plein de feu, prenant bien garde à ne pas mâcher ses mots. Il reconnaît ses erreurs de 2000 (tout cela dans une interview au Guardian, lors de son passage au Royaume-Uni) : « He has since acknowledged that he followed too closely the advice of his consultants during that campaign, and — before he started to scoff at the idea of running again — swore that if he ever did so, he would speak his mind. »
Donc, Gore speaks his mind. C’est l’une des très rares voix venues de l’establishment à appeler un chat un chat, c’est-à-dire à identifier la bande de la Maison-Blanche comme effectivement une bande et rien d’autre : « Denying that his politics have shifted to the left since he lost the court battle for the 2000 election, Mr Gore says: “If you have a renegade band of rightwing extremists who get hold of power, the whole thing goes to the right.” »
Il n’est pas très utile d’entretenir des espoirs, à notre avis assez vains, que Gore revienne en politique (au cas où il se déciderait à le tenter) et s’impose comme candidat en 2008. Il n’en a pas les moyens politiciens (argent, soutien de la gérontocratie du parti démocrate, corruption de la psychologie, etc.). Encore plus, — s’il réussissait tout de même et s’il était élu, il ne pourrait pas changer grand’chose au système en place, — ou bien, hypothèse extrême, jubilatoire et presque fabuleuse, il entrerait en conflit avec le système et provoquerait une crise de régime par l’intérieur.
En attendant, il nous montre un spectacle pas banal : comment on peut, malgré tout, se sortir à peu près indemne du système et jeter sur lui un regard sans aucune complaisance, et en faire un discours éructant et animé que tout le monde goûte avec un plaisir plus ou moins dissimulé. Cela ne signifie pas que Gore a la formule-miracle, qu’il a une politique excellente, que son jugement est absolument juste ; cela signifie qu’on peut se sortir de ce système infâme et dénoncer ses travers les plus évidents d’une façon somme toute efficace ; cela signifie que le système n’est pas hermétique et qu’il l’est de moins en moins ; cela signifie que la nature humaine garde quelques antidotes en réserve qui, parfois, font leur boulot.
Mis en ligne le 31 mai 2006 à 10H32
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