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39011er mars 2022 (10H00) – En d’autres mots à propos de l’emploi de la communication durant cette guerre, ce torrent de communication certainement sans précédent, sur le volume, sur la durée, sur la passion haineuse et la fureur démentielle, les mensonges invraisemblables et les insultes sans compromis qu’on y trouve exprimées, voilà quelque chose de formidable et de sublime, de terrifiant et de catastrophique.
La perception de la guerre est devenue aujourd’hui, à disons 97,5% ou à 103%, du domaine du système de la communication, de ses vociférations, ses manipulations et montages, ses simulacres et narrative, son instantanéité, sa puissance immédiatement disponible, les effets que cette puissance inflige à nos psychologie du fait de la façon dont elle fait de la vérité une matière “taillable et corvéable à merci”.(« L’empire du mensonge » dit Poutine, – choisissez à qui se destine elle-même cette expression.) C’est une affirmation que l’on pose, une conviction que j’affirme de la fantastique puissance que nous donnons, que nous accordons au système de la communication comme si nous étions ses sujets, ses choses et ses esclaves... Il s’ensuit des événements extraordinaires que nous avons de la peine à observer et à identifier tant ils le sont, et tant ils nous submergent par conséquent.
A cet égard, je crois que l’on doit mesurer peu à peu l’événement extraordinaire, pris ici comme exemple de l’opérationnalité du phénomène dont je parle, émanant de lui, exsudant de lui comme une charge terrible vous écrase. L’événement s’est produit sous nos yeux (sous les miens également), et il me semble assurément que l’on n’a pas réalisé sur l’instant cette importance. Il s’agit de la décision de Poutine de placer les forces stratégiques nucléaires en état d’alerte. Il y avait eu d’abord, de notre part, ici sur ce site, une spéculation plus classique quoique tout de même documentée, peut-être en forme de semi-plaisanterie ou de plaisanterie à prendre éventuellement au sérieux, – je ne sais plus très bien :
« ... A moins que d’ici là, – autre spéculation suggérée par la mise en “alerte spéciale” aujourd’hui des forces stratégiques nucléaires russes, – les Russes mettent en pratique la ‘Madman Theory’ concoctée par Richard Nixon dans les années 1969-1973 et que Sergei Lavrov glisse à l’oreille commune de ses “collègues” Blinken et Le Drian qu’à trop insulter et humilier la Russie on risque de faire sortir le flegmatique Poutine de ses gonds jusqu’à sembler le faire songer à l’emploi de l’arme suprême... »
... En effet, je réalise peu à peu, lisant et réalisant ces quelques mots documentant la manière (toujours très cérémonieuse, avec les Russes) dont Poutine a donné l’ordre à son ministre de la défense de prendre cette mesure, que la raison avancée par Poutine pour justifier l’ordre de mettre les forces nucléaires stratégiques russes en alerte est effectivement extraordinaire. C’est du jamais-vu, jamais-entendu, ; jamais-imaginé :
« “Les hauts responsables des principaux pays de l'OTAN se complaisent à faire des déclarations agressives sur notre pays. C'est pourquoi j’ordonne au ministre de la Défense et au chef d'état-major général de mettre les forces de dissuasion de l'armée russe en mode de service spécial de combat”, a déclaré Poutine lors d'un point de presse avec le ministre de la Défense, Sergueï Choïgou, et le chef d'état-major général, Valéry Gerasimov, à Moscou. »
Il s’agit bien de la même chose dont nous parlons, les “déclarations agressives” venues de quelques figurants accessoires, peut-être bien le très-séduisant Soltenberg de l’OTAN, sur le fond incroyablement bruyant des vociférations de tous ordres, antipoutiennes et antirusses, venues du Camp du Bien. Il me semble aussi que la Britannique Truss (Foreign Office) sans doute, le gris Le Drian (Quai d’Orsay) peut-être bien, tous deux ont dit cette chose étrange (surtout Le Drian, je crois), certes d’un ton sous-entendant la menace en riposte préemptive à la décision de Poutine, qu’il ne faut pas oublier que « l’OTAN est une puissance nucléaire ». (Tiens tiens, l’ami : l’OTAN, une “puissance nucléaire” ? Folie pure ou idiotie complète ? C’est selon, au choix du client. L’OTAN n’ayant aucune souveraineté, aucune autorité suprême, aucune légitimité, – alors qu’est-ce donc que ce charabia d’inculture grotesque ! Bien de notre temps, ça !)...
Effectivement, notre site exotique ‘WhatDoesItMeans’ (WDIM) que nous consultons régulièrement ou à l’occasion je ne sais plus, WDMI plus complotiste-masqué que jamais et plus Poutine-compatible qu’on ne pourrait croire, s’attache à cette affaire de cette façon qu’il lui donne une pleine et complète importance dans sa nature même. Il n’évoque ni le symbole, ni l’allégorie, non il tient les paroles prononcées comme finalement je l’ai admis, comme parfaitement réalistes. Cela donne ceci :
« Le caractère épique de la propagande de guerre risque de déclencher une annihilation nucléaire globale...
» Un nouveau rapport fouillé du Conseil de sécurité (CS) circulant au Kremlin aujourd’hui note d’abord “l’échelle épique de la propagande de guerre occidentale” contre la Russie, rappelant l’énorme machine de propagande du Parti national-socialiste allemand (alias parti nazi) qui a exploité les Allemands ordinaires en les encourageant à être les coproducteurs d'une fausse réalité, et a propulsé Adolph Hitler au pouvoir. Ce rapport dit qu’en réponse à cette menace génocidaire, le président Poutine a ordonné à l'armée de mettre les forces de dissuasion nucléaire du pays en état d'alerte maximale, et a déclaré directement au ministre de la défense Sergei Shoigou et au chef d'état-major général Valery Gerasimov : “Les hauts responsables des principaux pays de l'OTAN se permettent de faire des déclarations agressives à l'égard de notre pays... Par conséquent, j'ordonne au ministre de la défense et au chef d'état-major général de mettre les forces de dissuasion de l'armée russe en mode de service spécial de combat”. »
Ne craignez rien, je ne fais pas Poutine victime d’un “génocide de communication” ni ne suggère une seconde qu’il soit autre que ce monstre indescriptible qu’on ne cesse pourtant de nous décrire sous toutes les coutures. Non, ce qui m’importe, c’est bien que cet étrange site WDIM reprend effectivement, par l’intermédiaire de son habituel “rapport”-machin « circulant au Kremlin », le lien direct de cause à effet d’une indubitable manière : “paroles agressives” (communication) comme cause directe et indubitable de la mise en alerte.
Certes, on écartera tout cela d’un revers de la main chassant quelque poussière agaçante (c’est notre façon de discuter aujourd’hui), en proclamant Poutine comme le plus grand comédien du simulacre qui existe, infâme gredin, crapule notoire, diabolique voyou, – mais diantre, ce n’est pas ce qui m’importe ! Il m’importe, à moi, qu’on ait effectivement présenté la séquence comme on l’a fait, qu’elle a été répercutée dans le monde telle quelle, somme toute sans mettre en cause ce rapport de cause à effet entre deux choses qui, tout de même, sont de natures absolument différentes.
... Et finalement, le fait qu’on n’ait pas relevé immédiatement cette singularité, – sauf Biden mais selon une autre approche, et qui, bon robot bureaucratisé, a répété que Poutine “se fabriquait des menaces inexistantes” avant d’être plus précis sur la commune menace nucléaire, – ce fait-là, qui vaut pour moi dans l’instant, révèle que nous avons acquiescé à la toute-puissance de la communication. Nous en sommes les hallucinés ou bien alors nous disposons, dans ce deuxième cas pour qui admet lucidement cette toute-puissance sans y voir une divinité dissimulée, d’une arme d’une puissance de mystification massive.
Notez bien, j’insiste là-dessus, que je ne parle pas du contenu, ni de la technique de la manipulation, ce qui fait qu’on peut manipuler des peuples, usant de la communication comme outil de propagande. Non, je parle de la puissance intrinsèque, on dirait presque ontologique. Personne ne trompe personne ici, on sait de quoi il s’agit, même si les uns et les autres ont des arrière-pensées. Il y a simplement ce fait, cette démarche de cause à effet : Poutine juge certaines paroles agressives et profondément inamicales, alors il met en alerte ses forces nucléaires stratégiques.
Bien entendu, après le fait même de l’annonce de la mise en alerte, lorsqu’on reparle de cette décision, on présente en passant, parce que cela semblerait aller de soi finalement, une cause extrêmement concrète et opérationnelle :
« Pendant que les discussions se poursuivaient, M. Zelenski a envoyé à Bruxelles une demande officielle d'adhésion de l'Ukraine à l'UE. Dans le même temps, la Russie a placé ses forces de dissuasion nucléaire en état d’alerte maximale, l'OTAN ayant décidé d'envoyer des armes à Kiev. »
Ou encore, explicité de façon plus précise, mais à nouveau avec l’importance de la communication (madame Truss) :
« Le président russe Vladimir Poutine a placé dimanche les forces de dissuasion de son pays - y compris les armes nucléaires, – en état d'alerte maximale. Moscou a déclaré que cette mesure avait été prise, du moins en partie, en réponse aux commentaires de la ministre britannique des Affaires étrangères, Liz Truss, qui a déclaré à Sky News que si Poutine n’était pas arrêté en Ukraine, d’autres pays d'Europe de l'Est seraient menacés, ce qui entraînerait un conflit avec l'OTAN.
“Des déclarations ont été faites par différents représentants à différents niveaux sur de possibles altercations, voire des collisions et des affrontements, entre l'OTAN et la Russie”, a déclaré lundi le porte-parole du Kremlin, Dmitri Peskov. “Nous pensons que de telles déclarations sont absolument inacceptables”. »
Ce n’est pas vraiment quoiqu’un peu la façon officielle et formelle dont fut présentée la décision lorsqu’elle fut prise et il s’agit bien d’une explicitation et d’une tentative de rationalisation opérationnelle après-coup. Il reste cette chose énorme dont j’ai dit quelques mots... Pragmatiques, les Russes, qui identifient une formidable guerre de la communication [de l’information] contre eux, se réfèrent désormais au fait même de cette “guerre”, à l’acte de la “guerre de la communication” pour justifier les décisions les plus graves.
En 1962, il fallait un déploiement de fusées nucléaires à 250 kilomètres de leurs côtes pour pousser les USA à mettre leurs forces nucléaires en alerte ; en 1973, il y avait l’identification par les satellites US du fait opérationnel que l’URSS commençait ses préparatifs pour déployer une division parachutiste en Égypte, comme elle évoquait la possibilité de faire, pour empêcher le général Sharon d’encercler la Vème Armée égyptienne en violation du cessez-le-feu. Aujourd’hui, il suffit d’une ânerie d’une ministre et d’un bêlement d’un secrétaire général au milieu du concert de coassements et de croassements de l’infinie myriade des figurants de la “guerre de la communication”, avec notamment en arrière-plan et pour interpréter cette symphonie cacophonique mais bien dressée, le déchaînement de la presseSystème la plus ardente du monde, interprétant librement les consignes du parti.
Il est possible que les dieux commentent, de leur camp de vacances de l’Olympe, qu’“on n’arrête pas le progrès” en matière de sottise et que je riposte humblement que notre soumission au dieu de la Bêtise est comme une pierre qui roule irrésistiblement sur la pente, – “Like a Rolling Stone”... Possible, possible... Cela ne sera pas sans laisser des traces profondes, témoignant de la souffrance inévitable que nous causent l’effondrement et la dislocation du Système. C’est bien de cela dont il est question.