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3956• Articles du 16 mai 2021. • Aujourd’hui se développent aux USA des événements qui effectuent une transmutation de l’ex-American Dream en une extraordinaire situation que réalisent bien peu de responsables européens, confortablement installés dans leur proaméricanisme primaire et bien rétribué. • Une psychologue et productrice de documentaire, dont la famille juive a quitté l’Europe durant les années 1930, nous rappelle ce que fut l’ascension du nazisme et combien sont grandes les similitudes avec la situation en cours aux USA. • Bien étrange surprise du vieux Joe. • Contributions : dedefensa.org et Evelyn Markus.
Le texte ci-dessous ne nous apprendra pas grand’chose ; il ne le prétend d’ailleurs aucunement, d’abord parce que l’événement évoqué est archi-connu et que le but de l’auteure est d’évoquer cet événement archi-connu et d’interroger : est-ce que ce n’est pas en train d’arriver en Amérique ? Il nous semble intéressant de publier ce texte, justement parce qu’il ne nous apprend rien sur un événement archi-connu, mais qu’il pose une question qui n’a l’air de préoccuper qu’une extrême minorité de personne.
Nous comptons surtout, pour donner tout son écho à ce texte, sur la personnalité de Evlyn Markus, des circonstances de sa vie, de ses activités militantes qui l’apparentent très largement à ce qu’on nomme “libéralisme” aux USA, et qui équivaut beaucoup plus à notre progressisme. Markus est juive, d’origine hollandaise et dont la famille a fui ce pays à cause des événements allemands durant les années 1930 ; elle est réalisatrice, lesbienne et donc progressiste. Elle n’a pas grand’chose pour la rattacher à l’opposition conservatrice et populiste à Biden. Mais ce qu’elle dénonce, ce qu’elle envisage comme événement, est un phénomène qui, par définition autant que par l’importance qu’on lui a donnée, dépasse largement nos classements prudents en “droite” et “gauche”, en conservateurs et progressistes.
Son texte est, pour l’essentiel, une description de la montée des nazis vers le pouvoir à la fin des années 1920 et au début des années 1930. Les éléments qu’elle présente sont donc effectivement archi-connus. Pourtant, elle a une façon de montrer la rapidité du phénomène qui est particulièrement frappante, et assez frappante pour qu’on voit combien il pourrait correspondre, comme une sorte de “modèle”, à une évolution de la situation aux USA qui ne cesse effectivement de surprendre par sa rapidité. Ce paragraphe témoigne de ne ce que nous voulons exprimer comme la perception d’un climat si extraordinaire :
« En 1930, mon père avait quitté la Hollande pour l’Allemagne avec ses parents et ses frères, alors qu’il était encore un jeune garçon. Mon grand-père espérait y gagner un peu d’argent alors qu’on était dans la Grande Dépression. Il répéta souvent depuis que personne [dans ce pays] n’avait prévu ce qui allait se passer au cours des quinze années suivantes. Jusqu’en 1930, il n’y avait que quelques centaines de stormtroopers (SA) nazis, ou “chemises brunes”, dans les rues allemandes pour intimider les électeurs, les opposants et les Juifs. Beaucoup de ces stormtroopers étaient favorables au socialisme. Dans les années qui suivirent, leur nombre augmenta rapidement pour atteindre des milliers, voire des centaines de milliers. En 1933, lorsque Hitler prit le pouvoir, il y avait deux à trois millions de stormtroopers SA en Allemagne. “C’est allé incroyablement vite”, disait toujours mon grand-père. »
L’intérêt de ce texte, écrit par une juive dont la famille a fui l’Europe, et décrivant l’affirmation totalitaire des nazis principalement par leur action contre les juifs, se trouve dans ce que pourtant cette action contre les juifs n’en est pas le sujet central. Ce qui est le sujet central, c’est l’évolution extrêmement rapide, la dynamique de l’installation du totalitarisme. « “C’est allé incroyablement vite”, disait toujours mon grand-père », ce qui peut évidemment être dit des événements aujourd’hui aux USA, dans tous les cas sans aucun doute pour ce qui est de leur rapidité.
Ci-dessous, nous extrayons et reprenons pour les rendre en français les trois paragraphes d’introduction, qui constituent une sorte de synthèse de ce texte, mettant effectivement l’accent sur la dynamique, le rythme très élevé du processus de ce que nous nommons une “néantisation”, exprimant mieux à notre sens la forme intellectuelle de la démarche que leur “cancelled” :
« Les nazis étaient obsédés par la race. Ils supprimaient la dissidence, contrôlaient la diffusion des informations et la culture. En 1933, l'Union des étudiants allemands commença à brûler des livres dans le but d’aligner les arts et la culture allemands sur les idées nazies. Les livres d’auteurs tels que Hemingway, Helen Keller et Jack London étaient considérés comme dangereux et devaient être néantisés (“cancelled”). Les étudiants ne se voyaient absolument pas comme néantisant la culture ; ils se voyaient comme faisant avancer une culture juste.
» “La première chose que fait tout régime totalitaire, avec la confiscation et la mutilation de la réalité, c’est la confiscation de l'histoire et la confiscation de la culture. Je pense que toutes se produisent presque simultanément.” – selon Azar Nafisi, professeur et auteur iranien, dont le livre “Reading Lolita in Téhéran” a été néantisé (“cancelled”) en Iran.
» Ce qui était autrefois inimaginable se déroule maintenant en Amérique. Nous voyons certains aspects du totalitarisme aux Etats-Unis : l’obsession de la race, la déclaration de la culpabilité collective d’un groupe ethnique, la honte, les humiliations basées sur l’ethnicité, les pillages, les incendies criminels, la violence raciste, l’intimidation des opposants, la culture de la néantisation, la diffusion contrôlée des nouvelles et l’endoctrinement des enfants dans les écoles. Nous voyons des FakeNews, des théories du complot, une réécriture de l’histoire, une novlangue imposée et des actes illégaux exercés non poursuivis en toute impunité. Tout cela au nom d’une culture plus juste. »
Effectivement, ce qui caractérise le processus de totalitarisation, c’est certainement la “néantisation”, mot plus approprié du fait de son sens précis que le “cancelled” qui est d’abord un terme commercial et industriel (annulation d’une commande), – à moins, ce qui n’est pas si bête, que l’on considère les “cancellés” comme des productions industrielles fautives, à ramener d’urgence à l’usine pour emboutissage en ferrailles à vendre au poids. Quoi qu’il en soit, l’emploi du mot “néantisation” est d’autant plus pertinent qu’il est naturellement et logiquement utilisé par Sartre, lequel doit être placé impérativement dans la filiation des déconstructeurs ; il s’agit bien d’une sorte de décret de non-existence, sans passé ni présent, ni avenir bien entendu, parce que sans pertinence de quoi que ce soit après tout :
« La “néantisation” désigne, chez Sartre, l’opération par laquelle on élimine de son monde intentionnel et on irréalise certains secteurs, en les considérant comme s’ils n’étaient pas : on les traite comme [des] ne comptant pas. » – (Jacqueline Russ, France Farago, Les méthodes en philosophie, 3e éd., 2017, Armand Colin)
Cette précision sémantique est précieuse pour effectivement donner tout son sens au processus en route aux USA, qui correspond effectivement à la totalitarisation de l’Allemagne. Pour ce qui est de donner une issue, nous serions évidemment très prudent,
• ne serait-ce que du fait qu’il n’existe aujourd’hui aucun Hitler, – avec son magnétise oratoire exceptionnel et diabolique, – disponible aux USA ;
• ne serait-ce également que du fait, d’une façon générale pour enchaîner sur ce qui précède, que l’étrangeté du cas américain aussitôt définissable selon notre habitude comme américaniste, est l’absence de dirigeant d’envergure pour ce mouvement, et la direction confiée à une extraordinaire gérontocratie où l’archétypique “mâle blanc” toussotant continue à représenter une forte majorité.
Enfin, ce qui importe surtout, avec ce texte de Evelyn Markus qui devrait être perçu comme un instrument de pédagogie directe, c’est par contraste l’extraordinaire absence de réalisation de l’ampleur du phénomène wokeniste aux USA dans les élitesSystème qui dirigent nos tristes contrées, ici en Europe. Tout se passe comme si, à la “néantisation” poursuivie par les foules wokenistes de tout ce qui est structure aux USA, les élitesSystème européennes répondaient par une “néantisation” de cette situation en cours aux USA. Ce n’est d’ailleurs pas la première fois que l’on rencontre ce phénomène de “déconstructuration des déconstructeurs”, – puisque, évidemment, nos dirigeants des élitesSystème, comme tout le monde dans ce tourbillon-Système, sont eux aussi des déconstructeurs même s’ils ne savent pas expressément de quoi.
Par conséquent, l’on est nécessairement troublé qu’une dame comme Evelyn Markus, qui a produit en 2019 le documentaire « Never Again is Now », à propos de la résurgence de l’antisémitisme, par conséquent une dame honorablement perçue selon les critères de la modernité, détaille la dynamique totalitaire des nazis en ne renvoyant pas à un Trump, à une Le Pen ou à un Poutine, ni même à l’antisémitisme en phase de résurgence, mais à la marionnette Biden et toute la troupe américaniste qui l’escorte et qu’il dorlote. C’est dire s’il y a bien peu de chance que l’on se bouscule, dans les cabinets ministériels ou dans les rédactions parisiennes, pour lire et tenter de bien comprendre ce que l’auteur(e) a voulu nous signifier lorsqu’elle écrit : « L’Amérique joue avec le feu ».
Le sage quotidien suisse “Le Temps” titrait le 2 avril 2021 son éditorial « De “Sleepy Joe” à Biden le révolutionnaire », mais en renvoyant aussitôt le personnage aux « présidents transformationnels que furent Roosevelt et Johnson », – ce qui était bien vu (“révolutionnaire”) et bien raté (Roosevelt). Pour Markus, c’est bien au révolutionnaire catastrophique et diabolique que fut Hitler avec ses nazis qu’il convient de se référer pour définir cette séquence aux USA, avec Biden à la fonction suprême. Quelle étrange époque où les références et les symboles peuvent varier si complètement et si radicalement. Il n’est pas étonnant que l’on soit conduit à conclure tout cela en admettant évidemment qu’il est impossible de savoir où cette extraordinaire situation conduira ; et qu’il importe au moins de tenter de prendre conscience de ce qui s’y passe, comme parcelle d’une extraordinaire vérité-de-situation.
Voici donc le texte d'Evelyn Markus, psychologue, militante et productrice de films documentaires, sur le site de l’Institut Gatestone, ce 12 mai 2021.
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On May 8, 1945, men and women rushed to the streets of New York, London and Moscow to hug, kiss and dance. Germany had just surrendered. The war against Nazi Germany was over. The killing had stopped. A great evil had ended. Yet many had mixed feelings of joy and grief. More than 100,000 US soldiers had given their lives and almost another 450,000 had been wounded. In all, 15 to 20 million Europeans had been killed. May 8 is still celebrated in our times as Victory in Europe Day, or V-E Day.
In 1930, my father moved as a young boy from Holland to Germany with his parents and brothers. My grandfather hoped to earn some money there during the Great Depression. He said that nobody had foreseen what would develop in the next fifteen years. Until 1930, there were only a few hundred Nazi Stormtroopers (SA), or "Brownshirts," in German streets intimidating voters, opponents and Jews. Many of the stormtroopers wanted socialism. In the following years, their number escalated quickly to thousands, and even hundreds of thousands. In 1933, when Hitler took power, there were two-to-three million SA Stormtroopers in Germany. It went amazingly fast, my grandfather always said.
The Nazis were obsessed with race. They suppressed dissent, controlled the dissemination of news and controlled culture. In 1933, the German Student Union started to burn books in an effort to align German arts and culture with Nazi ideas. Books of authors such as Hemingway, Helen Keller and Jack London were considered dangerous and had to be canceled. The students did not see themselves as suppressing culture; they saw themselves as advancing a just culture.
The intimidations by the Brownshirts peaked on Kristallnacht ("The Night of Broken Glass"). It was a night of looting, arson and public humiliation -- solely on the basis of ethnicity. More than 90 Jews were murdered. Then the Blackshirts (SS entities) 'finished it off'. That night, they brought tens of thousands of Jews to concentration camps.
Nazi officials disguised the organized nature of the pogrom. They described the actions as spontaneous and justifiable responses of the German population to the assassination by a Jew of a German diplomatic official, Ernst vom Rath, in Paris.
The government confiscated all insurance payouts to Jews whose businesses and homes had been looted or destroyed during Kristallnacht and blamed the Jews for the destruction. Soon, more Jewish property was confiscated and Jews got canceled from employment in the public sector and from most professions.
In an interview with the United States Holocaust Memorial Museum, the Iranian professor and author Azar Nafisi, whose book Reading Lolita in Tehran was canceled in Iran, describes what took place:
"The first thing every totalitarian regime does, along with confiscation and mutilation of reality, is confiscation of history and confiscation of culture. I think they all happen almost simultaneously."
What used to be unimaginable is now taking place in America. We see certain aspects of Nazi-like totalitarianism in the United States. The obsession with race, declaring an ethnic group collectively guilty, shaming, humiliations based on ethnicity, lootings, arson, racist violence, intimidation of opponents, cancel culture, controlled dissemination of news, and indoctrination of children in schools. We see fake news, conspiracy theories, an overhaul of history, a new language imposed, and unprosecuted theft. All in the name of a more just culture.
On May 8, we remember that America had a leading role in liberating Europe from the totalitarian Nazi regime. But who will liberate America if it becomes totalitarian state? America is playing with fire.
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