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496La question principale est de savoir si « la Russie [est] en croisade contre le dollar », lorsque Poutine annonce qu’une bourse d’échange des produits énergétiques en roubles devrait être installée à Moscou. L’idée (la croisade) sert de titre à une analyse de cette décision par Nina Koulikova, de l’agence Novosti.
Koulikova analyse les raisons techniques qu’on peut dégager pour expliquer une telle évolution, voire une telle décision. Il y a des arguments pour et quelques arguments contre. Mais, certes, l’essentiel du problème est profondément politique. Dans la dernière partie de son analyse, Koulikova aborde cet aspect de la chose. A première vue, l’impression retirée est assez mitigée, toujours pour des raisons techniques. Mais il n’est pas pris en compte, dans cette analyse, le facteur psychologique éventuellement d’entraînement d’une telle décision, dans une situation économique générale extraordinairement tendue.
Voici des extraits de l’aspect politique de l’analyse : « Actuellement, la monnaie principale sur le marché pétrolier international est le dollar américain. Sa domination mondiale tient justement à ce que tous les contrats pétroliers sont conclus en dollars. Si la Russie adopte une autre monnaie, cela risque d'ébranler la domination du billet vert. Reste à savoir si elle a les moyens de le faire. Il est évident que la résistance des places commerciales traditionnelles sera farouche. Les pays producteurs du golfe Persique continuent de vendre leur pétrole en dollars malgré de nombreuses tentatives d'abandonner ce mécanisme. Rappelons qu'avant la guerre en Irak, Bagdad avait annoncé son intention de mettre en place sa propre bourse du pétrole. Puis l'Iran a entrepris de réaliser un projet analogue pour créer une bourse où les livraisons seraient réglées en euros. Tout le monde sait à quel point sont tendues les relations entre Washington et Téhéran. Pour ce qui est de l'Union européenne, qui est l'un des principaux consommateurs de matières premières russes, elle doit avoir intérêt à passer aux règlements en euros. Moscou devra donc employer toute son influence politique et énergétique pour faire accepter les règlements en roubles dans le commerce du pétrole.
» Apparemment, des tentatives en ce sens sont déjà en cours. Souvenons-nous des récentes déclarations que le ministre russe des Finances Alexeï Koudrine a faites à Washington au sujet de l'instabilité du dollar en tant que monnaie de réserve mondiale. “L'évolution des événements dans la finance mondiale ne permet pas depuis ces dernières années de considérer le dollar américain comme un actif de réserve absolument sûr. Cette monnaie s'est dépréciée de 40% par rapport à l'euro en quelques années”, a affirmé le ministre. Actuellement, la monnaie russe n'est pas beaucoup demandée à l'étranger. Mais si les bourses projetées se mettent à fonctionner, le rouble qui ne cesse de renforcer ses positions sur le marché intérieur sera, comme le pétrole russe, plus largement demandé dans le monde.
» D'autre part, la tentative de faire entrer la monnaie russe sur le marché mondial à la faveur des “réserves pétrolières” risque, en cas de succès, d'attribuer à la Russie pour toujours la réputation de pays fournisseur de pétrole. N'est-ce pas dangereux pour un pays dont la dépendance vis-à-vis de ses matières premières est déjà incontestable? Bien des choses dépendent déjà du secteur pétrolier russe. En rattachant la convertibilité de sa monnaie à ses réserves de pétrole la Russie n'avouera-t-elle pas qu'elle n'a pas d'autres outils d'influence dans le monde que les matières énergétiques?
» Enfin, le mécanisme de négociation en bourse en Russie n'est pas encore fin prêt. Pour ouvrir une place en Russie il faut modifier la législation correspondante, en premier lieu la loi sur les produits dérivés financiers. Les instructions données par le président doivent accélérer le processus de création des bourses. Cependant l'influence que cet événement aura sur le rôle de la Russie et du rouble dans le monde sera évidemment déterminée par la façon dont le projet sera réalisé. »
Mis en ligne le 24 mai 2006 à 09H00