Après Elle-Ukraine, le tigre changera-t-il de robe ?

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Après Elle, le tigre changera-t-il de robe ?

L’aventure de Elle avec sa couverture illustrée par l’actrice Michelle Williams portant une robe Louis Vuitton à rayures noir-orange (voir le 24 avril 2015) s’est conclue en Ukraine par le triomphe de ce qu’on pourrait nommer, désormais sans véritable ironie, “l’ordre nouveau”. Le journal russe Rossiïskaïa Gazeta relayé par Sputnik-français ce 27 avril 2015 (voir ci-dessous) rapporte que la rédaction de Elle-Ukraine a cédé sous la pression, – c’est-à-dire les menaces physiques, – des groupes néo-nazis, principalement des éléments du bataillon Azov dont un porte-parole a officiellement estimé que 20% des effectifs s’affichaient ouvertement comme “nazis”. Un nouveau tirage de l’édition de Elle-Ukraine pour le mois de mai remplace l’objet du délit, avec Michelle Williams portant une robe blanche avec quelques traces de noir, l’actrice ayant une posture inhabituelle, “avec un visage attristé, assise, le dos courbé”, – ce qui est sans doute une façon symbolique de protester subtilement contre les pressions qui ont forcé à ce changement. Le compte-rendu qui est donné de l’épisode se termine sur une note ironique qui entend résumer l’absurdité de cette situation où les couleurs d’une robe illustrant un magazine de mode deviennent une mini-crise politique-éclair, par la question de savoir si les tigres du zoo de Kiev, dont le pelage présente effectivement une robe lignée noir-orange, seront encore autorisés en Ukraine.

L’article indique que l’épisode a marqué une nouvelle affirmation officielle de la part des groupes d’extrême-droite :

«Les combattants de cette unité [Azov] [...] disent qu'il faut agir à Kiev de la même manière que dans le Donbass: en imposant par la force l’accomplissement de leurs exigences.»

La “victoire” obtenue avec Elle montre que cette affirmation a une réelle efficacité, cela venant après l’assassinat du journaliste Oles Bouzina, marqué par un silence respectueux de toute la presse-Système du bloc BAO. (Voir l’article d’Alexander Mercouris, le 20 avril 2015, sur Russia Insider, à propos de “l’extraordinaire double standard” de la presse-Système pour les affaires de criminalité politique en Russie, – l’assassinat de Nemtsov salué par un tintamarre furieux d’indignation et d’anathèmes antipoutiniens, – et en Ukraine, – la dizaine d’hommes politiques de l’opposition légale liquidés en deux mois, avec quelques journalistes dont Bouzina, tout cela dans le silence respectueux déjà cité.)

Finalement, cette affaire de la couverture de Elle, à côté de son aspect grotesque, a mis en évidence avec le chapitre décrit ici la puissance des groupes néo-nazis en Ukraine-Kiev (principalement Pravy Sektor au-delà du bataillon Azov et des autres unités du même type). Il commence à apparaître que ces groupes, sous la direction de Pravy Sektor et de son chef Iaroch, ont une stratégie élaborée et qui se révèle efficace. Du statut d’“idiots utiles” (ou d’“extrémistes utiles”) qu’ils avaient à l’origine en jouant le rôle d’exécuteurs des hautes œuvres, ils sont passés à une position de domination du pays au niveau sécuritaire, – c’est-à-dire “insécuritaire“, par le climat de terreur qu’ils font régner. Et il s’agit effectivement de l’Ukraine-Kiev et plus seulement du Donbass.

Contrairement à ce qu’on pouvait envisager, Pravy Sektor ne semble pas devoir essayer de prendre le pouvoir, ce qui serait une aventure très risquée qui pourrait lui aliéner le soutien du bloc BAO. Il s’est imposé par une véritable puissance terroriste et militaire, il est soutenu financièrement par tel ou tel oligarque (Kolomoïski) qui a autant besoin des bataillons qu’ils financent que eux ont besoin de son argent puisqu’il est en position de faiblesse vis-à-vis de Porochenko. Quant à Porochenko, justement, il n’a aucune capacité militaire ou policière pour forcer les bataillons néo-nazis à se mettre sous le commandement de l’armée, comme il était prévu dans le pseudo-accord passé avec Kolomoïski puis avec Iaroch. Les néo-nazis reçoivent également des soutiens des diverses agences US, type-CIA, qui donnent de l’argent à tout le monde sans vraiment contrôler personne (surtout pas les groupes néo-nazis). Les divers organes de sécurité de Kiev sont soit pénétrés par les néo-nazis, soit corrompus et inefficaces. Ainsi les néo-nazis et Iaroch établissent-ils un tissu terroriste et dictatorial derrière l’apparence “démocratique” de la clique Porochenko-Iatseniouk. D’une certaine façon il s’aliène la population à cause de la terreur qu’ils font régner, mais jusqu’à un certain point ; l’alternative étant le pouvoir officiel, corrompu et impuissant, et la situation catastrophique du pays, il n’est nullement impossible qu’une partie de cette population finisse par devenir une base populaire pour les néo-nazis... Dans ces conditions, pourquoi prendre un pouvoir qui n’existe plus, alors que ces groupes sont sur la voie de constituer le vrai pouvoir d’une Ukraine en processus accéléré de déstructuration-dissolution ? Pour la suite, on verra, tandis que le bloc BAO, une fois de plus directement responsable de cette situation, continue à glorifier la démocratie....

L’Ukraine prend de plus en plus la “forme informe” du désordre, et l’“ordre nouveau” serait plutôt “désordre nouveau” selon la formule désormais bien connue et rôdée. Pravy Sektor & Cie pourraient devenir une sorte d’ISIS à la sauce européenne, manipulant tous ses pseudo-manipulateurs, entretenant le désordre interne à son avantage et faisant pression pour une menace continuelle de reprise des hostilités dans le Donbass. Même si son attitude n’est pas glorieuse, on comprend que Elle-Ukraine ait cédé, alors qu’il est manifeste qu’aucune force n’est capable d’assurer de façon efficace sa sécurité. Peut-être même Elle-Ukraine ferait-il sa couverture de juin, avec à nouveau Michelle Williams mais cette fois portant une robe rayée bleu-jaune.

dedefensa.org

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Elle et les exigences des néo-nazis ukrainiens

La rédaction ukrainienne du magazine Elle a accompli une démarche sans précédent pour le journalisme français, écrit lundi le quotidien Rossiïskaïa Gazeta. Sous la pression des néonazis de Kiev, le numéro de mai a changé sa “une” avec l'actrice américaine Michelle Williams.

Les néonazis n'ont pas apprécié sa robe noir-orange, tirée de la collection printemps-été de la maison de couture Louis Vuitton. Cette tenue rappelait en effet le ruban de Saint-Georges — symbole de la victoire de l'URSS dans la Seconde Guerre mondiale. Après l'affichage de publicités du numéro d’Elle à paraître dans les rues de Kiev, la rédaction du magazine a commencé à recevoir des menaces des néonazis, exigeant de changer la photo. La rédaction n'avait pas l'intention de répondre à ces revendications mais après l'assassinat du journaliste Oles Bouzina, les nerfs des éditeurs ont lâché et ils se sont pliés à la volonté des néonazis. Désormais, on peut voir en une du numéro de mai cette même actrice, Michelle Williams, qui porte une tenue noir-et-blanc avec un visage attristé, assise, le dos courbé.

Les néonazis ukrainiens, particulièrement proches du régiment de la garde nationale Azov, se vantent activement de cette “victoire” sur les journalistes et les couturiers français. Les combattants de cette unité, dont 20% professent le néonazisme, comme l'a reconnu le porte-parole d'Azov, disent qu'il faut agir à Kiev de la même manière que dans le Donbass: en imposant par la force l'accomplissement de leurs exigences.

Mais pourquoi les journalistes français, devenus les symboles de l'attachement aux principes déontologiques après l'attentat contre Charlie Hebdo en janvier dernier, se sont-ils pliés à la volonté des néonazis ukrainiens? Pourquoi la presse française a pris la défense de Charlie Hebdo dans la lutte contre le terrorisme mais marche sous la houlette des néonazis ukrainiens? Elle collabore activement avec Louis Vuitton depuis longtemps. La robe noir-orange portée par Michelle Williams en une d’Elle fait partie de la collection de cette maison de couture. D’ailleurs, ce n’est pas l’unique tenue dans la gamme des couleurs “Saint-Georges”. On y trouve également une jupe de cette couleur récemment présentée au cours d'un défilé.

Aujourd'hui, le personnel du zoo de Kiev craint pour la vie des tigres. Les néonazis d’Azov pourraient ne pas non plus apprécier leur couleur naturelle “Saint-Georges” et exiger de les dépouiller. Il ne reste qu’à espérer que les tigres seront plus courageux que les journalistes français et refuseront de marcher sous la houlette des néonazis.

Rossiïskaïa Gazeta/Sputnik-français