Armageddon Chic

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L’idée générale pour caractériser notre temps est que, dans notre temps, toutes les forces du système de la communication semblent converger pour accréditer, nolens volens, sérieusement ou non, cette idée de l’apocalypse, ou bien d’Armageddon, ultime bataille entre le Bien et le Mal. La “tendance” “Armageddon Chic” (sorte de “mode Armageddon”) semble résister à toutes les tempêtes et à toutes les prévisions (prédictions) non rencontrées. L’expression “Armageddon Chic” est largement utilisée par Dirty Magazine, notamment pour présenter un masque à gaz type Apocalypse et signé Louis Vuitton.

Sur Antiwar.com ce 20 avril 2011, Kelley B. Vlahos présente un texte sur ce thème, pour caractériser une époque qui se caractérise par le goût très prononcé et irrépressible pour l’Apocalypse et la fin des Temps.

«On Thursday, May 21 the world as we know will come to an end. There will be a massive earthquake, and millions of us who have been deemed “saved” will rise up through the clouds and the ozone and straight to heaven. The rest of us, those “left behind,” will bleed it out and die in torment. Then, on Oct. 21 the entire universe will be destroyed by fire.

»So goes the prophecy of one Harold Camping, who has caused a sensation from coast to coast with his springtime end-times predictions. A long-time Christian radio broadcaster, Camping, 89, reportedly made a similar prediction for 1994. When the world did not end (the 1994 government shutdown doesn’t count), Camping crunched the biblical numbers again and got this date for the so-called rapture, which scholars, prophets and all manner of snake oil salesmen and Holy Rollers have been trying to nail down forever.

»If May 21 comes and goes and the only thing torn asunder is the nation’s credit rating then all references to the “Great Disappointment” will turn from President Obama to Harold Camping, at least in some circles, and then only for a solitary turn in the 24-hour news cycle, if that. This isn’t 1844, and frankly, since September 11, 2001, everyday for Americans has been one more in preparation for Armageddon, so one misfired apocalypse will hardly register anywhere but in the persistently hyperbolic blogosphere…»

Cette mention de 1844 (22 octobre) et du “Grand Désappointement” indique aux USA une date annoncée comme celle du retour du Messie par le prêcheur baptiste William Miller, et à laquelle le Messie fit faux bond, – d’où le désappointement en question. Aujourd’hui, peu importe, indique Vlahos, toutes ces dates annonçant Apocalypse, Armageddon & Cie, qui ne donnent rien, qui allongent la liste des désappointements ; peu importe, car rien ne semble devoir nous décourager d’attendre cet évènement cataclysmique… Vlahos remarque justement, comme nous le signalions plus haut, que toutes les forces existantes de promotion du système de la communication, vont dans le même sens, qu’elles soient politiques, commerciales et publicitaires, ésotériques, “complotistes”... Le gouvernement américaniste mène, depuis 9/11, une politique d’apocalypse ; le Système, dans sa composante capitaliste, en fait ses choux gras, aussi bien dans ses productions hollywoodiennes dites block busters que, après tout, dans les masques à gaz Vuitton pour l’Apocalypse ; les opposants au gouvernement américaniste et au Système, annoncent eux aussi un tel événement, conséquence de l’ignominie du Système et seul moyen véritable pour anéantir ce Système ; ceux qui veulent être moins hyperboliques et symboliques, et en rester plutôt aux faits, sont également conduits à des prévisions de la même sorte… Le système du technologisme lui-même, par la formidable puissance qu’il a emmagasinée, et la diffusion de cette puissance dans tous les domaines, entretient, volontairement ou pas, cette perception en suggérant que tout événement inattendu prendrait des dimension apocalyptiques à cause de cette puissance.

Signe des temps ? Nous dirions plutôt : marque du Système, comme l’on dit d’une marque de fabrique et d’une marque déposée. Le Système du déchaînement de la matière et de l’“idéal de puissance” ne peut se percevoir, dans son accomplissement final, qu’il s’agisse d’un accomplissement de transmutation ou d’un accomplissement auto suicidaire, que dans un “Big Bang” dont la représentation la plus évidente se trouve réalisée, selon les normes du même Système, dans l’entreprise hyper capitaliste finale Apocalypse, Armageddon & Cie. Tout cela vous est expliqué de façons diverses, comme l’on explique diversement le fait que, depuis le 11 mars 2011 (tremblement de terre + tsunami + catastrophe nucléaire du Fukushima), les ventes d’abris souterrains antinucléaires, ou dirait-on d’“abris anti-Apocalypse”, ont augmenté de 1.000%, – aux USA, bien sûr, où l’on est passé directement, semble-t-il, de l’American Dream à l’American Apocalypse

«“Tens of millions of people believe in a literal apocalypse, which involves earthquakes, storms, disasters of global proportions and especially disasters related to the Middle East,” said Stephen O’Leary, associate professor at the University of California, in a recent interview for CNN. He was trying to explain why sales of underground bomb shelters are up some 1,000 percent since revolution rocked the Middle East and the recent earthquakes and tsunami in Japan. But, [O’Leary] added, “Some believe that this is just a turbulent time and they have to go somewhere to ride it out.”

»Elan Yadan, a clothing store owner in Los Angeles, is one of the many customers who rushed to find a bunker last week. Yadan secured a spot for his family in a Vivos’ shelter, putting down four deposits totaling $20,000—$20,000 that had been earmarked for a down payment on a new house. “I honestly didn’t want to do it, but unfortunately it looks like the worst expectations about the world are starting to come true,” said Yadan, who had been reading about Mayan predictions of a global meltdown in 2012. “With the things happening this week, it’s better to be safe than sorry. And what good is a house if you don’t feel safe?”»

La psychologie est considérablement envahie par cette conception, ou bien dirait-on “infectée”, ou encore “fort heureusement marquée” c’est selon. Nous sommes entre la narrative grotesque, l’entraînement du système de la communication, le complot en sens divers, la marche inéluctable d’événements extraordinaires qui fait croire qu’effectivement sapiens a égaré la boussole du contrôle de l’univers par sa toute puissante raison. Il y a à boire et à manger, à rire et à pleurer, dans ces diverses considérations, il n’y a surtout rien de fixé ni rien d’assuré et la psychologie finit par s’accoutumer à cet état des choses, et à susciter la perception d’une certaine fatalité dans l’entraînement des événements, et à ne plus craindre l’inéluctable effondrement d’une civilisation, d’un Système, d’un monde, que sais-je encore... En un mot, l’on s’y fait, et l’on comprend aussi bien que l’on s’y fasse.

«“In part the world is on edge because the world is on edge: global warming, declining living standards, actual threats, etc. But fear has always been a powerful motivator in American politics,” offers writer Conn Hallinan in an email to Antiwar.com. “You know, Camping might have a point. I mean not that the world is going to end May 21—the baseball owners would never allow it—but if people are feeling like a Christian Scientist with appendicitis, one can hardly blame them.”

»Activist blogger and lawyer Ken Krayeske suggests that people are more than ever succumbing to the apocalyptic zeitgeist, even embracing it. “The past ten years have really worn us down—there is no doubt about it,” he said. “I think it’s become easier to live in a state of fear than a state of confidence. Breaking fear takes courage and that courage is no longer easy to come by.”»

Ainsi sapiens est-il devenu spectateur de son propre destin. Il ne peut l’imaginer autrement qu’apocalyptique, ce destin, parce qu’il va de soi que c’est le cas… Comme dit l’écrivain Conn Hallinan, on peut difficilement le blâmer de telles pensées.

Cela écrit, sans trop de coquilles espérons-nous, il nous reste donc à nous caler confortablement dans nos fauteuils, devant notre “petit écran” qui ne cesse de grandir, et à observer la suite des événements.


Mis en ligne le 20 avril 2011 à 12H00

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