Assange-Wikileaks, sexe & Pentagone

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Rapide passe d’armes durant le week-end. Vendredi soir, Julian Assange, l’homme de Wikileaks, inculpé de viol et de “molestation sexuelle” (“suxual molestation”) par la justice suédoise. Grande publicité autour de la chose, on comprend pourquoi. Dans la journée de samedi, l’inculpation pour viol est abandonnée par le parquet, l’autre subsistant mais sans une considérable conviction. Wikileaks et Assange avaient entretemps riposté en dénonçant un “dirty trick” (sale coup) du Pentagone ou de l’un ou l’autre service US.

Une des deux plaignantes à la base de l’inculpation s’explique : pour elle, il n’y a pas eu violence mais simplement une conduite maladroite d’un homme qui ne sait pas faire la différence entre un “non” qui signifie “pourquoi pas” sinon “et comment”, et un “non” qui signifie “pas question”. («The responsibility for what happened to me and the other girl lies with a man who has a skewed perception of women and who has problems taking no for an answer.») Nous sommes entre vaudeville postmoderniste et socio-psychologie sexuelle à deux balles, type-post-68. A noter que la plaignante, qui reste anonyme, rejette absolument toute machination, notamment d’origine US, dans cette affaire.

L’extrait cité vient d’un article de The Independent du 23 août 2010, qui reprend bien l’affaire. Le mélange de dérision pour ce qu’est cette affaire selon ce qu’on en sait, et de l’importance du sort de l’homme de Wikileaks mérite un commentaire.

Notre commentaire

@PAYANT Il n’est certainement pas question pour nous de nous étendre sur l’affaire, sur la psychologie de Julian Assange dans ses relations avec les femmes, sur le poids de la célébrité soudaine d’un homme dans l’appréciation et le comportement qu’ont les jeunes femmes et les femmes à son égard à partir du moment où cette célébrité éclate partout… Intéressant, tout ça, mais un peu court. Intéressant également, mais un peu plus long, le sort du fondateur de Wikileaks et la haine et la vindicte solides que le système entretient désormais contre lui. Au plus il accumule les sottises et les erreurs, le système-monstre, – pentagonesque ou le reste,– au moins il supporte les interférences venues de l’usage de la liberté de parole, de la liberté d’information et de l’usage de cette organisation incontrôlable qu’est Internet. Depuis le Vietnam (The Pentagon Papers de Ellsberg et le reste), ces gens qui servent le système comme des robots sont des paranoïaques absolus lorsqu’il s’agit de l’action critique d’organisations ou d’individus hors de leur contrôle. Variation sur le même thème : au plus leurs échecs s’accumulent, au plus la parano augmente, au plus les responsables extérieurs désignés développent leur action, au plus leur persécution augmente. Assange n’a qu’à bien se tenir.

Pour autant, l’affaire de ce week-end est-elle un “sale coup” du Pentagone ? (Avec les hypothèse variables, comme manipulation des deux plaignantes, pression sur la justice suédoise, etc.) Tout est possible et il n’y a pas de réponse assurée. Même la stupidité et la maladresse du montage, avec les plaignantes se rétractant en partie et l’inculpation principale et infamante tombant, ne sont nullement une certitude que le Pentagone et sa main lourde ne sont pas de la partie. “La stupidité et la maladresse” seraient même un argument en faveur de cette thèse, tant cela caractérise bien le Pentagone, la CIA et le reste. Pour autant, la thèse inverse doit être très sérieusement considérée, et alors ce qui devient la paranoïa inévitable et compréhensible de Wikileaks-Assange, pur produit réactif de la paranoïa du Pentagone et de ses pratiques illégales et vicieuses, est largement en cause. Il est assuré que Wikileaks-Assange voient désormais des complots contre eux partout, et même s’ils ne sont justifiés que dans 5% ou même 1% des cas, leur attitude est absolument explicable, voire objectivement justifiée ; leur problème sera de s’arranger pour débrouiller entre paranoïa et réalité, pour ne pas commettre de fautes de calcul. Nous espérons qu’ils sauront faire car, objectivement considérée là aussi, et contre toutes les salades patriotiques et légalistes honteusement mises sur le marché par Washington comme autant de produits manufacturés en série, Wikileaks-Assange font du bon boulot. Et nous n’hésitons pas à affirmer cela comme une “vérité objective” parce que tout ce qui affaiblit le système-monstre et accentue sa paranoïa est objectivement un acte de vertu civique qu’on pourrait également qualifier de “globalisé” (type “citoyen du monde” effectuant son devoir civique). Avec ce système qui représente objectivement (nous insistons sur le mot) le mal intrinsèque qui menace l’espèce, ni honneur, ni patriotisme, ni légalité n’ont cours et ne peuvent être avancés comme argument contre quelque activité que ce soit. Seule la logique, la morale et la tactique du “delanda est…” ont cours.

Maintenant, sur le fond de cette affaire… La responsabilité du Pentagone ? Si non è vero, è ben trovato, et désormais le soupçon existe, et c’est une bonne chose. Que le Pentagone ou une CIA quelconque n’ait pas trempé dans cette affaire est bien possible, et nous aurions même jusqu’à dire “probable”. Peu importe la vérité à ce propos, puisque la vérité et son respect, comme l’honneur, la patriotisme, etc., ne sont pas des valeurs à prendre en compte à son propos (du système-monstre). Si un nombre important de jugements sautent à la conclusion de l’implication du monstre dans cette affaire, tant mieux, – et plus il y en aura, mieux ce sera. A cet égard, la “vérité” se construit comme on retrouve un joyau enterré sous des tombereaux de boue, et même si elle ne correspond pas aux faits manipulables à merci, du moment qu’elle conduit à mettre en cause le système-monstre, – de ce moment, elle est objectivement une vérité. Puisque nous sommes dans l’époque de la complète relativité de l’information, il faut tout faire pour que l’information aille dans ce sens, car la seule vérité qui importe et qui existe sans aucun doute c’est la mise en évidence implacable et sans aucune nuance de l’aspect maléfique du système-monstre.

Wikileaks-Assange ont d’abord réagi en dénonçant ce “sale coup” hypothétique et en disant que le but était de salir Assange pour le discréditer, et que cela était fait dès lors que l’inculpation avait été annoncée, même si elle fut ensuite retirée. L’argument est que la première information, – l’inculpation, – ayant bénéficié d’une grande publicité, c’est cela qui resterait dans l’esprit des gens. Nous ne sommes pas d’accord. L’affaire fait désormais autant de bruit, sinon plus, dans sa dissolution, avec retrait de la plainte, et l’attention est définitivement orientée vers l’interprétation hypothétique d’un montage contre Assange. Plus que jamais, la perception est que le système-monstre essaie d’avoir la peau de Wikileaks-Assange, éventuellement par tous les moyens, ce qui renforce le crédit deWikileaks-Assange et de leurs “fuites”, autant que de la justification “morale” de ces actions, et tout cela rend leur élimination beaucoup plus difficile. De plus en plus de monde comprennent désormais (sont désormais persuadés) que le système-monstre a encaissé durement avec les fuites de Wikileaks, donc que ces fuites représentent l’expression d’une vérité, – non, plus encore, de la vérité pure et simple, qui est la perversion du système-monstre. C’est là l’essentiel dans la bataille de la communication.


Mis en ligne le 23 août 2010 à 06H04