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114227 janvier 2005 — Sans doute le titre de l’article du 26 janvier de Paul Craig Roberts résume-t-il le sens du sentiment qui s’est peu à peu répandu depuis le discours du 20 janvier (Inauguration Day) de GW Bush : « Wake Up! Bush Is Serious. »
Sans ce discours, le départ annoncé (cet été) de Douglas Feith, n°3 du Pentagone et “neocon” notoire, aurait été considéré comme une nouvelle importante, pouvant signifier un changement d’orientation de l’administration. C'est d'ailleurs ce qui sera affirmé par certains: les commentateurs, surtout en Europe sans aucun doute, sont prompts à tirer cette sorte de conclusion d'une modération de la politique US au moindre signe qui pourrait être interprété dans ce sens. Le discours de GW Bush et l’effet grandissant qu’on en constate chaque jour réduisent décisivement la signification de la nouvelle. D’autre part, l’emprise grandissante prise par Rumsfeld, son rôle central dans l’organisation d’une structure globale de renseignement et d’action subversive, constituent un autre élément qui achève de minimiser l’importance du départ de Feith. (L'importance prise par Rumsfeld peut aussi donner une cause politicienne au départ de Feith. Il y a en ce moment un affrontement entre Rumsfeld et les néo-conservateurs. Il s'agit d'une bataille politicienne et tactique: on voit bien que cela ne fait pas de Rumsfeld un modéré, bien au contraire.)
Les milieux européens ont tendance évidemment à minimiser l’importance du discours de GW Bush, dans la mesure où ce discours affirme effectivement une radicalisation extrême qui effraie tout le monde et trouble gravement la pureté originelle du catéchisme transatlantique. Pour eux, selon une source proche de la Commission européenne, « ce qui compte, c’est le discours sur l’état de l’Union, c’est lui qui indiquera quelle politique vont suivre les Etats-Unis en 2005. » Cette réaction est typique du refus de ces milieux de toute indication fondamentale venue des Etats-Unis, qui pourrait contredire leur analyse “réaliste” (en fait : analyse optimiste dans le sens d’utopiste), indiquant que le deuxième terme Bush doit être notablement plus modéré, voire multilatéraliste. Ils préfèrent s’en tenir à l’aspect tactique (c’est ce que sera le discours sur l’état de l’Union), de préférence à l’aspect stratégique (le discours d’inauguration, par sa substance dans le cas présent, indique les grandes lignes “philosophiques” de l’action de l’administration GW).
(Encore ne sait-on pas l’orientation que donnera ce discours de l’état de l’Union. Effectivement, il existe une possibilité qu’il soit “tactiquement” en retrait par rapport au discours d’inauguration, par exemple à la façon que diverses indications officieuses US ont tendu à minimiser la portée du discours du 20 janvier une fois que son effet important ait été constaté. Ce n’est qu’une possibilité et il y en a une autre: que GW Bush poursuive ses affirmations générales de redresseur de torts universel et de philosophe du Bien contre le Mal.)
Deux textes de commentaire donnent un exemple significatif des suites du discours d’inauguration, surtout de cet effet étrange, déjà signalé et qui se poursuit, de réactions d’abord faibles et parfois indifférentes, qui se sont peu à peu renforcées puis amplifiées au fil des jours. Outre le texte de Paul Craig Roberts déjà signalé, qui témoigne bien de cette réalisation progressive de l’importance du discours, il y a un texte de Patrick J. Buchanan, détaillant et dénonçant le programme de GW Bush.
Buchanan emploie ces termes pour définir le discours: « This is a formula for endless collisions between this nation and every autocratic regime on earth and must inevitably lead to endless wars. And wars are the death of republics. » Buchanan est intéressant parce que, bien qu’il soit considéré en Europe comme un marginal, isolationniste, et donc tenu comme commentateur de peu d’importance, il dit au contraire des choses extrêmement significatives en raison de sa position justement; marginal d’un point de vue politique certes, mais, par sa position politique, ses contacts autant que par son activité de journaliste, bien informé des tendances politiques à Washington; enfin, marginal certes mais n’ayant jamais rompu tout à fait avec le parti républicain, ni même ave GW Bush (il le considérait comme “prisonnier” des néo-conservateurs) pour lequel il a voté en novembre dernier. Ses deux dernières chroniques, celle du 19 janvier où il anticipait le discours selon les indications qui circulaient et celle qui est citée ici, représentent un acte de rupture affiché selon l’analyse qu’effectivement, comme dit Roberts, “Bush is serious”.
En fait, il faudrait envisager de considérer que ce discours d’inauguration a l’importance d’une “entrée en fonction” d’un second GW, et même de l’intronisation du véritable GW: un GW Bush sûr de lui, parfaitement assuré que tout le monde virtualiste dont il a sollicité la constitution (“good news only”) et qu’on s’est effectivement empressé de constituer autour de lui a été en quelque sorte “légitimé” par son élection du 2 novembre dernier. C’est ainsi que GW Bush interprète sa réélection, ce qui signifie que son deuxième mandat sera celui du maximalisme de toutes les façons possibles, un maximalisme fondamental, qui dépasse la guerre en Irak et même la guerre contre la terreur. (C’est une des deux raisons, — l’autre étant l’intention d’écarter l’évocation d’événements aux résultats douteux, — de l’absence de mention dans le discours de ces deux événements. On s’est attaché cette fois au fondamental.)
Cela signifie encore que GW vole de ses propres ailes, qu’il n’est plus “le jouet des néo-conservateurs” (s’il l’a jamais été, ce dont nous doutons sans aucun doute: il existe une véritable personnalité de GW, médiocre soudain “touché par la grâce” et qui s’imagine, depuis le 11 septembre 2001, qu’il a un immense destin historique; celui-là n’a pas besoin des neocons pour être et faire ce qu’il est et ce qu’il fait). Aujourd’hui, GW a atteint sa maturité. C’est lui qui dirige la boutique.