Au fait, il n’y a pas eu d’attaque le 11 septembre

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Au fait, il n’y a pas eu d’attaque le 11 septembre


18 septembre 2005 — Il est vrai que l’anniversaire du 11 septembre est passé sans attaque terroriste, et même, c’est significatif, sans alerte publique et médiatiquement promotionnée d’une possible attaque terroriste. Katrina est passé par là, en écartant tous les artifices qui, depuis le 11 septembre 2001, maintenaient d’une manière forcenée l’Amérique tournée vers les problèmes extérieurs. La première victime de cette circonstance, ou plutôt la première victime que nous signale cette circonstance, c’est GW Bush lui-même.

On emprunte ici une citation à Sidney Blumenthal (The Guardian du 16 septembre) parce qu’elle va comme un gant à la situation qu’on veut décrire: « So long as Bush could wrap himself in 9/11 his image was shielded. But once another event of magnitude thundered over his central claim as national defender, the Bush myth crumbled. Now his evocation of 9/11 only reminds the public of his failed promise. The hurricane has tossed and turned the country but will not deposit it on firm ground for at least the three and a half years remaining of the ruined Bush presidency. »

Le texte de Blumenthal est court. L’auteur a dû l’écrire, pressé par le temps. Pour autant, il y a jeté quelques idées essentielles : la brièveté nécessitait la profondeur. Retenons ce passage qui contient deux idées (soulignées en gras par nous) qui retiennent particulièrement notre attention :

« It was easier for Bush to renounce alcohol at 40 than ideology at 60. Bush had radicalised Reagan's conservatism, but never has Reagan's credo rung so hollow: “Government is not the solution to our problem.” Social Darwinism cannot protect the homeland. Many thousands, mostly poor black people, were trapped in the convention centre without food and water for days. Poverty has increased more than 9% since Bush assumed office. The disparity between the superpower's evangelical mission to democratise the world and indifference at home is a foreign policy crisis of new dimension. Can Iraq be saved if Louisiana is lost? Bush's credibility gap is a geopolitical problem without a geopolitical solution. Assuming a new mission, the secretary of state, Condoleezza Rice, wears her racial identity to witness for Bush's purity of heart. »


Les deux idées auxquelles nous faisons allusion sont les suivantes :

• Le constat d’un rapport inégal et déséquilibré entre un problème extérieur et un problème intérieur : « The disparity between the superpower's evangelical mission to democratise the world and indifference at home is a foreign policy crisis of new dimension. »

• Le constat du problème du président, personnage évidemment “intérieur”, perçu comme un problème “extérieur” : « Bush's credibility gap is a geopolitical problem without a geopolitical solution. »

Dans les deux cas, Blumenthal met en évidence le mouvement surprenant par sa force qui a touché la politique américaine et l’administration GW avec le comportement de GW lui-même. Le mouvement de repli est général, hors du contrôle des dirigeants, par la seule évidence de la “force des choses” et l’accueil favorable que lui fait le public. Celui-ci, pour son compte, a établi le lien qui importe en liant l’Irak à Katrina, aux dépens de la guerre en Irak bien entendu. (Un nouveau sondage dévastateur montre l’opposition bientôt insoutenable si elle grandit encore du public à la guerre en Irak. L’opposition s’exprime par le biais des dépenses budgétaires et apparaît comme largement relancée et reforcée par Katrina : « Ninety percent of those surveyed, including a majority of Republicans, disapprove of Washington cutting spending on domestic programs to pay for the war, almost 80 percent would not be willing to pay more in taxes and 55 percent disapprove of eliminating recent tax cuts to raise revenue. »)

Les deux jugements de Blumenthal illustrent bien ce problème en se posant touts les deux comme paradoxaux: la concurrence entre la politique de démocratisation du reste du monde et l’indifférence à la situation intérieure est décrite comme « a foreign policy crisis of new dimension » (et non comme “une crise intérieure…”); le problème de la personne de GW, qui se montre incapable de se hausser à la mesure de la crise née de Katrina, est « a geopolitical problem without a geopolitical solution. » (en général, un “problème géopolitique” est un problème de politique extérieure). Les deux appréciations nous montrent qu’il y a le diagnostic d’un mouvement puissant qui tend à prendre GW à son propre piège, plutôt qu’au piège de l’un ou l’autre aspect de sa politique. Le mouvement s’attache moins à la substance des problèmes qu’à la substance de la méthode. Il réclame qu’on juge de tous les problèmes (y compris extérieurs) d’un point de vue intérieur, au lieu de juger de tous les problèmes (y compris intérieurs) d’un point de vue extérieur.

Il s’agit d’un pur mouvement isolationniste, c’est-à-dire un mouvement isolationniste dans son essence puisqu’il recommande de ramener les jugements des choses et des gens à leur dimension intérieure en priorité. Nous répétons qu’à notre sens, il ne pourra contraindre l’administration de changer sa méthode car, ce faisant, celle-ci sacrifie sa raison d’être, — et avec elle, volens nolens, tout l’establishment est dans la même position. S’il se poursuit, par contre, ce mouvement va rendre quasiment intenable la situation de l’administration et, au-delà, de l’establishment lui-même. C’est pour le compte qu’il y aura un énorme problème de légitimité, celle du système lui-même.