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7010• Si le basculement qui s’opère dans le Donbass au profit des Russes se confirme, quelle va être l’attitude (sans parler de “politique”) de Washington ? • Des armements permettant des attaques contre la Russie vont-ils être livrés, et dans ce cas quelle serait l’attitude russe ? • Au plus les “événements” progressent, au plus s’accumulent des questions extraordinairement dangereuses. • Examen de deux hypothèses, mais il nous faut surtout percevoir intuitivement et éventuellement comprendre la mécanique de ces événements insaisissables qui écrasent notre psychologie.
Dans ces jours peu ordinaires où la situation semble complètement basculer dans le Donbass, – dans tous les cas, pour ceux qui ont commenté religieusement l’effondrement de l’armée russe depuis trois mois, – s’ouvre un champ nouveau aux hypothèses. La question centrale devient : “Que vont faire les Etats-Unis devant cette situation nouvelle d’un possible/probable effondrement des forces armées ukrainiennes dans le Donbass ?”
Question délicate alors que se structurent rumeurs et commentaires concernant un affrontement interne entre la clique Zelenski et la possible/probable opposition du commandant en chef des forces armées ukrainiennes, le général Valery Zaluzhni. Voici quelques indices qui valent bien les analyses sautillantes et les sourires rafraîchissants du duo des Marxon’s Brothers Bauer-Apathie, mesurant à deux la fameuse réplique (« Si la connerie se mesurait... »)...
« Les chaînes télévisées et les médias ukrainiens ont commencé à parler du développement d’un conflit entre les dirigeants ukrainiens ‘indépendants’ et le commandant en chef des Forces Armées Ukrainiennes (AFU), Valery Zaluzhni. Malgré les tentatives de l’entourage de Vladimir Zelenski de cacher ce qui se passe, les rumeurs circulent.
» Il y a depuis longtemps un groupe de conseillers de l’OTAN au sein de l’état-major [ukrainien] qui planifie les opérations militaires. Récemment, une forte confrontation s’est engagée en raison de l’attitude des généraux américains qui considèrent nos troupes comme de la chair à canon envoyée se faire massacrer sur le front oriental. M. Zaluzhni est en désaccord sur cette question avec les dirigeants politiques du pays, qui soutiennent l’avis des conseillers [de l’OTAN], écrit le canal ukrainien Telegram ‘Resident’. »
... Il s’agit d’une espèce de chaudron (‘cauldron’ en anglais) bouillonnant, où le simulacre et l’Actor’s Studio de la communication tiennent bien autant de place que le feu, le fer et la souffrance de la guerre. Il s’agit de laisser l’intuition “piocher” dans ce gigantesque amas de communication se prenant pour de l’information, pour distinguer ce qui pourrait être des pistes pour les actes des principaux acteurs, – d’où cette évidence qu’un ‘Plan-Z’ n’a que peu de rapport avec l’imagination fertile de Zelenski-l’acteur puisque ces pistes, pour n’être pas des impasses, doivent nécessairement avoir une dimension métahistorique.
Une première thèse est celle d’Andrei Martianov. Pour lui, Martianov, l’affaire est faite depuis beau temps en Ukrisis et les signes incontestables de la chose commencent à apparaître, même au Washington ‘Post’. Il en conclut donc que les États-Unis, et notamment le Pentagone, commencent à en mesurer l’ampleur, alors que l’engagement américaniste, en lot d’armements avancés et endettés (pour l’Ukraine) et en cataractes de communication niveleuse et simulacre, a conduit à faire de ce conflit une « lutte existentielle » pour cette puissance (les USA). Par conséquent, « la catastrophe militaire en cours pour les VSU [Forces Armées Ukrainiennes] frappe directement les États-Unis, qui sont toujours sous le coup de l’humiliation militaire en Afghanistan... » ; et, par conséquent (bis), les États-Unis doivent chercher une “voie nouvelle” pour annuler (‘to cancel’) cette scandaleuse et inadmissible occurrence. Dans sa conception guerrière et maximaliste, ce ne peut être qu’un renchérissement, une relance, pas loin d’“un tapis” pour des guerriers qui jouent plus volontiers au poker qu’aux échecs. (Et nous écrivons cela alors que Biden vient de déclarer en ce 30 mai qu’il n’y aura pas de livraison de ce type de systèmes [MLRS et HIMARS] à l’Ukraine : cela est dit, mais cela est dit par un président si vieux, montrant des signes de démence sénile et lisant sans vraiment comprendre ce qu’il lit sur son téléprompteur.)
L’hypothèse qu’il évoque de frappes ukrainiennes profondes en Russie à cause de nouveaux systèmes livrés par les USA, le conduit à l’hypothèse d’un type de riposte imitée de celle de l’Iran au début de 2020 (après l’“assassinat métahistorique” du général Soleimani), mais multipliée par un facteur extrêmement important, jusqu’à constituer un échelon capital de l’escalade.
« Alors, qu’allez-vous faire, si vous êtes la CIA, le département d’État ou le Pentagone ? Eh bien, ce que vous faites toujours, continuer à soutenir votre SOB [de “Our Son Of a Bitch”, Zelenski en l’occurrence] et, de préférence, élargir le conflit. C’est le “changement de plan”. La seule façon pour les États-Unis d’“élargir” le conflit est de continuer à fournir des armes au régime de Kiev, d’où les discussions sur la livraison de Harpoons et maintenant de systèmes HIMARS. Comme je l’ai dit à plusieurs reprises, ces livraisons ne changeront pas l’issue du conflit, mais si les HIMARS sont utilisés contre le territoire russe, nous pourrions assister à une escalade très grave pour la Russie, dont certaines conséquences seraient très désagréables pour les États-Unis. N’oubliez pas que les États-Unis disposent de très nombreuses bases et points d’appui dans le monde entier. Ils sont tous à portée des armes russes et la Russie ripostera directement contre les membres de l’OTAN qui ont livré des armes, telles que les Harpoons danois, et la plupart des bases militaires américaines seront sous la menace directe de représailles.
» Et c’est là que réside le problème : les représailles de l’Iran contre les bases américaines en 2020, après l’assassinat du général Soleimani, ont ouvert les yeux des États-Unis. Les représailles de la Russie seront beaucoup plus dévastatrices et elles pourraient se produire sans avertissement préalable aux États-Unis, contrairement à ce qu’a fait l’Iran en 2020. Mais voici un autre problème : Les munitions ATACMS et PrSM pour HIRAMS ont une portée de 300 et 500 kilomètres respectivement. Ce sont précisément les types d’armes pour lesquelles les systèmes de défense antiaérienne tels que le S-400, le S-300V4 et les versions ultérieures du S-300 ont été créés. Si l’on met de côté les représailles déjà décrites de la Russie, au cas où les États-Unis décideraient de poursuivre cette “politique” suicidaire sans le moindre effet sur l’issue de l’‘Opération Militaire Spéciale’ qui se rapproche déjà de la défaite géopolitique des États-Unis, l’atténuation de l’impact de ces armes par les systèmes de défense antiaérienne russes aggravera encore plus l’ineptie militaire et technologique déjà bien démontrée des États-Unis dans [‘Ukrisis’]. ».
Une seconde hypothèse nous vient du site anonyme et mystérieux ‘WhatDoesItMeans’ (WDIM), dit de ‘Sorcha Faal’, que nous avons pris l’habitude de consulter régulièrement. Nous avons déjà dit ce que nous en pensons, et surtout observé qu’à partir de 2015-2016, ce site que les commentateurs comme-il-faut qualifieraient volontiers de ‘complotiste’, s’est penché presque systématiquement, et désormais d’une façon systématique, sur des matières dites-sérieuses et régulièrement documentées, sinon ‘sourcées’. C’est complètement le cas depuis 2020 et depuis le 24 février 2022, et chaque fois de plus en plus...
Ces dernières semaines, WDIM a largement pris fait et cause pour une interprétation, – qui est d’ailleurs assez souvent rencontrée chez les ‘dissidents’ et les indépendants (chez nous-mêmes, au reste), – selon laquelle le Pentagone a une position très modérée dans la guerre washingtonienne à propos d’Ukrisis. L’idée est en général que le Pentagone, qui connaît tout de même certaines des choses militaires, craint un affrontement direct avec la Russie dans la mesure notamment, sinon suprêmement, où il pourrait conduire à une guerre nucléaire dont la variante stratégique totale implique une catastrophe également totale, mettant en jeu la survie de l’humanité. WDIM s’attache donc systématiquement aux nouvelles allant dans ce sens et les interprète à sa façon (notamment les coups de téléphone d’Austin et de Milley à leurs homologues russes).
Hier, il cite un article de la Constitution de la Fédération de Russie (Article 86) pour développer un argument revenant sur l’élection de 2020. Il cite notamment le film ‘2000 Mules’, du commentateur et auteur conservateur Dinesh D’Souza, qui est un documentaire stupéfiant de précisions diverses sur une longue enquête concernant les fraudes du vote de novembre 2020. (Il est visible en version sous-titrée français, sur la plateforme ‘Odysee’.) Cette idée générale, qui est d’ailleurs à l’origine très mal vue par la direction militaire, notamment le général Milley, conduit pourtant à une mise en cause de la légitimité de Biden qui, elle, rencontrerait comme on le comprend bien les préoccupations des militaires.
Un point dans ce sens, mentionné favorablement par l’ambassadeur russe à Washington Antonov, est la nomination, le 20 mai, du porte-parole et adjoint au secrétaire à la défense, l’amiral John Kirby, au poste-clef de “Coordinateur de la Communication Stratégique” du NSC, le ‘National Security Council’ qui est le gouvernement personnel du président pour les affaires de sécurité national. Le nouveau poste de Kirby est idéal pour contrôler la communication de sécurité nationale allant de et vers le président. Cela conduit WDIM à conclure que « Le Pentagone prend le contrôle de la Maison-Blanche... », et ce raisonnement suggérant que les armes réclamées par Zelenski pour attaquer la Russie, notamment les fameux HIMARS, – dont Kirby, encore au Pentagone, a précisé qu’aucune décision n’était encore prise sur leur livraison, – ne seraient finalement pas livrées... (Voir la déclaration de Biden ? La relation de cause à effet est tentante pour un esprit mesuré.)
« Parmi les indices sur lesquels nous fondons cette déduction, il y a la façon dont les Américains ont réagi immédiatement après la conclusion de cette enquête au titre de l’Article 86, – tout d'abord, le 13 mai, le secrétaire américain à la Défense, Lloyd Austin, a téléphoné d'urgence au ministre russe de la Défense, Sergei Shoigu, pour la première fois depuis le début de l'opération spéciale, le 24 février. Le 19 mai, le général Mark Milley, chef d'état-major interarmées américain, a eu une exceptionnelle série d'entretiens avec le chef d'état-major général russe, Valery Gerasimov. Enfin, le 20 mai, la Maison Blanche a publié la déclaration suivante : “Aujourd'hui, le président Biden a annoncé que John Kirby, qui est actuellement l'assistant du secrétaire à la Défense pour les affaires publiques, sera le nouveau coordinateur du Conseil national de sécurité pour les communications stratégiques à la Maison Blanche”. Pour la Russie, ce serait une nouvelle encourageante parce que John Kirby est un amiral de l’US Navy à la retraite.
» [Pour montrer plus encore] à la Russie combien le Pentagone contrôle désormais la Maison Blanche, et expliquer pourquoi l'ambassadeur Antonov a spécifiquement mentionné John Kirby, le président des chefs d'état-major interarmées américains, le général Mark Milley, a déclaré aux forces militaires américaines [dans un discours à West Point] : “Vous ne prêtez pas serment à un dictateur ou à un aspirant dictateur, ou à un tyran, vous prêtez serment à la Constitution des États-Unis d'Amérique... Nous devons être apolitiques... Nous restons en dehors de la politique du jour et nous respectons notre serment à la Constitution, quel que soit le parti au pouvoir”. »
Ces deux incursions dans deux hypothèses qui paraissent si complètement opposées bien qu’elles viennent de sources indépendantes qui sont plutôt proches sur la question d’Ukrisis, ne font que confirmer l’extraordinaire complexité d’une situation en constant changement, jonglant avec toutes les contradictions possibles. Après tout, WDIM tresse implicitement des couronnes au Général Milley alors que le site, extrêmement pro-Trump, fait la promotion du courant d’accusation d’illégitimité de l’élection de Biden tandis que Milley fut, tout au long de 2020, un adversaire féroce et à la limité de la constitutionnalité, du président Trump. Encore ne nous sommes-nous pas attaqués à l’énorme problème de la possibilité sinon la probabilité d’une défaite de l’Ukraine, voire de graves problèmes pour la clique Zelenski, ce qui suppose au niveau de la communication un terrible affrontement entre la vérité-de-situation et notre petit dernier dans notre “arsenal dialectique”, – la “vérité-de simulacre”.
A nouveau, nous nous tournons vers notre interprétation des “événements” que nous chargeons d’une haute “souveraineté spirituelle”. Puisque nous avons fait plus haut une référence à l’“assassinat métahistorique” du général iranien Soleimani, qui ouvrit de façon absolument tragique la décennie des années 2020 dont nous savons maintenant qu’elle constitue une des périodes les plus décisives de l’histoire de l’ère chrétienne, nous nous trouvons d’autant plus justifiés de reprendre deux citations qu’(on y trouve :
« L’acte est solidaire de ses conséquences et c’est en fonction d’elles qu’on le jugera. Sa culpabilité ne sera plus mesurée à son degré de conscience, – et de mauvaise conscience, – mais à “la mort qu’il porte en lui” et qu’il introduit dans le monde des hommes. »
« Aristote nous apprend que dans la tragédie les événements s’enchaînent selon “la nécessité”. Cette nécessité n’est pas de nature logique mais de nature ontologique : elle ne désigne pas l’enchaînement cohérent des épisodes d’un récit, selon les lois de la rhétorique, mais l’enchaînement des actes humains et de leurs conséquences selon les lois de la vie. »
Ces deux citations viennent d’un auteur, professeur de littérature et philosophe, d’origine roumaine et travaillant à Paris. Son travail porte sur la dimension dostoïevskienne de la tragédie du monde qu’est la modernité : Homunculus – Critique dostoïevskienne de l’anthropologie, de Mircea Marghescu (L’Âge d’Homme)... Ainsi se trouvent rassemblés les événements de haute “souveraineté spirituelle”, un philosophe antimoderne venu d’un pays qui rencontre la Russie, et un auteur russe qui, malgré les crachats de la ‘cancellation’, a produit un fantastique apport à la compréhension de notre angoisse métahistorique, et par conséquent de notre GrandeCrise.
Mis en ligne le 30 mai 2022 à 19H00