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1er octobre 2004 — On connaît l’image classique : le train va trop vite, la petite fille crie : « Au secours, je veux descendre. » Le train, c’est l’Histoire ; la petite fille, aujourd’hui, ce serait bien l’Amérique, si l’on en croit le dernier sondage massif, et très sérieux par réputation, du Council of Foreign Affairs. Le commentateur Jim Lobe présente ce sondage dans un article du 29 septembre, sur le site Antiwar.com.
« Three years of the Bush administration's “war on terrorism” appears to have reduced the appetite of the U.S. public and its leaders for unilateral military engagements, according to a major survey released Tuesday by the Chicago Council on Foreign Relations (CCFR).
» Indeed, the survey, the latest in a quadrennial series going back to 1974, found that key national-security principles enunciated by President George W. Bush since the Sept. 11, 2001 attacks on New York and the Pentagon are opposed by strong majorities of both the public and the elite.
» While supporting the idea that Washington should take an active role in world affairs, more than three of every four members of the public reject the notion that the United States “has the responsibility to play the role of world policeman” and four of every five say Washington is currently playing that role “more than it should be.”
» In addition, overwhelming majorities of both the public and the elite said that the most important lesson of 9/11 is that the nation needs to “work more closely with other countries to fight terrorism” as opposed to “act more on its own.”
» Similar majorities of both the public and leaders rejected Bush's notion of preemptive war. Only 17 percent of the public and 10 percent of leaders said that war was justifiable if the “other country is acquiring weapons of mass destruction (WMD) that could be used against them at some point in the future.” »
Il n’est pas inutile d’observer aussitôt combien ce sentiment de lassitude, qui apparaît si puissant au travers de ce sondage, se pose en contradiction fondamentale du mouvement général favorisant GW Bush et sa politique. Certes, la faveur dont dispose GW n’est pas impressionnante, elle n’a rien d’un raz de marée ; mais elle existe incontestablement et, dans ce cas, elle contredit sans aucun doute les résultats de cette vaste enquête ; par ailleurs, le programme de John Kerry n’envisage sans aucun doute aucun repli, aucune réduction d’engagement et va, lui aussi, dans le sens contraire à cette “lassitude”. Cette contradiction est un élément d’un très grand intérêt qui, plus qu’aucun autre, marque le désarroi américain, pour lui-même mais aussi dans la mesure où il est également le désarroi d’une époque.
Par ailleurs, le plus impressionnant dans cette enquête est qu’il n’y a pas contradiction entre les élites et la population, mais accord au contraire. Ce phénomène corrobore plus encore la thèse selon laquelle l’activisme américain actuel, et la politique expansionniste et interventionniste, sont d’abord le fruit de la logique mécaniste du système de l’américanisme que plus personne ne semble pouvoir contrôler. L’approbation apparente mais effective de cette politique par ailleurs rejetée par une majorité considérable n’est possible qu’au travers d’une représentation de la réalité, comme le fait GW avec l’Irak dans sa campagne, comme le font également les néo-conservateurs en continuant à applaudir la politique d’expansion, et à renchérir sur elle.
Il n’est plus possible d’opposer l’Amérique au “reste du monde”, comme on fait en général d’une manière expéditive. Il faut plutôt parler avec précision du “système de l’américanisme” comme moteur de la politique actuelle et observer que l’Amérique elle-même en est prisonnière, comme le reste du monde. L’élément le plus impressionnant de l’enquête présentée par Lobe est évidemment que l’élite de la direction US est elle-même, aujourd’hui, touchée par ce désarroi. Les éléments de la crise américaine dans la mesure où elle représente la crise moderniste sont aujourd’hui de plus en plus précisés.