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28 juin 2004 — Les sociétés EADS et Dassault ont signé lors du salon de l’armement terrestre de Satory un accord général pour le développement conjoint de plusieurs programmes d’engins sans pilote (UAV, UCAV), avec en perspective le développement d’autres programmes avancés, dont n’est pas exclu un nouvel avion de combat européen qui succéderait aux avions Rafale et Eurofighter de l’actuelle génération qui entre en service.
Nous citons l’hebdomadaire Aviation Week & Space Technology, qui situe les conditions de l’accord.
« France is redoubling efforts to woo European partners to unmanned aerial vehicle projects, and the future network-centric warfare systems in which UAVs will operate.
» The vehicle for establishing a European UAV effort was spotlighted at the Eurosatory exhibit here when EADS and Dassault Aviation announced a strategic cooperation agreement covering two French-led UAV demonstration projects.
» EADS Co-CEO Philippe Camus and Dassault Aviation Chairman/CEO Charles Edelstenne termed the agreement “historic,” noting that it could help define the future environment for combat and military surveillance aircraft, both manned and unmanned, for decades to come. Failure to agree on a common design has hampered European cooperation in these areas in the past. »
Un autre hebdomadaire Américain, Defense News, présente des commentaires assez proches sur l’importance de cet accord.
« The two firms have long competed. For example, EADS’ Eurofighter Typhoon and Dassault Rafale square off in the fourth-generation fighter market. But a Dassault executive called the UAV agreement “logical and natural” and said it grew from merely a week’s worth of discussions about cooperation earlier this year by Edelstenne and EADS co-chief executive Philippe Camus.
» Camus hailed the agreement on June 14 as an “important decision” that created the opportunity to create “a European industry dedicated to drone systems.”
» For Dassault, the move may save its fighter-jet expertise. A defense analyst said the agreement ensures work for Dassault’s highly regarded design engineers and maintains the company’s capabilities in future fighter systems, in the absence of an order for a manned successor to its Rafale fighter jet. »
Toutes ces appréciations contribuent évidemment à dégager la signification de l’accord, mais d’une façon incomplète et, surtout, dans une perspective trop étriquée.
L’accord de coopération EADS-Dassault a une puissante signification pour plusieurs raisons.
• Il s’appuie sur des programmes concrets. Il y a d’abord le programme UCAV, où Dassault a la maîtrise d’œuvre, et qui a déjà suscité l’engagement (Suède, Grèce) et l’intérêt (Espagne, Italie, Belgique, etc) de plusieurs pays européens. L’UCAV est d’ores et déjà un programme complètement “européanisé”, et fermement lancé. D’autre part, il y a le programme UAV MALE, qui est conduit essentiellement par EADS (Defense News présente ce programme de cette façon : « The second program on which EADS and Dassault will cooperate is a medium-altitude long-endurance (MALE) UAV launched last week. EADS and Thales will share system responsibility for this project, dubbed EuroMALE. Dassault will oversee development of the air segment architecture, and Sagem will supply sensors and other onboard hardware. The airframe will be derived from EADS’ Eagle 1, which EADS markets in cooperation with Israel Aircraft Industries. »). L’existence de projets concrets pour établir une coopération a toujours constitué le fondement de la philosophie de Dassault, et c’est bien cette philosophie qui s’impose ici.
• Comme on l’a vu, ces deux programmes ont aussitôt acquis une dimension européenne, et avec un succès indéniable. Il s’agit d’une réussite importante, d’autant qu’elle s’exerce dans un domaine technologique avancé. Ainsi, on peut donner une dimension supplémentaire à cette coopération : outre d’affecter des programmes et un domaine avancé technologiquement, elle intervient directement dans la constitution d’une base technologique avancée ; et cette base technologique est très nettement “européanisée”, ce qui acquiert dans cette perspective une signification politique fondamentale.
• Les deux partenaires sont incontestablement français, même si EADS est franco-allemand principalement. Les diverses présentations qui en sont faites ne trompent pas : il s’agit de l’alliance des deux principales puissances technologiques françaises dans le domaine de l’armement et de l’aéronautique, et il est manifeste que EADS apparaît dans cette affaire essentiellement dans sa partie française (héritière d’Aérospatiale), qui fournit l’essentiel de la puissance technologique du groupe. Il s’agit donc de la constitution d’une coopération française au plus haut niveau, dans le secteur le plus avancé, — mais avec une dimension remarquable, c’est-à-dire une dimension européenne…
• C’est bien là l’essentiel : une démarche franco-française qui est, simultanément, une démarche européenne fondamentale. La leçon est évidente et elle est remarquable : aujourd’hui, la puissance technologique européenne, la base technologique européenne dans les domaines de pointe (armement, aéronautique) sont essentiellement françaises. Cela est essentiellement dû au hara-kiri technologique britannique, avec le transfert de BAE à une majorité d’actionnaires non-UK (US), et l’orientation du conglomérat britannique vers des activités lucratives de sous-traitance, mais technologiquement pauvres. Aujourd’hui, la partie française d’EADS et Dassault détiennent toutes les clés de l’avenir technologique européen. On peut observer que Dassault, dans cette association, se voit reconnaître in fine une position de leader européen dans le domaine des avions de combat (l’échec technologique de l’Eurofighter mesurant la position que peut prétendre tenir EADS dans le domaine des avions de combat, — EADS dans sa composante non-française qui détient l’essentiel de ce système). Aujourd’hui, Dassault est, avec Lockheed Martin, le seul constructeur sérieux d’avions de combat au monde.