Autour d'une purée de tomate indigène

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Autour d'une purée de tomate indigène

Avoir considéré comme inéluctable et hautement souhaitable le laisser faire laisser passer, l’avoir promu et fait adopter en consentant au Traité de Lisbonne puis faire peser sur le citoyen qui avait dit son refus du TCE le devoir d’une préférence consumériste patriotique impossible à exercer, voilà toute l’absurdité proposée dans le slogan “acheter français”.

La notion d’identité nationale déjà bien malmenée de façon peu habile par l’actuel exécutif français se trouve étendue trivialement aux objets de consommation. Elle pose plus qu’un problème de définition et d’opportunité.

Soit le périmètre étroit de la tomate, à la fois fruit et légume, sous son nom Solanum Lycopersicum en réalité une baie d’origine andine. Comme argument de vente électoral, le pommier d’amour se portera sur le marché en coulis ou en grappes indigènes plutôt pâles que rouge vif.

S’il porte l’étiquette de produit français, nombre d’éléments qui constituent son prix de revient n’ont rien de national. Insecticides, pesticides, engrais sont allemands, suisses ou étasuniens, la subvention versée au maraîcher provient d’un fonds européen, l’ouvrier agricole saisonnier chargé de l’entretien du plant, de la cueillette et du conditionnement peut être un immigré non déclaré.

S’il est estampillé provenant du Maroc, les mêmes intrants multinationaux ont été nécessaires à sa production, ils sont d’ailleurs imposés pour la conformité avec les normes européennes phytosanitaires. La somme prélevée par le grossiste, souvent non marocain, qui en assure l’importation peut être une part majeure de son prix à l’arrivée. Il parvient sur le marché français dans le cadre de protocoles d’échanges globaux où le tonnage bénéficiant d’une réduction de taxe à l’importation est soumis à quota et ayant permis une pénétration de produits manufacturés et de services en particulier banques et assurances, dans le sens inverse qui négative le bilan commercial en défaveur du pays du Sud. L’arrivée en contre-saison de la tomate marocaine, moins de 3% de la consommation européenne, ne la pose pas en concurrente. Le concours de la tomate et des agrumes vers l’UE dans le flux des devises pour le Maroc est ridicule par rapport à l’apport de la main d’œuvre que ce pays exporte et au tourisme. L’orientation d’une part de la production agricole marocaine vers l’exportation fortement subventionnée par des exonérations fiscales et donc financée par l’épargne locale a structuré la propriété foncière agraire vers la confiscation de la propriété collective, en principe inaliénable, et le démantèlement des réserves du domaine étatique lui-même reliquat de l’expropriation par les colons de terres non cadastrées car détenues de manière immémoriale par les tribus et donc collectives. En clair, d’immenses latifundia se sont constitués du fait du prince et selon le bon principe des seigneuries clientes. Avec les corollaires de l’exode rural, de la déculturation, de l’amoncellement dans des bidonvilles aux dénominations aussi poétiques que réalistes comme “Lahouna” (ils nous ont jetés).

Cette filière n’enrichit donc que les plus riches des Marocains, lesquels s’empressent de remettre les fruits du rançonnement de leur pays dans de la pierre parisienne et dans des coffres-forts suisses, alors qu‘elle désespère les autres.

Le coulis de tomate permet d’interroger ce que reconnaît le système immunitaire humain quand il apprécie la tomate comme lui étant étrangère au point qu’il peut déclencher chez lui des réactions allergiques majeures. L’étrangeté dont certains individus ‘atopiques’ se défendent au point de générer des réactions qui outrepassent le dispositif concerne un motif stéréochimique singulier. Il est situé sur une protéine ubiquitaire du règne végétal et animal, donc présente chez l’humain une profiline. La profiline, parmi cinq cents autres protéines, intervient dans la régulation d’une protéine majeure de la motricité cellulaire, l’actine. Oui, les cellules peuvent ‘marcher’ grâce à un système très analogue de la contraction musculaire (actine/myosine). Une différence infime sur un tout petit segment de protéine très bien conservée chez toutes les espèces (un acide aminé ou deux sur un millier) la fait ‘voir’ comme totalement étrangère et hostile. Cette discrimination entre profiline du soi humain et celle du non-soi, la profiline de la tomate, n’a aucune pertinence pour l’espèce, au contraire.

Elle relève même d’une mauvaise adaptation à l’environnement de sa non tolérance.

La biologie n’a pas à exporter ses modèles pour la réflexion sociologique, néanmoins leur emprunt modéré livre des manières d’aborder la difficile question de l’identité, du Soi.

Depuis longtemps est connu un mécanisme utilisé par certaines bactéries très pathogènes pour échapper à la vigilance du système immunitaire. Elles empruntent comme véhicule des filaments contractiles d’actine pour se projeter d’une cellule à l’autre et éviter le torrent sanguin. C’est le cas de Listeria monocytogenes, à l’origine d’infection systémique à point de départ digestif. Elle saute d’une cellule à la cellule immédiatement jointive exactement comme le soldat israélien effondre les murs mitoyens des maisons en Cisjordanie ou l’étasunien quand il était en Irak pour passer de l’une à l’autre sans passer par la rue où il pourrait être exposé aux résistants.

Si les humains ont des langues et des cultures différentes, la tomate, elle, ne peut se faire embarquer si aisément dans ce débat des origines et de l’identité.

Il est rapporté que l’identité de l’Arabe s’acquiert dans l’apprentissage de sa langue, au point que la qualité arabe la plus prisée est celle de l’éloquence qui passe bien avant deux autres, l’art équestre et la générosité. Le mot, la parole sont d’un ordre supérieur à celui du chromosome.

L’impressionnant Sayed Hassan NasrAllah est la seule figure politique d’envergure actuelle capable de discourir sans note dans une langue parfaite et sans emphase, des heures durant. Une part de la stratégie du bloc occidental et israélien à l’endroit de la Syrie consiste à faire taire cette voix. Bien sûr la vieille Ligue Arabe demeure sans volonté aucune de régler la douloureuse question de la Somalie, premier pays à avoir subi le chaos créateur et le sixième à connaître la réception de missiles étasunien depuis des drones. Mais elle a été prompte à collaborer pour la destruction de la Libye et maintenant se mobilise pour celle de la Syrie.

La faim des Somaliens induite par la guerre et par l’anéantissement de leur réserve de pêche qu’a décimée le passage des cargos pétroliers près de leurs côtes n’émeut pas les trois mille princes séoudiens. Cette espèce bédouine de nouveaux riches corrompus a fait le choix de soutenir l’industrie de l’armement étasunien, 30 milliards de dollars pour de vieux F15 démodés en maintenant 50 000 emplois aux Us(a). Elle a galvaudé la parole et perdu l’honneur. Elle travaille avec ardeur à sa propre disparition par son engagement à extraire davantage et davantage de pétrole à bas prix et surtout à renflouer par le seul argent qui vaille car il ne provient pas d’un produit dérivé ou d’une dette restructurée les banques occidentales détentrices comme seuls actifs de créances surtout privées irrécouvrables.

La danse occidentale et israélienne autour de la proie iranienne pourrait n’être que le leurre pour absorber et éponger encore et encore du pétrodollar.

Badia Benjelloun