Aux racines de l’arnaque cosmique

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Aux racines de l’arnaque cosmique

Le problème fondamental que nous avons à affronter dans ces temps d’une crise extraordinaire, sans précédent ni équivalent, c’est le contraste absolument cosmique, – le qualificatif a ici toute sa place et nous en userons répétitivement, –  entre la petitesse des causes et des intentions et la formidable puissance, littéralement cosmique elle aussi, des effets. C’est ce qui nous fait parler régulièrement de deux concepts intervenant directement dans les affaires du monde, que nous rappelons ci-après :

• Le concept de “tragédie-bouffe”, où se mélangent effectivement le bouffe, le grotesque, le médiocre, le vide intellectuel avec les effets terrifiants de la tragédie cosmique de cette “crise extraordinaire”... Côté bouffe, les petits causeurs-salonards des concepts d’une nullité abracadabrantesques répercutés des milliards de fois par le système de la communication en mode de surpuissance ; l’escroquerie des minables arnaqueurs finissant par jouer avec des dizaines de $milliards (lesquels sont en papier de singe de l’impression des billets de la Fed ou en sommes astronomiques créées par l’illusion du vide également cosmique des transactions électroniques) ; le néant des narrative des directions politiques zombifiées égrenant leurs discours pompeux de causes et d’arguments fondés sur des constructions absolument virtuelles de simulacres sans fin ; la censure catastrophique de stupidité (même censurer, ils ne savent pas faire) des puissances à la fois intellectuellement nulles et financièrement gigantesques qui veulent imposer toutes ces arnaques minables et cosmiques à la fois

• ... Et, au bout de tout cela, en contraste effectivement cosmique, le côté d’immense tragédie de l’immense “crise extraordinaire” qui se trouve alimentée par cet empilement de simulacres. Il y a un immense effet d’ironie (cosmique bien entendu) dans ce contraste qui est nécessaire à l’essence même de la “crise extraordinaire”, qui a besoin de faire sortir ce qu’il y a de plus bas dans ce monde arrivé au bout de sa production maléfique pour manifester toute sa puissance et toute sa hauteur qui écrasent le malheureux sapiens sapiens postmodernisé, dans ses œuvres de simulacre de lui-même.

• Embrassant ces deux pôles infiniment éloignés dans leur essence se place le deuxième concept, celui de la métahistoire. Le concept de métahistoire fait que l’histoire pseudo-scientifique qui nous gouvernait a complètement disparu. L'explication en est que les événements décrits ci-dessus, aux causes totalement faussaire et simulacres (le bouffe), se constituent en une tragédie d’une telle puissance et d’une telle ampleur qu’elle ne peut répondre d’elle-même que devant une puissante métaphysique de l’Histoire intervenant directement pour alimenter alors des événements apparaissant comme la production également directe de forces suprahumaines qui nous gouvernent sans que nous puissions interférer sur l’orientation de cette “crise extraordinaire”, ni même la comprendre en aucune façon. Ce concept de métahistoire confirme qu’à l’énormité néantisée du bouffe répond la fantastique puissance de l’essence de la tragédie, justifiant ainsi l’importance que nous accordons au concept de “tragédie-bouffe”.

Il n’y a pas de meilleure illustration de cette situation que la crise Russiagate, synthétisant le déchaînement d’antirussisme auquel nous assistons depuis quatre années dans toute sa puissance, et principalement la narrative de l’interférence russe aux USA constituant le cœur du RussiagateC’est ce simulacre complet que détaille Diana Johnstone, que nos lecteurs ont déjà pu lire à de nombreuses reprises : il s’agit d’un très long texte qui, à partir notamment de sa publication sur le site de l’Institute for Peace de Ron Paul et circulant beaucoup dans les réseaux, détaille avec un luxe de précisions la “véritable ingérence russe dans la politique américaine”. Cette “véritable ingérence” est le fait des divers escrocs et arnaqueurs de basse volée qui se manifestèrent lors du pillage sous l’impulsion-Système du bloc-BAO de l’URSS-Russie dans les années 1990, pour se transformer en puissants et richissimes oligarques ; ceux-ci s’appuyant ensuite, lorsque la Russie changea de situation sous l’impulsion de Poutine, sur la puissance de l’establishment US qui les avait soutenus depuis le début, pour se constituer en fer de lance et lobby de circonstance et nourrir le lancement de la campagne antirussiste/antipoutinienne que nous connaissons...

Le but final reste bien connu et conforme à l’œuvre de déstructuration et de néantisation du globalisme. Le mot, qui devrait être fameux, de Leonid Chebarchine, ancien chef du service de renseignement extérieur russe, résume bien la chose : « L’Ouest ne veut qu’une seule chose de la Russie : que la Russie n’existe plus. » Il s’agit donc de détruire la Russie, soit par faillite, soit par asservissement satellitaire de la direction, soit par désintégration du pays par déstructuration et éclatement en diverses entités. C’est un but métahistorique de type-maléfique, la désintégration de cette unité qui fait obstacle à la globalisation de néantisation : l’unité russe, source de puissance politique et d’unité psychologique, source d’influence spirituelle également et surtout, – bref, une entité renvoyant à la tradition de l’unité originelle contre le courant de néantisation de la postmodernité et de la globalisation. Au-delà des explications historiques diverses, qui ont leur place mais qui ne peuvent prétendre expliquer l’essentiel, l’antirussisme qui guide cette action, dont les acteurs sont effectivement de l’envergure de petits arnaqueurs sortis du ruisseau, est une mesure de l’ampleur cosmique de notre “crise extraordinaire”, ou Grande Crise de l’Effondrement :

« ...La puissance de cette russophobie est une mesure de l’épuisement de notre civilisation : nous haïssons d’autant plus la Russie (et Poutine) que leur résistance (celle de la Russie et de Poutine) met en évidence la vanité des arguments civilisationnels qui devraient les convertir ou les balayer ; et cette vanité de nos arguments civilisationnels est l’exacte mesure de l’épuisement de notre civilisation qui ne peut se satisfaire de ce qu’elle est que si rien ne lui résiste explicitement ; parce que tout ce qui lui résiste explicitement est un miroir qui mesure son prodigieux effondrement (de notre civilisation). Cette posture est absolument imposée par un Système qui nous domine, qui ne peut désormais plus rien tolérer qui soit différent de lui, parce qu’aussitôt identifié comme résistance sans compromis. »

Cela dit et redit, il est du plus grand intérêt, pour mesurer une fois encore et d’une autre façon l’écart entre l’ampleur cosmique de l’enjeu et les machinations des “petits arnaqueurs sortis du ruisseau”, de lire le texte de Diana Johnstone qui nous expose les aléas et les manœuvres nombreuses et variées qui ont marqué ce qui constitue la « véritable ingérence russe dans la politique américaine ». La version française du texte de Johnstone a été mis en ligne sur le site du Grand Soir, et daté du 25 août 2018.

(Il est à signaler que la formule sous forme de proverbe en note de fin de texte, – “Accuse les Russes. Si tu ne sais pas pourquoi, eux le savent”, – semble à notre connaissance extrapolé du proverbe “Frappe ta femme. Si tu ne sais pas pourquoi, elle le sait”. L’antisexisme de la chose se doublerait d’un horrible accent islamophobique si notre mémoire est fidèle, – ce qui n’est nullement assuré, qu’on se rassure, – s’il s’agit effectivement d’un proverbe arabe.)

dedefensa.org

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Unipolarité contre multipolarité

La véritable ingérence russe dans la politique américaine

La guerre froide entre les États-Unis et l’Union soviétique était apparemment un conflit entre deux idéologies, deux systèmes socio-économiques.

Tout cela semble être terminé. Un nouveau socialisme renaîtra peut-être un jour de façon inattendue, mais aujourd’hui, c’est le capitalisme qui règne sur le monde. Aujourd’hui, les États-Unis et la Russie sont engagés dans une lutte sans merci entre capitalistes. A première vue, cela peut sembler être un affrontement classique entre capitalistes rivaux. Et pourtant, une fois de plus, un conflit idéologique émerge, un conflit qui divise les capitalistes eux-mêmes, en Russie et aux États-Unis mêmes. C’est le conflit entre mondialistes et souverainistes, entre un monde unipolaire et un monde multipolaire. Le conflit ne se limitera pas aux deux grandes puissances nucléaires.

La défaite du communisme fut brutalement annoncée dans un certain ’manifeste capitaliste’ datant du début des années 1990 qui proclamait : ’Notre guide est le profit, acquis d’une manière strictement légale. Notre Seigneur est Sa Majesté, l’argent, car c’est Lui seul qui peut nous conduire à la richesse comme norme dans la vie.’

Les auteurs de ce tract audacieux étaient Mikhail Khodorkovsky, qui est devenu l’homme le plus riche de Russie, avant de passer dix ans dans une prison russe, et son partenaire d’affaires de l’époque, Leonid Nevzlin, qui s’est depuis confortablement retiré en Israël

Des prêts en échange d’actions

C’était le bon vieux temps, dans les années 1990, lorsque l’administration Clinton faisait réélire Eltsine pendant que celui-ci laissait piller la Russie par de tels jeunes loups, notamment en utilisant le tour des ’prêts en échange d’actions’.

Dans un article de Vanity Fair de 2012 sur son héros, Khodorkovsky, la journaliste férocement anti-Poutine Masha Gessen a résumé en toute franchise comment cela fonctionnait :

« Les nouveaux oligarques - une douzaine d’hommes qui avaient commencé à exercer le pouvoir que l’argent apportait - concoctèrent un plan. Ils prêteraient de l’argent au gouvernement, qui en avait grandement besoin, et en retour, le gouvernement mettrait en garantie des paquets d’actions équivalant à une participation majoritaire dans les grandes sociétés d’État. Lorsque le gouvernement ferait défaut, comme les oligarques et le gouvernement l’avaient prévu, les oligarques en ont pris le contrôle. Par cette manœuvre, l’administration Eltsine a privatisé le pétrole, le gaz, les minéraux et d’autres entreprises sans l’approbation du Parlement ».

Cela a si bien fonctionné que depuis son poste au sein de l’organisation de la jeunesse communiste, Khodorkovsky a utilisé ses relations pour prendre le contrôle de l’industrie pétrolière russe Yukos et devenir l’oligarque le plus riche de Russie, avec une fortune de 15 milliards de dollars, dont il contrôle encore une partie malgré ses années de prison (2003-2013). Son arrestation a fait de lui un héros de la démocratie aux États-Unis, où il avait de nombreux amis, en particulier ceux qui l’aidaient à vendre des morceaux de Youkos à Chevron et Exxon. Khodorkovsky, un jeune homme charmant et généreux, a facilement convaincu ses partenaires américains qu’il était le champion numéro un de la démocratie et de la primauté du droit en Russie, en particulier des lois qui permettent aux capitaux nationaux de fuir vers les banques étrangères et aux capitaux étrangers de prendre le contrôle des ressources russes.

Vladimir Poutine ne voyait pas les choses de cette façon. Sans restaurer le socialisme, il déposséda Khodorkovsky de Youkos et convertit l’industrie pétrolière et gazière du modèle de ’société ouverte’ toléré par Eltsine en une industrie capitaliste nationale. Khodorkovsky et son partenaire Platon Lebedev ont été accusés d’avoir volé tout le pétrole que Youkos avait produit dans les années 1998 à 2003, jugés et condamnés à 14 ans de prison chacun. Ce changement a ruiné les plans américains, déjà en cours, de ’balkaniser’ la Russie entre ses nombreuses provinces, permettant ainsi au capital occidental de poursuivre sa mainmise sur l’économie russe.

La dépossession de Khodorkovski fut certainement une étape importante dans le conflit entre le président Poutine et Washington. Le 18 novembre 2005, le Sénat US a adopté à l’unanimité la résolution 322présentée par Joe Biden dénonçant le traitement de Khodorkovsky et Lebedev comme étant politiquement motivé. Biden, vice président sous Obama, est devenu une sorte de proconsul d’Ukraine après putsch de Maidan en 2014.

Qui influence qui ?

Voyons maintenant l’histoire de l’influence russe aux États-Unis. Il est évident qu’un Russe qui peut obtenir du Sénat l’adoption d’une résolution en sa faveur a une certaine influence. Mais quand l’’État profond’ grogne sur l’influence russe, il ne parle pas de Khodorkovski. Il parle d’une réponse sarcastique à la question d’un journaliste pendant la campagne présidentielle. Dans une variante du classique “quand avez-vous cessé de battre votre femme ?” (*), le journaliste a demandé à Trump s’il demanderait au président russe Vladimir Poutine de ’rester en dehors’ de l’élection.

Puisqu’une question stupide ne mérite pas une réponse sérieuse, Trump a dit qu’il n’avait ’rien à voir avec Poutine’ avant d’ajouter : ’Russie, si vous écoutez, j’espère que vous êtes en mesure de trouver les 30 000 courriels manquants. Je pense que vous serez probablement récompensés par notre presse.’ (Référence aux courriels qui ont « disparu » du serveur privé que la secrétaire d’Etat Hillary Clinton avait utilisé en violation des règles.)

« Aha ! » se sont exclamés les anti-Trump. C’est la preuve ! L’ironie est presque aussi malvenue dans la politique américaine que l’honnêteté.

Lorsque le président Trump a récemment révoqué son habilitation de sécurité, l’ancien chef de la CIA John Brennan a eu l’occasion de cracher sa haine dans les pages complaisantesdu New York Times. 

Un personnage supposé assez malin pour diriger une agence de renseignement a pris la boutade de Trump comme une véritable demande. « En publiant une telle déclaration, écrit Brennan, M. Trump n’encourageait pas seulement une nation étrangère à recueillir des renseignements contre un citoyen américain, mais aussi autorisait ouvertement ses partisans à travailler avec notre principal adversaire mondial contre sa rivale politique. »

Les Russes, a déclaré Brennan, « trollent dans les eaux politiques, commerciales et culturelles à la recherche d’individus crédules ou sans scrupules qui deviennent des marionnettes malléables entre les mains de leurs maîtres russes ».

Quels Russes font ça ? Et qui sont ces "individus" ?

Le Facilitateur en chef

Pour comprendre le fonctionnement de Washington, rien n’est plus instructif que d’examiner la carrière de l’avocat Jonathan M. Winer, qui répète fièrement qu’au début de 2017, Bill Burns, le chef du Carnegie Endowment, l’a présenté comme "le Facilitateur en chef". Winer est depuis longtemps inconnu du grand public, mais cela pourrait bientôt changer.

Voyons ce que le facilitateur a facilité.

Sous la présidence de Bill Clinton, M. Winer fut le responsable au Département d’Etat pour l’Application internationale de la loi. On peut douter qu’il s’agissait de l’application de la loi internationale, en ce qui concerne l’agression militaire et le bombardement de pays sans défense. En tout cas, en 1999, Winer fut récompensé pour des « réalisations pratiquement sans précédent ». Nous examinerons plus tard l’une de ces réalisations importantes.

Après la fin de l’administration Clinton, de 2008 à 2013, le Facilitateur en Chef a travaillé comme consultant de haut niveau dans l’une des plus puissantes firmes de relations publiques et de lobbying au monde, APCO Worldwide. C’est ainsi que fonctionnent les portes tournantes à Washington : après quelques années passées au gouvernement à découvrir le rouages du système, on se lance dans une activité de ’consultation’ très rémunérée pour vendre cette information privilégiée et ces contacts influents à des clients privés.

APCO a pris un grand départ il y a une trentaine d’années en faisant du lobbying pour Philip Morris et l’industrie du tabac en général. 

En 2002, l’APCO a lancé un truc qui s’appelait les ’Amis de la science’ pour promouvoir le scepticisme à l’égard des effets nocifs du tabagisme. En 1993, la campagne décrivait ses buts et objectifs : "encourager le public à remettre en question - de la base au sommet - la validité des études scientifiques".

A l’époque où Winer travaillait pour APCO, l’une de ses principales activités fut de faire les louages de la Clinton Global Initiative (CGI), une plateforme de réseautage international qui fait la promotion de la Fondation Clinton. Margery Kraus, présidente et chef de la direction d’APCO, a expliqué que le cabinet-conseil était là pour « aider les autres membres de CGI à susciter l’intérêt pour les causes qu’ils défendent, à démontrer leur succès et à mettre en lumière les nombreuses réalisations de CGI dans son ensemble ». Considérant que seulement 3%des centaines de milliers de dollars de revenus de la Fondation Clinton est consacré aux donations charitables, elle avait très grand besoin de relations publiques aggressives.

Fait significatif, les dons à la Clinton Global Initiative se sont taris depuis que Hillary a perdu l’élection présidentielle. Selon the Observer : ’ Les gouvernements étrangers ont commencé à se retirer des dons annuels, signalant que l’influence de l’organisation était basée sur l’accès des donateurs aux Clinton, plutôt que sur son travail philanthropique ’.

Cela explique en partie la panique d’Hillary Clinton lorsqu’elle a perdu en 2016. Comment peut-elle récompenser ses donateurs de plusieurs millions de dollars avec les faveurs qu’ils attendaient ?

En plus de l’industrie du tabac et de la Fondation Clinton, APCO travaille également pour Khodorkovsky. Pour être précis, selon les listes publiques, le quatrième plus gros client d’APCO est le Corbiere Trust, propriété de Khodorkovsky et enregistré à Guernesey. Ce trust gère et distribue une partie des milliards que l’oligarque a obtenu de la Russie avant d’être emprisonné. L’argent de Corbiere a été dépensé pour faire pression à la fois pour la Résolution 322 (soutenir Khodorkovky après son arrestation en Russie) et pour l’Acte Magnitsky (voir plus loin). Margery Kraus, présidente et directrice générale de l’APCO, est membre de Institute of Modern Russia (l’Institut de la Russie moderne), dirigé par le fils de Mikhaïl Khodorkovski, Pavel, qui se consacre à la ’promotion des valeurs démocratiques’ - en d’autres termes, à la construction d’une opposition politique à Vladimir Poutine.

En 2009, Jonathan Winer est retourné au département d’État où il a reçu un prix pour services distingués pour avoir sauvé des milliers de membres du Muhahedin-e Khalq de leurs bases en Irak du départ desquels ils essayaient de renverser le gouvernement iranien. Le MeK, autrefois officiellement reconnu comme une organisation terroriste par le département d’État, est devenu un instrument de prédilection dans les opérations de changement du régime américain et israélien dirigées contre l’Iran.

Cependant, ce sont les activités parallèles de Winer au Département d’Etat qui l’ont finalement mis sous les feux de la rampe au début de cette année - ou plutôt sous les projecteurs du House Intelligence Committee, dont le président Devin Nunes (R-Cal) l’a désigné comme membre d’un réseaux faisant la promotion du fameux ’Dossier Steele’ qui accusait Trump de trafic financier illicite et surtout d’activités sexuelles spectaculairement compromettantes en Russie. Selon Winer lui-même, il était ami avec l’ancien agent de renseignement britannique Christopher Steele depuis l’époque où il travaillait à l’APCO. De retour au Département d’Etat, il transmettait régulièrement des rapports de Steele, ostensiblement tirés de contacts avec des agents de renseignement russes amis, parmi ses collègues et surtout à Victoria Nuland, responsable des affaires européenne et de l’Eurasie (celle qui distribuait des casse-croute aux manifestants de Maidan, suite à une longue distribution de milliards de dollars à l’opposition). Il s’agit notamment du tristement célèbre ’dossier Steele’. En septembre 2016, le vieil ami de Winer, Sidney Blumenthal - un conseiller particulièrement proche de Hillary Clinton - lui a donné des notes écrites par un mystérieux initié de Clinton nommé Cody Shearer, répétant les attaques salaces.

Toute cette saleté fut diffusée aux agences gouvernementales et aux médias grand public avant d’être révélée au public juste avant l’inauguration de Trump, et servait à l’enquête ’Russiagate’ de Robert Mueller, qui cherche à prouver une collusion entre Trump et Poutine. Le dossier fut discrédité, mais l’enquête se poursuit.

Tout ce beau monde trouve donc tout à fait normal de prendre au sérieux les informations prétendument obtenues auprès d’ « agents russes » et de les diffuser, tant qu’elles peuvent porter atteinte à Trump. Comme pour tant d’autres choses à Washington, le deux poids, deux mesures constitue la règle.

Jonathan Winer et la Loi Magnitsky

Jonathan Winer a joué un rôle majeur dans l’adoption par le Congrès du ’Sergei Magnitsky Rule of Law Accountability Act of 2012 ’ (la Loi Magnitsky), une mesure qui a effectivement mis fin aux espoirs de relations normales entre Washington et Moscou après la guerre froide. Cette loi était fondée sur une version très controversée de la mort en prison du comptable Sergei Leonidovich Magnitsky le 16 novembre 2009, telle que racontée au Congrès par Bill Browder (petit-fils de Earl Browder, chef du Parti communiste des Etats-Unis, 1934-1945). Selon Browder, Magnitsky était un avocat qui fut battu à mort en prison à la suite de sa croisade pour les droits de l’homme.

Cependant, comme l’a établi de manière convaincante le documentaire d’investigation (interdit aux Etats-Unis) du dissident russe Andrei Nekrasov, le malheureux Magnitsky n’était ni un défenseur des droits de l’homme, ni un avocat, ni battu à mort. Il était un comptable emprisonné pour son rôle dans les affaires de Browder, et sa mort naturelle est due au traitement médical inadéquat. L’affaire fut présentée comme un drame majeur en matière de droits de l’homme par Browder afin de discréditer les accusations russes contre lui-même.

En tout état de cause, en adoptant une loi punissant les persécuteurs présumés de Magnitsky, le Congrès américain a agi comme une cour suprême jugeant les questions juridiques internes de la Russie.

Comme Mikhaïl Khodorkovski, mais à une échelle beaucoup plus petite, Browder a aussi fait fortune en arnaquant les Russes pendant les années Yeltsin, et plus tard, il a eu des problèmes avec les percepteurs d’impôts russes. Puisque Browder avait renoncé à sa citoyenneté américaine afin d’éviter de payer des impôts américains, il avait des raisons de craindre les efforts russes de l’extrader pour fraude fiscale et autres délits financiers.

C’est Jonathan Winer qui a trouvé une solution à la situation difficile de Browder.

Selon Winer, « Quand Browder m’a consulté, (....) j’ai suggéré de créer une nouvelle loi pour imposer des sanctions économiques et de voyage aux contrevenants aux droits de l’homme impliqués dans la grande corruption. Browder a décidé que cela pourrait assurer une mesure de justice pour Magnitsky. Il a lancé une campagne qui a abouti à l’adoption de la loi Magnitsky. Peu après, d’autres pays ont adopté leurs propres lois Magnitsky, notamment le Canada, l’Estonie, la Lettonie, la Lituanie et, plus récemment, le Royaume-Uni ».

Les autorités russes tentent toujours de poursuivre leur procès contre Browder. Dans sa conférence de presse qui a suivi la réunion d’Helsinki avec Trump, Vladimir Poutine a suggéré de permettre aux autorités américaines d’interroger les Russes nommés dans l’acte d’accusation Mueller en échange de la possibilité pour les responsables russes d’interroger les personnes impliquées dans l’affaire Browder, y compris Winer et l’ancien ambassadeur des États-Unis à Moscou, Michael McFaul. Poutine a fait remarquer qu’un tel échange était possible en vertu du Traité d’entraide juridique signé entre les deux pays en 1999, à l’époque où l’Amérique se faisait passer pour le meilleur ami de la Russie.

Mais les Russes naïfs n’avaient pas pris toute la mesure de l’habileté des avocats américains.

Comme l’écrivait Winer, « en vertu de ce traité, le procureur général de Russie peut demander au procureur général des États-Unis [....] de faire en sorte que les Américains reçoivent l’ordre de témoigner pour aider dans une affaire criminelle. Mais il y a une exception fondamentale : Le procureur général ne peut fournir une telle assistance dans une affaire politiquement motivée. » (souligné par l’auteur.)

« Je le sais, écrit-il, parce que j’étais parmi ceux qui ont aidé à placer cette exception. En 1999, lorsque nous étions en train de négocier l’accord avec la Russie, j’étais le plus haut fonctionnaire du département d’État chargé de gérer les relations entre les forces de l’ordre des États-Unis et de la Russie ».

Ainsi, le facilitateur en chef aurait pu dire à un Browder inquiet : « Pas de problème. Tout ce que nous avons à faire, c’est de faire de votre cas un cas politiquement motivé. Alors ils ne peuvent pas te toucher. »

Le traité de Winer est un cas parfait de voie sans issue. Le traité ne s’applique pas si un cas est politiquement motivé, et s’il est russe, il est forcément politiquement motivé.

Dans une plainte déposée le 15 juillet 2016 auprès du ministère de la Justice, Le Heritage Capital Management de Browder a accusé les opposants américains et russes du Magnitsky Act de violer le Foreign Agents Registration Act (FARA ; adopté en 1938 avec les nazis à l’esprit). Parmi les « lobbyistes » cités figurait feu Ron Dellums (le plus distingué parmi les premier représentants noirs au Congrès, un démocrate faussement identifié dans la plainte comme étant un « ancien député républicain »).

La plainte de Heritage Capital Management déclarait : « Bien que les avocats représentant des mandants étrangers soient exemptés de l’obligation de déposer une requête en vertu du FARA, cela n’est vrai que si l’avocat n’essaie pas d’influencer la politique à la demande de son client. » Cependant, en diffusant du matériel anti-Magnitsky au Congrès, tout avocat russe « essayait clairement d’influencer la politique » et était donc en train de violer de la loi FARA.

Encore une voie sans issue.

Inutile de dire que le Corbiere Trust de Khodorkovsky a fait pression pour que le Congrès adopte la loi Magnitsky, qui a également réitéré sa défense de Khodorkovsky lui-même. Ce type d’ « ingérence russe destinée à influencer la politique » n’est même pas remarqué, tandis que les autorités américaines parcourent le cyberespace à la recherche de trolls.

Conclusion

Le conflit idéologique de base ici se trouve entre l’Amérique unipolaire et la Russie multipolaire. La position de la Russie, comme Vladimir Poutine l’a clairement indiqué dans son discours historique à la conférence sur la sécurité de Munich en 2007, est de permettre aux pays de jouir de leur souveraineté nationale et de se développer à leur manière. Le gouvernement russe actuel s’oppose par principe à toute ingérence dans la politique d’autres pays. Il préférerait naturellement un gouvernement américain prêt à l’accepter.

Les États-Unis, en revanche, sont par principe en faveur de l’ingérence dans d’autres pays : parce qu’ils veulent un monde unipolaire, avec un système unique, et se considèrent comme l’autorité finale quant au régime qu’un pays doit avoir et comment il doit gérer ses affaires.

Donc, si les Russes essayaient de s’ingérer dans la politique intérieure des États-Unis, ce ne serait pas pour changer le système américain, mais pour essayer de l’empêcher de changer le leur. Les dirigeants russes sont clairement suffisamment cultivés pour comprendre que les processus historiques ne dépendent pas d’enfantillages lancés à partir d’un ordinateur.

Les décideurs politiques américains pratiquent l’ingérence tous les jours. Et ils sont parfaitement disposés à permettre aux Russes d’interférer dans la politique américaine – pourvu que ces Russes soient unipolaires comme eux, comme Khodorkovsky, qui aspirent précisément au même monde unipolaire recherché par le Département d’Etat et George Soros. Mieux encore, l’empire américain compte sur de telles ingérences de la part des Irakiens, des Libyens, des Iraniens, des Russes, des Cubains – de tous ceux qui se rendent à Washington pour demander au pouvoir des États-Unis de régler de vieux comptes ou de renverser le gouvernement de leur pays d’origine. Tous ceux-là sont parfaitement les bienvenus pour faire pression en faveur d’un monde gouverné par l’Amérique.

L’ingérence russe dans la politique américaine est tout à fait bienvenue tant qu’elle contribue à tourner l’opinion publique contre Poutine « multipolaire », glorifie la démocratie américaine, sert les intérêts américains, y compris le complexe militaro-industriel, aide à faire tomber les frontières nationales (sauf celles des États-Unis et d’Israël) et remplit les poches appropriées dans les allées du Congrès.

Diana Johnstone

 (*) phrase souvent donnée comme exemple d’une question tendancieuse, biaisée. (NdT) –  Traduction “Accuse les Russes. Si tu ne sais pas pourquoi, eux le savent” par VD pour le Grand Soir avec probablement toutes les fautes et coquilles habituelles.