Aux USA, l’économie a chassé l’Irak

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A côté des variations presque quotidiennes de l’évaluation des préoccupations populaires, souvent associées à des variations de perception où les manipulations de communication jouent leur rôle, il semble qu’on puisse envisager comme un fait politique majeur et durable désormais le basculement des priorités du public US, – de l’Irak vers l’économie. C’est une analyse qu’on rencontre désormais d’une façon courante chez les statisticiens spécialisés dans les enquêtes d’opinion.

C’est le constat que fait l’agence McClatchy Newspaper, ce 16 juillet, dans une analyse appuyée notamment sur le travail de John Zogby, qui dirige un des instituts de sondage parmi les plus souvent désignés aux USA pour ses capacités. «“The economy is clearly foremost on the list of people's concerns,” Zogby said. “That probably will continue as long as things are sour.”»

L’analyse signale des résultats impressionnants, sur une période de temps significative. L’économie et l’Irak ont quasiment permuté dans les préoccupations du public US, avec des différences chiffrées radicales. McClatchy Newspaper cite le résultat d’une enquête récente mais il s’agit d’un exemple parmi d’autres; tous les résultats vont dans le même sens.

«One new poll this week underscored how dramatically the political landscape has shifted since this long campaign started.

»This week, 53 percent of Americans ranked the economy their top concern heading into the election, while 16 percent ranked Iraq their chief worry, according to a national survey by Quinnipiac University in Connecticut. In May 2007, the priorities were the opposite, with 57 percent naming Iraq the top issue and 5 percent naming the economy.»

C’est bien entendu par rapport à l’élection présidentielle que cette évolution est analysée. La question est ouverte depuis janvier, pour savoir quelle est la priorité du public, et les effets sur les positions des deux candidats. Ici, on retrouve la vision conventionnelle d’un Obama favorisé par cette évolution du public. «The flip-flop in popular opinion could help Democrat Barack Obama, lowering the profile of one issue — Iraq, – that, surprisingly, might have been helping Republican John McCain and raising another — the economy — that historically helps challengers such as Obama.»

Pour autant, cet aspect prévisionnel rend un son très conventionnel. Il s’agit d’une vision classique qui renvoie à une campagne électorale qui paraît s’enfermer de plus en plus dans une vision conventionnelle et dans une médiocrité sans surprise. C’est le cas a contrario lorsqu’on constate que, sur la question de la guerre en Irak, c’est le candidat du parti qui a accouché de cette catastrophe qui est considéré comme le plus capable de la traiter.

Un autre signe de cette médiocrité dans l’analyse de crises qui sont pourtant d’une intensité exceptionnelle, c’est la façon dont la question de l’économie est abordée. Cette question est effectivement la première priorité du public et elle devrait devenir la préoccupation principale des candidats par conséquent. Nul ne sait pourtant dégager une ligne claire, des propositions conséquentes, encore moins une vision structurée; il y a une absence complète d'“inspiration” à cet égard.

«“There is a perception that neither candidate has a handle on the economy and there's no clear direction from the public about what direction to go,” pollster John Zogby said. “It's not as though there is a demand for a new New Deal or Great Society or, on the other hand, for tax cuts.” What's clear as of now, he said, is that the issue is dominant.»

A cette lumière, l’enseignement général de cette évolution du public américain est de type indirect. Il porte sur le constat renouvelé du conformisme et de la médiocrité de l’establishment face à la situation de crise des USA. L’évolution décrite par les enquêtes d’opinion est évidente et s’accorde à l’intensité de la crise financière et économique. L’establishment, républicains et démocrates confondus, apparaît complètement désarmé devant cette sollicitation. Cela est surtout visible dans le camp d’Obama, qui devrait se trouver favorisé par cette évolution mais qui n’a rien à offrir qui puisse prétendre répondre à l’intensité de la situation. Obama s’est surtout signalé ces derniers temps par des prises de position sur les questions internationales, et dans le sens belliciste qui est aujourd’hui le conformisme de Washington. La question reste certes posée de savoir si, avec la confirmation du changement de priorité du public, Obama saura profiter de son avantage naturel dans les domaines économique et social. On a tout lieu d’être pessimiste sur la réponse probable, tant sa campagne est devenue étonnamment conformiste ces dernières semaines.


Mis en ligne le 17 juillet 2008 à 06H18