Avant 2012, – ce qu' Obama peut faire, ce que l'Europe doit faire

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Avant 2012, – ce qu' Obama peut faire, ce que l'Europe doit faire

Les deux prochaines années pourraient permettre à Barack Obama battu de présenter un projet de société véritablement novateur pour la décennie qui vient. En sera-t-il capable? Le même défi pèse sur les Européens. Quels sont ceux capables de le relever?

Après les élections mi-mandat, Obama n'est plus qu'un canard boiteux (lame duck). Manifestement la Chambre paralysera toutes ses initiatives. Au Sénat il n'est pas certain que la majorité démocrate tienne tellement à le voir se succéder à lui-même lors des prochaines élections. Cependant, il demeure en place et dispose en tant que Président et chef de l'Administration de pouvoirs considérables. Que peut-il en faire aujourd'hui?

Si l'Amérique dans les deux prochaines années s'enfonçait dans des crises très graves, à supposer qu'Obama se révèle avoir le caractère nécessaire pour y faire face, il aurait encore des chances pour 2012. Mais si le pays se paralysait dans des oppositions stériles entre lobbies, il ne pourrait qu'assister à un lent déclin, et de son image et du pays lui-même. L'hostilité à son égard paraît si forte que ce double déclin pourrait satisfaire ses adversaires, tellement ils semblent décidés à l'abattre. Tant pis pour le pays, doivent-ils se dire. Pour eux, en 2012, pourrait alors commencer une ère de reconquista politique. Ils n'ont certainement pas la moindre idée réaliste concernant les bases de cette reconquête. L'essentiel serait de récupérer les pleins pouvoirs.

Quelles décisions Obama va-t-il prendre? Quel homme est-il en profondeur? Quelles sont les forces qui l'ont conduites à la magistrature suprême? Que seraient celles qui pourraient encore l'appuyer? C'est tout le mystère d'Obama et de sa surprenante ascension qui est évoquée là. Dans l'hypothèse la plus simple et la plus claire, selon laquelle l'homme Obama voudrait ne fut-ce qu'à titre de défi personnel être réélu pour un second mandat, nous pensons que faire à nouveau le choix de la conciliation et de la modération ne pourrait que le condamner définitivement. S'il n'a pas osé être l’“American Gorbatchev” que certaines forces libérales attendaient peut-être, il ne courrait aucun risque aujourd'hui à tenter de le devenir.

Un “American Gorbatchev” ne pourrait pas sans doute détruire le système militaro/financiéro/industriel qui gouverne l'Amérique. S'il s'y essayait, il serait très vite destitué (soumis à une procédure d'impeachment). Par contre, il pourrait essayer de conquérir les esprits et les cœurs, non des afghans mais des millions de citoyens américains qui sont aujourd'hui à la recherche d'une société plus égalitaire, moins menacée au plan économique et sans doute aussi capable de se donner des visions du monde plus ambitieuses que celles résultant de la recherche du plus grand profit pour les actionnaires. L'Amérique dispose encore d'un potentiel scientifique et technique considérable. Nos lecteurs le constatent tous les jours. Beaucoup de gens regrettent sans doute de voir que ce potentiel ne s'emploie plus aujourd'hui qu'au service d'objectifs militaires ou de contrôle social.

Comment faire pour préparer un changement de cap radical? Il suffirait que, dans les deux années qui viennent, Obama se limite à préciser le grand projet de société, techno-scientifique et politico-social, qu'il s'engagerait à mettre en œuvre en 2012, une fois réélu. Il faudrait évidemment y mettre les moyens humains nécessaires, moyens que comme Président des Etats-Unis, il pourrait recruter sans efforts.

Il ne s'agirait pas pour ce faire d'accumuler les idées générales, comme le font actuellement les gauches européennes. Il faudrait mobiliser, dans une structure de démocratie participative entièrement à inventer, les meilleurs hommes et les meilleures idées susceptibles de concourir. Il faudrait que chacun des Etats confédérés et des grandes municipalités soient appelés à présenter des projets. Il faudrait que la synthèse de tous ces projets, dans le temps et dans l'espace, soit assurée de la façon la moins technocratique possible. Il faudrait que dès maintenant, les grands enjeux de société sous-jacents soient abordés et discutés avec l'opinion publique, sans craindre les affrontements mais sans refuser pour autant les synthèses constructives.

Bref il faudrait qu'Obama (ou les forces démocratiques qui sont encore, espérons-le, derrière lui) mettent dès cet hiver en place un vaste débat national sur ce que pourrait être l'Amérique des années 2020, avec des mesures immédiates à prendre, Président et Congrès réunis, dès 2012. Chacun pourrait alors savoir pour quels enjeux précis se battre et la meilleure façon de s'engager. Ne soyons pas naïfs. Les puissants lobbies dépenseraient des dizaines de milliards pour corrompre le débat et faire valoir leurs vues. Mais la société de communication bien établie en Amérique ne leur permettrait pas d'être les seuls à se faire entendre.

Ce n'est malheureusement pas le chemin que prend Obama. Il vient de décider de faire le tour des “alliées” de l'Amérique en Asie, évitant pourtant soigneusement la Chine. Comme ces hôtes sont polis et prudents, ils ne feront pas valoir qu'il n'est plus qu'un canard boiteux traînant la patte, incapable entre autres de sortir du piège afghan et du piège intérieur tendu par les Républicains alliés aux Tea-partiers. Ils n'attacheront pas beaucoup d'importance à ses propos et promesses, sachant par ailleurs que le Congrès s'empresserait de tout invalider, si promesses il y avait. Quant à se redonner une nouvelle jeunesse auprès des Israéliens et des Palestiniens, Obama ferait mieux de n'y pas compter.

Europe, même défi

Dans le titre de cet éditorial, nous évoquons les pays européens. C'est simplement pour indiquer que les gouvernements et l'Union elle-même doivent – pour survivre en termes géopolitiques – engager dès maintenant un débat de la même ampleur que celui évoqué ci-dessus sur le thème de ce que sera l'Europe des prochaines années. Nous avons fait sur nos sites un certain nombre de propositions précises et complètes relatives à la façon dont l'Europe pourrait traverser sans trop de pertes les épreuves qui l'attendent. Nous n'avons pas la présomption de penser que ces propositions pourraient rencontrer un large accord. Nous sommes certains par contre que si les deux années qui nous séparent de 2012 ne sont pas consacrées à discuter, au sein d'une grande Europe incluant la Russie, des grandes décisions qu'il faudra prendre à cette date, les Européens partiront battus dans un monde qu'ils n'auront définitivement pas compris.

Jean Paul Baquiast


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