Avec la CIA, entre Gestapo et Guantanamo

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Avec la CIA, entre Gestapo et Guantanamo

Enfin ... Qui s’étonnera, après ce qu’on sait de leurs proximités en tant que suprématistes main dans la main dans les réunions opérationnelles à Kiev, que la CIA aille s’instruire avec zèle et empressement dans les manuels de la Gestapo nazie pour ce qui concerne ce qu’on nomme les techniques d’“interrogatoire renforcé”. De toutes les façons, il s’agit de la même tambouille à préparer, c’est-à-dire les Untermensch, – qu’ils soient de novorussia, russes ou arabes, ou bachibouzouks, ils ne sont pas de la race des seigneurs... On persifle à peine, puisque c’est l’excellent Ray McGovern, ancien officier de la CIA dégoûté de la Company et devenu l’un des grands noms de la dissidence US, qui nous donne ces précisions. C’est Sputnik.News, qui n’en rate pas une (les Untermensch sont devenus vraiment redoutables, au niveau de l’information et de la communication), qui est allé interroger McGovern, le 10 décembre 2014.

«The same interrogation techniques, employed by the CIA, can also be found in the Gestapo handbook, former CIA analyst Raymond McGovern told Sputnik. “Enhanced interrogation” is a direct literal translation of the German “verschaerfte vernehmung” – and that's what the Gestapo manual called the same techniques. “Whether the US knew this literal translation or not, it is still quite ironic that the techniques are the same, including waterboarding,” McGovern, who worked at the CIA for over 40 years, said Tuesday. [...]

»The analyst applauded Senator Feinstein for releasing the report, which he said was necessary because someone needs to exercise oversight when people are violating both US law and the UN convention against torture. “It is necessary to expose these things to the light of human conscience and to international opinion so people can see what happened and hopefully be deterred from letting it happen again,” McGovern said...»

Brave, héroïque Dianne Feinstein, par conséquent ... Un personnage paradoxal, non par sa nature, mais à cause de la folie du Système qui conduit ses meilleurs serviteurs à brusquement, sinon brutalement changer d’attitude et devenir des adversaires du susdit Système, – presque des antiSystème, — dans des circonstances extrêmement dommageables pour le Système montrant à cette occasion quelle surpuissance il peut atteindre dans l’exercice de sa bêtise. Feinstein, qui préside au Sénat la Commission sur le renseignement, a toujours été une fidèle des fidèles. Lorsqu’a éclaté la crise Snowden/NSA, elle a défendu la NSA becs et ongles, cela jusqu’à un premier accroc (voir le 29 octobre 2013). Feinstein a néanmoins continué à faire son boulot-Système, en grognant certes, mais quoi il faut bien vivre ... Jusqu’à l’énorme goutte d’eau qui a fait, non pas déborder mais exploser le vase, lorsqu’elle a appris que la CIA (NSA, CIA, tous jumeaux de l’IC [Intelligence Commubnity]) avait pénétré et contrôlait au jour le jour les ordinateurs des membres et conseillers importants de la Commission Feinstein, et Feinstein en premier of course, notamment pour contrer les actions entreprises par cette Commission pour rédiger le rapport concernant la pratique de la torture par la CIA. A partir de là, Feinstein n’a plus eu que des objectifs féroces d’obstruction et de dénonciation de la CIA, et notamment celui de boucler et surtout de rendre public le terrible rapport sur les pratique CIA/Gestapo... Rappel de l’épisode qui fit basculer Feinstein, en mars dernier (le 12 mars 20143).

«L’affaire est évidemment particulièrement grave, mais elle n’étonne pas par ailleurs si l’on a une bonne mesure des mœurs washingtoniens. Elle concerne des intrusions secrètes et illégales de la CIA dans les ordinateurs de divers membres et employés de la commission Feinstein, pour détruire ou subtiliser des pièces concernant l’enquête générale, y compris des rapports très sensibles, concernant les activités de torture de la CIA. (Feinstein, à côté de ses diverses accointances et engagements-Système, notamment pour une protection sans concessions de la NSA, s’est engagée avec fougue dans le sens inverse, en faisant de la lutte contre les pratiques de torture de la CIA un axe central de son action parlementaire.) Il est également important de noter que la CIA a riposté à certaines exigences et accusations de Feinstein, sans craindre de prendre l’offensive et de défier la sénatrice et le Congrès en général. L’affrontement prend des tournures fondamentales, Feinstein estimant qu’il y a violation de la Constitution, intrusion et pression d’une branche du pouvoir (l’exécutif) contre la branche législative. Certains estiment que ce conflit peut prendre un caractère fondamental pour le Système et conduire jusqu’à la Cour Suprême et à un déchirement considérable de ces deux branches du pouvoir washingtonien. Bref, l'on ne parle pas moins que d'une “crise constitutionnelle”.

»Feinstein et sa commission, alliés inconditionnels de l’administration dans l’affaire de la NSA, se retrouvent comme des adversaires déterminées, puisque l’administration a d’ores et déjà proclamé son soutien et sa confiance à la CIA et à son directeur Brennan. Certains commentateurs ont immédiatement trouvé une formule pour caractériser l’attitude de la sénatrice Feinstein : l’“effet Merkel” (concernant la fureur de la chancelière découvrant qu’elle est écoutée en permanence par la NSA), qui désigne une attitude toute personnelle, conduisant une personnalité politique en général bon petit soldat du Système, s’engageant brusquement dans une attaque contre ce Système dès lors qu’elle en subit personnellement les pressions et les intrusions alors qu’elle acceptait ou défendait ces pressions et ces intrusions par comportement conforme lorsque celles-ci ne la concernaient pas directement. La fureur anti-CIA (anti-IC) de Feinstein, défenderesse de l’IC en général, équivaut à la fureur antiaméricaniste de Merkel, défenderesse des liens transatlantiques en général, dès lors que l’une et l’autre sont les victimes du Système qu’elles défendent en général, – “humain, trop humain”, déplore le Système...» (1)

On trouvera partout les détails divers et sordides des pratiques de la CIA, alignés sur 540 pages, – “résumé” pour les gens pressés d’une brique de plus de 6 000 pages. (Voir ConsortiumNews, le 10 décembre 2014, Antiwar.com le 10 décembre 2014, etc., en plus de la presse-Système qui nous gave de cette affaire.) Cela se déroule alors que la CIA poursuit, sous la direction éclairée du président Obama-Saint diverses opératins d’assassinats par drones armés en missions d'intervention covert et illégale et, sans doute en plus, parce que là aussi il fait bien vivre, peut-être quelques séances de torture ici ou là. D’ailleurs, tout va très bien à Guantanmo, tout se poursuit selon le plan prévu.

On dira, – les espritrs forts à qui on le fait pas, diront  : “Mais tout le monde savait bien...”, – ce qui prouve que les “esprits forts” sont peut-être de la catégorie poids lourds mais qu’il leur manque la finesse et le sens de la psychologie humaine. Entre le “tout le monde savait bien que...” et un rapport de 540 pages venues de la Commission du renseignement du pompeux Sénat des États-Unis d’Amérique, il y a, pour la psychologie générale, en valeur intrinsèque et en influence de la chose pour un connaisseur, autant de différence qu’entre une imitation artisanale et thaïlandaise d’un foulard Hermès, et un vrai foulard Hermès avec la griffe bien en évidence. Les dégâts faits par ces 540 pages à la réputation, aux “valeurs”, aux prétentions d’exceptionnalisme, donc à l’influence des USA, sont vertigineux. Avant même la publication du rapport, l’appareil de sécurité nationale washingtonien s’est mis sur pied de guerre, craignant des réactions violentes, des attentats, etc., sur les terres extérieures mal pacifiées, – c’est-à-dire, ajoutant la sur-sécurisation à la bêtise courante, invitant les éventuels candidats à agir dans ce sens...

Antiwar.com, le 9 décembre 2014 : «Officials who opposed the release were long warning it would provoke a backlash if the world knew what the CIA did, and US embassies the world over are ratcheting up security for the reaction. The Pentagon is also making preparations, putting thousands of Marines on high alert across the Middle East and Africa for potential operations that may be launched after the release...»

Les mêmes “esprits forts” déjà cités pourraient observer que l’affaire du rapport de la CIA vient à point (!) pour détourner l’attention des troubles qui parcourent les USA depuis la fin novembre (voir le 27 novembre 2014) à la suite de la décision du Grand Jury de Ferguson de ne pas mettre en accusation le policier qui avait abattu l’adolescent africain-américain Michael Brown en août dernier. Stricto sensu, c’est vrai, l’attention est détournée, mais elle est détournée vers quelque chose qui n’est pas mieux que l’affaire Michael Brown et ses conséquences, et cette fois avec toute la presse-Système, bien discrète pour cette crise précédente, se déchaînant d’autant plus qu’elle a l’imprimatur officielle de facto pour le faire. Au reste, l’argument est d’un autre temps, où l’influence des USA avait le bras assez long pour nous faire la mémoire courte d’un de leurs turpitudes l’autre. Ce n’est plus le cas aujourd’hui, où le bras s’est atrophié jusqu’à prendre des allures de moignon. Désormais, une crise ne chasse pas l’autre, elle s’ajoute à la précédente pour constituer cette construction vertigineuse, cette tour de Babel des crises US diverses. Nous ne serions pas vraiment étonnés si, demain, c’es-à-dire dans une, deux ou trois semaines, une nouvelle réaction meurtrière d’un pauvre policier aux abois, se sentant menacé par un gamin de douze ans qui pointe ses doigts vers on ne sait où en criant “pan, pan”, et l’abattant tout de go, relance le tintamarre transaméricaniste.

... En attendant, nous sommes conviés à assister aux suites de la diffusion publique de ce qui devrait devenir une lecture de choix pour les vacances “des fêtes”, histoire de voir où en est la civilisation. Peut-être bien que, pour une fois, nous pourrions avoir l’une ou l’autre suite judiciaire qui rendrait ces mêmes vacances plus attrayantes encore, en préparant de nouveaux débats ... McGovern a quelques réflexions là-dessus en plus de l’évaluation qu’il donne sur l’intelligence et l’efficacité de ces pratiques que la CIA a su si bien adapter de ses inspirateurs nazis : «“The especially troubling thing is that no one is being held accountable. The especially troubling thing is that the Directors of the CIA, who are directly responsible for this, George Tenet, Michael Hayden, are bragging about their achievements and are not being held accountable. These are war crimes.”... [...] “The head of army intelligence said no reliable information has ever come from torture. So the question arises, if no reliable information comes from torture, then why would you do it? I have an answer to that: if you want unreliable information, torture works like a charm,” McGovern said.»


Note

(1) Cette citation a bien entendu un aspect ironique, sinon sinistre... Car si nous parlons de l’“effet-Merkel” (réaction de fureur de la chancelière apprenant qu’elle est écoutée par la NSA), il faudrait être plus précis et parler de l’“effet-Merkel-I”, cela impliquant qu’il y a un “effet-Merkel-II”, particulièrement grave. Pour nous en expliquer, en espérant que la réaction-Feinstein-I ne sera pas suivie d’une réaction-Feinstein-II, nous citons notre article du 1er décembre 2014.

«.. Car il se trouve que, dans des milieux académiques qui prennent dans ce cas leurs aises avec la narrative et qui sont en contact avec diverses sources de la direction allemande hostiles à l’antirussisme systémique du bloc BAO, le revirement de Merkel apparaît comme un événement extrêmement étrange. Cette conjoncture inexplicable est bien l’essentiel de notre propos... Aucun élément nouveau décisif, dans les trois ou quatre derniers mois, ne paraît devoir justifier le revirement de Merkel exprimé dans des termes si dramatiques et alarmistes, et encore moins l’expliquer. D’autre part, un clou chassant l’autre avec une dextérité hors du commun, on peut faire l’observation que la fureur merkélienne à propos des écoutes de la NSA a complètement été éclipsée par la fureur antirusse et antipoutinienne de la chancelière de ces dernières semaines, d’une façon singulière lorsqu’on songe à l’attention bienveillante dans le sens d’un arrangement que Merkel portait jusqu’alors à la crise ukrainienne, et cela jusqu’à bien après le déclenchement de cette crise et le rattachement de la Crimée à la Russie. La thèse implicitement suggérée par Nougayrède et accordée aux consignes de la “maison-neocon”, selon laquelle le cas du MH17 a constitué un fait décisif pour l’évolution de Merkel, est évidemment grotesque sinon intellectuellement obscène lorsqu’on admet le poids psychologique de l’inversion suscitée par le bloc BAO dans cette affaire, et certains doutes exprimés par divers services allemands, dont le BND, sur la version-BAO officielle. Il en découle alors que la thèse évoquée épisodiquement ici et là selon laquelle les USA disposent d’un moyen de pression personnel et direct sur la chancelière est de moins en moins jugée comme aléatoire ou farfelue. Ces moyens de pression peuvent aller aussi bien de documents récupérés de l’ex-RDA, par exemple des archives de la Stasi, que de certaines affirmations et confidences de la chancelière interceptées par la NSA. (On observera également dans le cadre de cette hypothèse que s’il y a eu effectivement ce type d’intervention [US] d’une extrême brutalité, on peut en tirer le constat que le climat entre membres du bloc BAO est à la fois très tendu, très fragile, extrêmement soupçonneux, dénotant enfin l’atmosphère d’un extrémisme furieux autant que d’une crainte presque panique d’une rupture des solidarités internes du bloc. Le Système parle et agit sans aucun souci de modérer sa surpuissance dont on sait que les effets peuvent rapidement se transformer en autodestruction.)»

... Nous pouvons confirmer et, bien plus encore, amplifier ces affirmations. Cette thèse du chantage de Merkel par la CIA est aujourd’hui bien plus qu’une thèse, nous dirions plus précisément une “information” qui s’exprime à haute voix au sein de réunions semi-officielles et, disons, à accès semi-restreint. Il en en va à un point tel que des personnalités officielles, – disons, par exemple, telle personne qui serait ambassadeur de tel pays européen en poste dans tel autre pays européen, – expriment devant tel public trié sur le volet mais tout de même hors du contrôle de l’orateur, d’une façon absolument ouverte, l’observation sans le moindre conditionnel que “la chancelière Merkel est l’objet d’un chantage” US à partir d’informations obtenues par la NSA. Nous n’écrivons pas cela à la légère, il s’agit là de sources absolument de confiance, directes, selon des déclarations que nous considérons absolument comme avérées.


Mis en ligne le 10 décembre 2014 à 13H34