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421826 janvier 2024 (07H30) – Il est difficile d’aborder le cœur vaillant la présentation d’un texte aussi évident et aussi fondamental, tant on sait si bien qu’il ne servira certainement absolument à rien. La chose est adressée au président des États-Unis et c’est comme si vous vous adressiez à un marchand d’ice-creams : il attendait des livraisons d’un nouveau parfum, vanille au poivre et sel, et vous lui donnez une réflexion sur la possible probabilité de la Troisième Guerre mondiale. Il vous répondrait : “allez allez, du vent, va donc jouer avec cette poussière”.
Je fais en effet l’hypothèse que ce texte du groupe VIPS (Veteran Intelligence Professionals for Sanity), qui rassemble une foule de retraités, de démissionnaires et de lanceurs d’alerte de tous les services de renseignement et de sécurité des USA, trouvera oreille close et yeux fermés lorsqu’il arrivera sur le bureau ovale. Biden sera en train de savourer son septième icecreams de la matinée avant d’aborder la sieste du matin.
Tant pis ! On le reprend tout de même, ce texte que devraient également lire les journalistes de LCI, le pseudo-président des Français, la von der Leyen et quelques milliers d’autres sommités dans nos élitesSystème. Les VIPS résument parfaitement la situation opérationnelle actuelle à partir des éléments essentiels de l’évolution de la situation ukrainienne, et surtout le risque fondamental de guerre nucléaire dans les engagements-fous affirmés et réaffirmés par les dirigeants US. Ils n’apportent rien de nouveau ni rien de sensationnel mais ils nous rappellent ce que nous oublions constamment ; d’ailleurs, qu’est-ce que vous voulez de plus neuf et de plus sensationnel que la probabilité de l’extinction de l’espèce humaine ?
Le texte original, en anglais, a été repris par divers médias, évidemment alternatifs. On le trouve sur ‘ConsortiumNews’ et sur ‘Antiwar.com’. Il m’étonnerait que le NYT et le FT aient chargé leurs colonnes de cette prose malodorante et mal-intentionnée.
Le texte est présenté sous le titre « Comment éviter une Troisième Guerre Mondiale ? », avec ce sous-titre, qui concerne finalement la description de ceux à qui est destiné le mémorandum :
« Aucune expérience de l’échec d’une politique ne peut ébranler la croyance en sa propre excellence, même si les aventures étrangères ont vidé les trésors et conduit au déclin impérial. »
« MEMORANDUM D’ALERTE POUR : Le President
AUTEUR : Veteran Intelligence Professionals for Sanity (VIPS)
SUJET : Utiliser de l’argent pour le pire ; Prendre des décisions dans un vide de renseignement
Nous avons noté dans notre mémorandum du 26 janvier 2023 que la directrice nationale du renseignement, Avril Haines, avait exprimé son scepticisme quant à la capacité des forces russes à être suffisamment préparées à l'offensive à venir de l'Ukraine. Elle a déclaré que la Russie utilisait ses munitions « extraordinairement rapidement » et ne pouvait pas produire localement ce qu’elle utilisait.
Vous veniez d'approuver l'envoi de chars Abrams en Ukraine. Nous avions écrit:
« Aucune des armes nouvellement promises n'empêchera la Russie de vaincre ce qui reste de l'armée ukrainienne. Si on vous a dit le contraire, remplacez vos conseillers en matière de renseignement et militaires par des professionnels compétents – le plus tôt sera le mieux. »
Le 13 juillet 2023, vous avez déclaré que Poutine « avait déjà perdu la guerre ». Vous aviez peut-être entendu cela du directeur de la CIA, William Burns, qui, une semaine auparavant, avait écrit un article dans le Washington Post disant : « La guerre de Poutine a déjà été un échec stratégique pour la Russie – ses faiblesses militaires ont été mises à nu. » Les deux affirmations sont incorrectes. La guerre n’est pas non plus une « impasse », comme l’a affirmé plus récemment Jake Sullivan.
L’Ukraine a perdu la guerre, et cela deviendra très clair dans les semaines à venir. Compte tenu de l’absence de toute perspective de négociations, rien d’autre que les armes nucléaires ne pourrait arrêter l’avancée mesurée mais inexorable des forces russes. Vous avez dit vouloir éviter la Troisième Guerre mondiale. C’est pourtant ce que déclencheraient les armes nucléaires (y compris les « mini »).
À ce stade historique, nous pourrions rechercher ce que les historiens pourraient nous offrir en fait de sagesse. Voici Barbara Tuchman dans son Classique de la réflexion historique, ‘The March of Folly: From Troy to Vietnam’ :
« La tête de bois… consiste à évaluer une situation en termes d’idées préconçues et figées tout en ignorant ou en rejetant tout signe contraire. C’est agir selon sa volonté sans se laisser détourner par les faits. »
À titre d'exemple, Tuchman a cité Philippe II d'Espagne du XVIe siècle : « Aucune expérience de l'échec de sa politique ne pourrait ébranler sa croyance en son excellence essentielle. » En fin de compte, Philippe avait accumulé trop de pouvoir et drainé les revenus de l'État à cause d’aventures désastreuses à l'étranger, conduisant au déclin de l'Espagne.
L'appel lancé mardi par le secrétaire américain à la Défense, Lloyd Austin, aux alliés des États-Unis pour qu'ils « creusent en profondeur » afin de fournir davantage d'armes à l'Ukraine sonne comme une tête de bois. Cela rappelle également une boutade plus familière : « Quand vous vous trouvez coincé au fond d’un trou et cherchez à en sortir, cessez de creuser. »
Il n’est pas nécessaire de remonter cinq siècles en arrière jusqu’à Philippe II. Comme vous vous en souviendrez, le président Obama a fait face aux pressions bipartites pour envoyer des armes à l’Ukraine. Selon le New York Times , il a averti ses collaborateurs qu’« armer les Ukrainiens encouragerait l’idée qu’ils pourraient réellement vaincre les Russes, bien plus puissants, et que cela entraînerait donc potentiellement une réponse plus énergique de la part de Moscou ».
Enfin, les tentatives visant à qualifier le président Vladimir Poutine de paranoïaque ne résistent pas au constat de l’évidence. Poutine a entendu ces mots de la bouche du secrétaire Austin :
« L'un des objectifs des Etats-Unis en Ukraine est d'affaiblir la Russie. … Les Etats-Unis sont prêts à remuer ciel et terre pour aider l'Ukraine à gagner la guerre contre la Russie. »
Notre dernier avertissement d’il y a un an mérite d’être répété :
« Les États-Unis peuvent-ils atteindre l'objectif d'Austin ? Impossible sans recourir aux armes nucléaires. »
Il existe donc une grande déconnexion conceptuelle – et exceptionnellement dangereuse. En termes simples, il n’est pas possible de « gagner la guerre contre la Russie » ET d’éviter la Troisième Guerre mondiale. Que notre secrétaire à la Défense, Austin, puisse penser que cela est possible est carrément effrayant. Quoi qu’il en soit, le Kremlin doit supposer qu’il le pense. C’est donc une illusion très dangereuse.
Nous sommes prêts à apporter notre aide
Par conséquent, nous sommes conduits à réitérer notre offre quadriennale d’assister tous les candidats à la présidentielle. Cela vous inclurait bien sûr.
On trouve à la fin du mémo les noms de ceux du groupe du VIPS qui ont été choisis, ou ont désiré figuré comme signataires. On y rencontre des noms connus, de commentateurs alternatifs, de dissidents, d’antiSystème ; d’autres qui le sont moins ou pas du tout, pour des raisons qui leur sont propres...
On trouve beaucoup de sources se référant au VIPS, parfois d’une manière critique bien sûr mais pas systématiquement. La stature et les carrières de ses membres invitent à une certaine modération dans la diffamation. Le ‘Wiki’ s’en paye une tranche évidemment, mais il reste assez informatif. J’ignore combien de membres compte cette association, ni comment elle fonctionne pour l’implication des signataires des mé »mos qui ne sont pas les mêmes pour chaque édition. L’association VIPS cultive évidemment la discrétion, pour toutes les raisons du monde, y compris le simple réflexe professionnel.
Ci-dessous, je donne la liste des signataires de ce mémo du 25 janvier sur le risque d’une Troisième Guerre mondiale, se présentant comme « L’équipe représentant le groupement des VIPS (‘Veteran Intelligence Professionals for Sanity’) ».
• Bogdan Dzakovic , ancien chef d'équipe des Federal Air Marshals et de l'équipe rouge, FAA Security, (à la retraite) (VIP associé)
• Graham E. Fuller, vice-président, Conseil national du renseignement (à la retraite)
• Philip Giraldi, CIA, officier des opérations (ret.)
• Matthew Hoh , ancien capitaine de l'USMC, Irak et officier du service extérieur, Afghanistan (VIP associé)
• Larry C. Johnson , ancien officier antiterroriste de la CIA et du Département d'État
• John Kiriakou , ancien officier antiterroriste de la CIA et ancien enquêteur principal de la commission sénatoriale des relations étrangères
• Karen Kwiatkowski , ancienne lieutenant-colonel de l'US Air Force (à la retraite), au Bureau du secrétaire à la Défense, surveillant la fabrication de FakeNews sur l'Irak, 2001-2003
• Linda Lewis , analyste des politiques de préparation aux armes de destruction massive, USDA (à la retraite)
• Ray McGovern , ancien officier d'infanterie/renseignement de l'armée américaine et analyste de la CIA ; Briefeur présidentiel de la CIA (à la retraite)
• Elizabeth Murray, ancienne officier adjoint du renseignement national pour le Proche-Orient, Conseil national du renseignement et analyste politique de la CIA (à la retraite)
• Todd E. Pierce , Major, juge-avocat de l'armée américaine (à la retraite)
• Pedro Israel Orta, ancien officier de la CIA et de la communauté du renseignement (inspecteur général)
• Scott Ritter , ancien Major, service de renseignement du Corps des Marines, ancien inspecteur des armes de l'ONU, Irak
• Coleen Rowley , agent spécial du FBI et ancien conseiller juridique de la division de Minneapolis (à la retraite)
• Lawrence Wilkerson, colonel (États-Unis, à la retraite), professeur invité émérite, College of William and Mary (associé VIPS), ancien chef de cabinet du secrétaire d’Etat Powell (2001-2005)
• Sarah G. Wilton , CDR, USNR, (ret.); Agence de renseignement de défense (à la retraite)
• Ann Wright , colonel de réserve à la retraite de l'armée américaine et ancienne diplomate américaine qui a démissionné en 2003 pour s'opposer à la guerre en Irak