Il n'y a pas de commentaires associés a cet article. Vous pouvez réagir.
940Le 26 Decembre 2001, d ans The Washington Times, le journaliste Rowan Scarborough écrivait : « The battle lines fall this way: Civilian budgeteers, led by Douglas J. Feith, undersecretary of defense for policy, want the Air Force to restart production of the Northrop Grumman Corp. B-2. The nation's first, and only, long-range stealth bomber has found new fans after missions over Kosovo and Afghanistan. » Contre Feith et les civils, il y a l'Air Force avec en tête le secrétary à l'USAF James G. Roche, qui s'oppose vigoureusement, et même avec ce qu'on qualifierait d'énergie du désespoir, à la réouverture de la production du B-2, parce que l'appréciation qu'ils font est que cette décision aménerait des ponctions budgétaires dans le programme F-22.
[On appréciera l'ironie de la situation : Roche était Vice-Président chez Northrop Grumman, qui construit le B-2, avant de venir au Pentagone. Cette situation contredit-elle ce qu'on dit d'habitude des liens entre le Pentagone et le complexe militaro-industriel (la logique devant être, dans ce cas, que Roche soutienne la relance du B-2 pour favoriser Northrop Grumman). Mais on sait également que Northrop Grumman n'est que très moyennement intéressé par la réouverture des chaînes de production du B-2, qui a été promis, dans cette hypothèse, à un prix inférieur à celui de la série initiale ($29 milliards pour 40 exemplaires alors que la série initiale de 21 bombardiers a coûté $44 milliards er sans doute plus). Northrop Grumman est plus intéressé par le développement d'une nouvelle famille de systèmes d'arme, également mis en évidence par le conflit d'Afghanistan, les UCAV ou Unmanned Combat Air Vehicle.]
On comprend bien que cette analyse du Washington Times complète et prolonge celle que nous publiions sur le même sujet, le 12 décembre. Des précisions sont apportées sur la panique à l'idée que des B-2 supplémentaires pourraient être financés en partie par une réduction de la commande de chasseurs stratégiques F-22 Raptor. Une hypothèse chiffrée circule au Pentagone, comme le signale l'article : on passerait de 339 exemplaire à 150, dégageant avec l'économie réalisée suffisamment de fonds pour les B-2 supplémentaires. La panique de l'USAF vient du fait qu'elle n'ignore rien de la réalité d'une telle mesure : le programme F-22 serait réduit à une importance opérationnelle marginale tandis que des augmentations de prix, du fait de la perte de rentabilité avec la réduction de la production, menaceraient tout simplement son existence. On se trouverait avec le phénomène dit du « son of the B-2 » : la série passant de 339 à 150 exemplaires, le coût unitaire du F-22 (actuellement autour de $180 millions) pourrait grimper à$350 millions et plus.
(Référence au B-2 : passant d'une série de 132 à 21, le B-2 est passé d'un coût unitaire de $590 millions à$2.2 milliards, et, finalement, les $44 milliards pour 21 avions ne sont plus très loin des $70 milliards pour 132. Dans le cas du F-22, au mieux, on passerait des $70 milliards pour 339 exemplaires à près de $55 milliards pour 150 exemplaires. Et encore n'aurait-on dégagé que la moitié des $29 milliards nécessaires pour les 40 nouveaux B-2. Tous ces chiffres doivent être considérés comme très mesurés. L'opération qu'on décrit est une opération où la bureaucratie comptable a perdu le contrôle de l'évolution des coûts. Dans ce cas, le pire est toujours possible. L'USAF ne l'ignore pas.)
On sait bien la réalité des choses à cet égard. Cela réduirait le programme F-22 à un poids marginal au point de vue opérationnel et menacerait de faire exploser son prix déjà presque insupportable, à cause de l'effet de réduction de la production (des hypothèses d'augmentation de coût, pour la série réduite à 150, serait de $180 à $300 millions et même plus l'exemplaires, ce qui menaçant de faire du F-22 «a new B-2» -référence à cette évolution, lorsque le bombardier, pour diverses raisons, et notamment avec la réduction de la commande passant de 132 à 21 exemplaires, vit son prix unitaire passer de $500 millions à$2.2 billions). Si ce worst-case scenario se réalisait, la réduction de production n'aurait servi à rien, le programme F-22 s'avérerait pas loin d'être aussi cher à 150 exemplaires qu'à 339 et risquerait toujours de se retrouver hors-budget avec la préférence donnée au B-2. En d'autres mots, aucune illusion ne doit être entretenue: ce serait la mort du F-22. Cela, l'USAF ne l'acceptera jamais. (S'il y a une seule prédiction qu'on puisse avancer aujourd'hui avec certitude aujourd'hui concernant le Pentagone en ébullition, c'est bien celle-ci: l'USAF n'acceptera jamais la mort du F-22.)
Dans son article, Scarborough ne parle guère du JSF sinon pour deux mentions sans réel intérêt. C'est-à-dire qu'il ne le place pas au coeur de la polémique puisque celle-ci semble se limiter au F-22. Il s'y trouve pourtant, indirectement d'abord mais avec la possibilité très sérieuse d'un rapport beaucoup plus direct.
D'abord, il faut préciser que le débat est sérieux. Feith, qui y a une position en pointe, fait partie des super-faucons du Pentagone, ceux qui ont le vent en poupe. Ses positions sont souvent soutenues par le Under Secretary Paul Wolfowitz, autre super-faucon, également en position de force après la campagne victorieuse en Afghanistan. Rumsfeld, lui, est plutôt dans une position d'arbitre, mais avec comme point de vue qu'une réforme et une restructuration des forces armées, avec des réorientations de programme, sont absolument nécessaires, et cela à la lumière de certains enseignements du conflit en Afghanistan. («“We will clearly learn some things that we did well and some things that we'd like to be able to do better and some things that we ought to have that we don't have,” said Rumsfeld of the war's lessons. “That will go forward, as it does after every conflict, and the process is now under way.”»)
Même si l'on est réduit aux hypothèses quant à l'issue de cette bataille bureaucratique, on ne peut pour autant écarter les enseignements bien connus des grandes batailles bureaucratiques en général. Si l'on applique cette grille d'interprétation, on en arrive à quelques points :
• Le courant réformiste, déjà fort avant le 11 September, ressort renforcé aujourd'hui, après l'Afghanistan et avec la mobilisation générale où l'on se trouve, et avec la position de force acquise par Rumsfeld qui est un partisan acharné des réformes. En d'autres termes, des décisions seront prises.
• Il est vrai que la campagne en Afghanistan représente une incontestable victoire pour les bombardiers à long rayon d'action et les avions stratégiques en général. L'USAF s'est trouvée privée de bases proches du théâtre utilisable pour ses avions d'armes (ses avions tactiques, type F-15E, F-16), pour des raisons politiques. L'aviation tactique s'est trouvée réduite à l'aviation embarquée des porte-avions, limitée en nombre et en autonomie. L'essentiel des missions d'appui, et surtout les missions d'appui décisives, sont revenus aux bombardiers B-1, B-2 et B-52. Ce fait constitue un formidable argument pour les partisans du ''plus de B-2''.
• D'un autre côté, il est aujourd'hui très difficilement envisageable que l'USAF puisse voir réduire son programme F-22 àun point où il pourrait être abandonné. C'est une question de statut et de puissance de ce service, une question sur laquelle l'USAF se battra ''to the death''.
La conclusion à ce point est qu'il paraît difficile, devant ces points qui sont autant de cas de blocage, que le débat en reste à ce niveau, avec ces seuls acteurs, alors qu'il semble par ailleurs impossible de l'écarter. Il paraît alors probable que le débat devrait s'élargir et faire entrer dans la réflexion d'autres acteurs et l'ensemble des structures des forces, et leur avenir d'une façon globale. C'est alors, bien entendu, qu'on ne manquera pas de voir resurgir la problématique du JSF.
C'est autour de l'USAF que la bataille se concentre effectivement. Ce service sort grand vainqueur de la campagne d'Afghanistan mais on ignore encore exactement de quelle façon. On ne peut certes pas dire que cette victoire est, pour l'USAF, une victoire à la Pyrrhus. Ce service est au contraire dans une position d'affirmation de puissance par rapport aux autres qui est sans précédent dans l'histoire du Pentagone. La campagne d'Afghanistan a désigné l'USAF, ou plutôt elle a confirmé l'USAF (après les conflits des années '90, du Golfe au Kosovo) dans la position de principal service armé pour l'intervention dans les nouveaux types de conflits. Mais ce sera une victoire à la Pyrrhus pour certaines tendances, certains ''partis'' àl'intérieur de l'USAF, dans la mesure où ces mêmes conflits, et l'Afghanistan en dernière instance, ont montré des conditions très différentes de celles qui existaient du temps de la Guerre froide, donc des nécessités de réformes de structure et de changements dans les priorités des matériels. Pour ne citer que cet exemple, si fort qu'il a été explicitement cité par le président Bush dans un récent discours sur la nécessité de réformer les forces armées, l'affirmation des UCAV (Unmanned Combat Air Vehicle) tels que le Predator représente une avancée révolutionnaire pour l'USAF, pour un matériel d'ores et déjà disponible, et dont les missions vont directement interférer sur les systèmes pilotés tactiques existants.
L'exemple du Predator est intéressant parce qu'il nous ramène sur le terrain de notre réflexion. Cet UCAV et d'autres (le Global Hawk, par exemple) ont joué des rôles intéressants, bien entendu au niveau tactique, par les limites naturelles de leurs capacités. Dans certains domaines, encore limités puisque cette sorte de système en est encore à ses débuts, l'UCAV a suppléé àl'absence des avions tactiques de l'USAF ou, dans tous les cas, aux limitations d'emploi qui leur ont été imposés. Par contre, ils peuvent difficilement prétendre concurrencer les systèmes stratégiques, les bombardiers qui ont été utilisés avec le succès qu'on sait. Cela signifie que, pour l'USAF, le débat de la réforme, le débat post-Afghanistan va essentiellement affecter sa composante tactique.
On pourrait avancer que c'est le cas avec la bataille entre le B-2 et le F-22. Ce n'est pas notre analyse. Cette bataille est une bataille de circonstance et elle est particulièrement vive parce que les arguments budgétaires sont pressants et que le F-22 est à un moment crucial de son développement, au moment où sa production commence et où la commande générale (les 339 que veut l'USAF) n'est pas encore verrouillée. Ce qui nous importe est le débat de fond, celui qui va se développer sur le long terme.
Notre analyse est que le B-2 et le F-22 sont deux domaines trop vitaux pour les forces en présence au Pentagone pour que l'un ou l'autre en souffre de façon définitive. Fondamentalement, l'USAF n'est contre une nouvelle série de B-2 que dans la mesure où le financement de cette série pourrait empiéter sur le F-22. Si les enseignements de l'Afghanistan sont pris en compte, il y aura des bombardiers stratégiques supplémentaires (une nouvelle série de B-2 ou un hypothétique nouveau bombardier stratégie, un hypothétique ''B-3''). D'autre part, le F-22 semble trop important pour l'équilibre et les statuts de l'USAF pour que ce programme soit abandonné (et, par conséquent, pour qu'il soit réduit de façon drastique, car cette réduction risquerait de conduire àsa mort). Pour le renforcer, l'USAF va accentuer le côté stratégique du F-22 et va éventuellement revenir sur l'idée de proposer des versions d'attaque, avec munitions air-sol, pour dans ces versions nouvelles en ''mini-bombardier stratégique''. Mais le débat ne sera pas clos pour autant.
Le débat en viendrait alors à l'essentiel, qui n'est pas l'affrontement B-2 versus F-22. L'essentiel, c'est la réduction dramatique de l'importance de la mission d'appui tactique pour les chasseurs tactiques conventionnels, au profit, d'une part, des bombardiers stratégiques intervenant également dans les missions tactiques de haut de gamme et, d'autre part, des UCAV de plus en plus spécialisés dans les missions tactiques de bas de gamme. On comprend alors combien cette logique réformiste conduit à examiner le statut futur du JSF/F-35, c'est-à-dire le volume de commande nationales (particulièrement USAF) de ce programme. Il devient hautement prévisible que, dans un environnement budgétaire sollicité par de nombreux programmes nouveaux, par le développement de forces nouvelles (type-Special Forces), par le développement de la défense du territoire sous toutes ses formes, le JSF apparaisse de plus en plus comme un programme d'importance secondaire, ou à priorité secondaire pour les allocations budgétaires, voire même pour les structures des forces. On se trouverait dans ce cas dans un processus de ''banalisation'' du JSF/F-35, alors que ce programme a été porté ces dernières années par l'affirmation implicite qu'il constituait la priorité des priorités, le programme auquel tout devrait être sacrifié. Certes, la logique du programme JSF continue àexister, notamment l'énorme puissance qu'il devrait avoir àl'exportation. Mais c'est l'équation générale de la défense américaine qui a changé, précisément depuis le 11 septembre. Aujourd'hui, l'exportation n'est plus une des toutes premières priorités du Pentagone. L'analyse est devenue beaucoup plus opérationnelles, puisque nous nous trouvons devant la perspectives de nombreux et divers conflits. Dans cette analyse opérationnelle, le JSF n'a plus la place de choix qu'il avait.
(.... L'exemple néerlandais semblerait pouvoir figurer comme une illustration de cette situation. A la fin 2001, il se confirmait en effet que les Néerlandais, sollicités d'investir autour de $1 billion dans le programme pour confirmer leur engagement irréversible dans la phase-II du programme, se montraient clairement hésitants, avec des forces politiques partagées à cet égard alors que, six mois ou un an auparavant il semblait y avoir une certaine entente générale en faveur d'une solution JSF. Certaines incertitudes inhérentes au programme JSF lui-même (et normales, en un sens, à ce niveau de développement) et certaines incertitudes de l'offre américaine aux Néerlandais sont pour beaucoup dans cette attitude. Le 20 December 2001, le secrétaire d'État à la Défense néerlandais (Deputy of the Liberal Defense Minister De Grave, a strong pro-JSF proponent) fit un déplacement d'urgence de 24 heures au Pentagone, pour consulter les Américains. C'était la veille d'un conseil des ministres que certains jugeaient crucial pour un éventuel engagement. A Washington, selon certaines sources néerlandaises, le Néerlandais aurait demandé à ses interlocuteurs américains de ''raffiner'' leur offre, de la préciser, de l'aménager dans un sens plus engageant pour les Pays-Bas. La réponse a été nette : le programme JSF est une énorme machine à laquelle les non-US doivent tenter de s'adapter, selon les conditions qui leur sont faites. D'une part, certes, Washington n'est pas, aujourd'hui, d'humeur àtransiger ; d'autre part, il est certain qu'à ce niveau du programme, il est difficile de préciser des aménagements pour un partenaire qui reste mineur. Le résultat pourrait être que l'appréciation du programme et de l'offre JSF, devant des difficultés àconcrétiser les avantages initiaux en en restant au seul domaine technique et économique du développement, pourrait passer sur le terrain politique. En Europe, cela signifierait qu'une opposition nouvelle et puissante à la pénétration du JSF pourrait apparaître, appuyée sur des arguments beaucoup plus sérieux de la défense de l'industrie aéronautique européenne. Ce serait aussi, pour le JSF, une façon d'être confronté à la réalité qu'il a jusqu'ici évitée.
Voilà la question posée aux Américains, et qui est particulièrement exprimée à propos du JSF, dans les deux cas envisagés : comment se comporter lorsqu'on est confronté aux réalités de ROW ? ... ).
«Aldridge noted Boeing's ongoing work on the F-22 and Super Hornet and also pointed out ''there's still design work going on [with] unmanned aircraft and unmanned combat aircraft.'' Boeing's design teams would be ''appropriate'' to work on these, he said. Furthermore, DOD has put into the Fiscal 2002 budget some money to begin work on ''a new long-range strike platform that could have capabilities far out into the future,'' Aldridge said.
»In the case of prime contractors, ''there's plenty of work,'' he concluded. He added that Unmanned Combat Air Vehicles and other unmanned systems hold much promise. ''When you get to the period of 2025 or 2040,'' said Aldridge, ''it's not clear that manned aircraft competition will exist at all,'' possibly rendering the question of preserving more than one manufacturer moot. In fact, some industry and Pentagon officials have speculated that if Boeing's defense-suppression UCAV performs well, more of them could be purchased at the expense of some cuts to the JSF buy.
»Daniels admitted that UCAVs offer a distinct opportunity for Boeing but that the long-range strike platform will not enter a design phase until near the end of this decade, too far out to help cushion the loss of the JSF program.
(...)
»In the run-up to the Quadrennial Defense Review, several area study teams noted that the Navy is still without a stealth airplane and, under the JSF schedule, will not get one for another decade. Several panels suggested the JSF be accelerated, for at least the Navy version.
»Aldridge said that ''we'd love to have this airplane today'' but the Pentagon will not rush the program.
»''We're going to make sure we do it right,'' he explained, adding that the JSF will follow a ''spiral development'' plan in which early models will not have ''100 percent'' of the ultimate capability planned for the type. The JSFs will be improved in block upgrades, and early models will be retrofitted as more advanced avionics, software, and weapons become available.
»Hudson, too, acknowledged that the development program has been laid out in a well-paced, ''logical'' fashion and that tinkering with it would likely not produce airplanes much faster but would certainly raise the cost ''and the levels of risk that we associate with this program.''
»Prior to the JSF go-ahead, the General Accounting Office advised Congress to slow the program, arguing that, while good progress had been made in reducing technological risk, the program was still not a ''low risk'' venture. The GAO warned that cost overruns and schedule delays could loom in the future if certain of the program's business, manufacturing, and weapons initiatives don't pan out. The Pentagon rejected the assertion and insisted that the risks in JSF are well-understood and well within reason.»