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55913 février 2004 — Ancien vice-président de Boeing parti à la retraite et rappelé en décembre 2003 au poste suprême, Harry Stonecipher est aussi un dur. Il ne le cache pas, indirectement mais abruptement, — lorsqu’il parle de son prédécesseur, qui vient de démissionner devant la situation très délicate de Boeing : « [Phil] Condit is a much nicer man than I am ».
Un très récent voyage de Stonecipher au Royaume-Uni a secoué les Britanniques. Rompant avec la temporisation et les sourires désolés mais polis de Condit, Stonecipher est venu dire clairement que Boeing n’est pas du tout intéressé par une alliance avec le britannique BAE. (Ce serait pourtant, selon les formules envisagées par les Britanniques, une véritable absorption de BAE, où les Britanniques passeraient sous certaines fourches caudines des Américains. Cela n’ébranle pas Stonecipher.) Un long et intéressant article de l’Observer du 8 février décrit la visite de Stonecipher et ses démarches concernant BAE.
« That is how Stonecipher has approached his first visit to the UK as chief executive officer — as a Yank who sees nothing wrong in being brusque to the rather-too-polite Brits. We don't know what he said at his meeting with Defence Secretary Geoff Hoon last Monday, but after congratulating him on still being in a job, he may have had some choice words about why the UK recently chose Airbus over Boeing for its £13 billion RAF mid-air refuelling programme.
» He also said he didn't fancy BAE Systems as a merger partner and that the relationship was over. None of Condit's flirting — the UK's prime contractor was just “chucked”. And he has uncomplimentary reflections on Europe's aerospace effort, spearheaded by Eads and Airbus (of which Eads owns 80 per cent). »
Pour les Britanniques, la réponse de Stonecipher, autant dans le ton que dans la forme, ferme définitivement les portes à une grande opération transatlantique, style UK-USA. Cela conduit à un climat étrange à Londres, où la politique la plus pro-américaine depuis longtemps, accompagnée d’affirmations catégoriques concernant le sort de BAE, — du fameux «BAE is no longer British» aux considérations sur une complète américanisation de BAE, — est désormais “doublée” par une réalité de plus en plus européenne. C’est le cas au niveau des acquisitions, où les contractants européens sont favorisés, comme pour le marché des ravitailleurs en vol.
Voici la dernière surprise de cette étrange évolution confirmant l’impossibilité de la coopération avec les USA, — plus la politique UK que nous qualifierons “d’apparence” est proche des Américains et désireuse de se rapprocher d’eux, moins ce rapprochement a lieu, — : il s’agit de la suggestion relevée ici et là que, finalement, pourquoi pas ?, BAE pourrait se tourner vers une solution européenne.
Passage choisi de l’Observer :
« In fact, Eads, with a market capitalisation of €12bn, is a fraction of Boeing ($50bn), and compares with Lockheed ($22bn), General Dynamics and Northrop Grumman (both about $18bn). Some senior figures in the UK industry are now saying that Eads, BAE and Thales should team up to create one European player capable of competing with the Americans. But that is not yet Stonecipher's problem. »
Cette allusion dans l’article de The Observer n’est pas passée inaperçue. Elle indique un réel climat, une évolution sérieuse en cours au Royaume-Uni, un tournant complètement paradoxal de BAE vers une orientation européenne. Différentes indications existent selon lesquelles des pressions officielles US se manifestent pour la revente de certaines grosses acquisitions américaines de BAE, — selon la logique bien américaine que, puisque BAE n’a pas réussi à se faire manger par un partenaire américain, personne n’ayant d’appétit à cet égard, BAE redevient aussi suspect qu’un vulgaire français, et qu’alors il serait préférable de revendre.
La démonstration est époustouflante de rapidité, de la fausseté générale et fondamentale de toute tentative sérieuse transatlantique dans le domaine des armements. Même chose pour la politique Blair du “pont transatlantique” ; que faire lorsqu’une des rives s’éloigne ? (Et l'on pourrait ajouter la triste cerise sur le gâteau de la marginalisation des sociétés UK dans l'attribution des contrats de reconstruction en Irak.)
La porte est ouverte pour une sérieuse affaire JSF au Royaume-Uni, c’est-à-dire la remise en question du choix de l’avion US. Dès lors que l’avion a des problèmes (c’est le cas), dès lors que les intérêts de l’industrie d’armement commencent à tourner le dos aux USA, le choix du JSF devient un sujet beaucoup plus contestable et qu’il devient de bonne politique de contester. Ceci est peut-être un signe : l’hebdomadaire Aviation Week & Space Technology du 9 février publie un long article sur les inquiétudes britanniques, où il écrit notamment que « Britain is being forced to revisit its assumptions as to its choice of a Joint Strike Fighter variant amid concern over performance aspects of the short takeoff and vertical landing version of the fighter.
» Worries over weight growth and its impact on the potential performance of the F-35B is resulting in the British Defense Ministry re-examining the rationale for its selection. The JSF will provide the platform for the navy and air force's Joint Combat Aircraft (JCA). »