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9 septembre 2005 — Il était logique d’attendre que l’opposition engendrée par la guerre en Irak et celle qui naît de la crise de l’ouragan Katrina convergent et se rassemblent. Un rassemblement prévu par le groupe ANSWER le 24 septembre devrait fournir le premier test populaire de cette convergence.
(La chose nous paraissait assez raisonnable à envisager dès le 31 août : « En un sens dont nous ne cachons pas la faveur que nous lui accordons, les effets politiques de “Katrina” pourraient rencontrer les effets politiques de l’opposition à la guerre en Irak qui commencent à se faire sentir aux USA. Si l’on veut résumer par une formule qui eut de la faveur in illo tempore, et qui ferait espérer que malheurs et morts innombrables ne sont pas complètement en vain: “‘Katrina’ et Cindy Sheehan, même combat”. »)
Un article du Washington Post d’hier rend compte de cette évolution :
« The calamity of Hurricane Katrina and criticism of the federal response are fast becoming a rallying cry in the antiwar debate.
(...)
» “From Iraq to New Orleans, fund human needs, not the war machine,” many of the protesters shouted in Lafayette Square last night. “We're reorienting the antiwar movement to make the connection between the vast expenditure for the war in Iraq and the woefully inadequate response to the victims of Katrina,” said Brian Becker, national coordinator for the ANSWER Coalition, which sponsored the rally.
(...)
» The New York offices of United for Peace and Justice, a sponsor of the Sept. 24 rally with ANSWER, have been inundated with calls from people who want to join the movement because of their dissatisfaction with the federal response on the Gulf Coast, said Leslie Cagan, national coordinator for the group. “Just in the past two or three days, the phones have been ringing off the hook here,” Cagan said. “I think this disaster is helping more people make the connections and see the ways this war is impacting our nation.” »
On trouve confirmé le constat qu’on pouvait faire aussitôt après la catastrophe (voir notre même F&C), qui est l’extrême politisation de tous les événements aux USA, et la politisation instantanée des réactions à cette catastrophe. C’est certainement ce qui rend Katrina complètement exceptionnel, qui en fait un événement historique: que cette calamité naturelle ait été aussitôt perçue en termes humains et politiques à la fois, c’est-à-dire en termes idéologiques fondamentaux qui renvoyèrent aussitôt à la très profonde division de l’Amérique. Ce phénomène se lit d’ailleurs dans les sondages sur le comportement de l’administration face à Katrina, qui renvoient à cette division politique. Les réponses des personnes qui répondent aux enquêtes sont plus appuyées sur leur perception politique de l’administration GW pour interpréter les événements autour de Katrina que sur leur perception directe des événements autour de Katrina:
« Although much criticism has been directed at officials on national, state and local levels about their handling of Katrina's aftermath, a new CNN/Gallup/USA Today poll shows Americans have mixed feelings about the response.
» Forty-two percent of respondents to the survey said “federal government agencies responsible for handling emergencies” had done a bad or terrible job, 20 percent said their response was neither good nor bad and 35 percent deemed it great or good. President Bush earned similar marks, with 42 percent rating his response negatively, 35 percent rating it positively and 21 percent choosing the middle option. The public was slightly easier on Louisiana officials; a small plurality gave their response favorable marks.
» More than 60 percent of those surveyed said they believed that progress made in dealing with the situation was satisfactory, while 35 percent said it was not. A 38-percent plurality said no one — not Bush, federal agencies or local officials — was to blame for the problems after the hurricane, and respondents stopped short of calling for anyone's head. Fewer than three in 10 said federal officials responsible for handling emergencies should be fired. »
La situation aux Etats-Unis est particulièrement politisée aujourd’hui, plus encore qu’elle ne l’était avant Katrina. C’est-à-dire que le pays est complètement et fortement divisé sur cette question comme sur le reste, et Katrina a même renforcé la vigueur de cette division ; cela représente naturellement un changement fondamental par rapport à l’attaque terroriste du 11 septembre 2001.
L’autre changement fondamental par rapport à 9/11, qui a pris corps ces derniers jours, c’est le complet renversement de l’attitude de la presse à l’égard de l’administration. Il s’agit d’un facteur important dans la mesure où il devrait contribuer à faciliter de façon décisive la circulation des positions politiques des uns et des autres, et surtout la circulation des critiques de l’administration et des positions des opposants structurels à l’administration GW (comme le mouvement anti-guerre qui veut capitaliser sur les réactions défavorables à GW après Katrina).
Toute autre chose est l’évolution psychologique des Américains, dont nous faisons grand cas dans nos textes. Il s’agit d’une évolution inconsciente, qui implique l’optimisme ou le pessimisme du sentiment et de la perception, qui ne se retranscrit pas nécessairement en soutien à Bush ou en opposition à Bush (le lien de cause à effet, s’il existe sans aucun doute, est très indirect et très insaisissable à définir et à prévoir). Néanmoins, on peut être assuré que cette évolution psychologique, si elle a lieu, contribuera à dramatiser fortement les oppositions et les affrontements, et elle pèsera de ce fait très fortement sur les décisions politiques et leurs conséquences.
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