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1462Parmi les hypothèses qu’on a jusqu’ici envisagées, essentiellement dans le cas d'une défaite de Trump qui est la thèse la plus généralement admise dans l’establishment, celle de Joe Klein, qui fut proche de l’équipe du président Clinton (au masculin) et qui est éditorialiste de Time ; elle est l'une des plus intéressantes, d’abord parce qu’elle est la plus détaillée et qu’elle ne fait pas appel à des événements de type “unknown unknowns” qui sont par définition imprévisibles. Un signe de son intérêt, sinon de son crédit voire de sa véracité, c’est que l’article fe Klein, paru en ligne le 21 octobre pour l’édition du 31 octobre de l'hebdomadaire, a été repris le 22 octobre par Breitbart.News dont on sait la proximité avec Donald Trump. Au reste, Klein affirme se faire ici l’écho de “bruits qui circulent dans les milieux républicains”, ce qui donne du poids à l'hypothèse.
(Inutile de dire mais toujours mieux en le précisant bien entendu, que ces événements de type “unknown unknowns” [coup de force, émeutes, etc.] signalés plus haut sont là, partout, à nous guetter, et que leur survenue, à tel ou tel moment, remettra complètement en question toutes les observations impliquées dans ce texte, aussi bien celles de Klein que les nôtres. Notre commentaire s’adresse à un autre commentaire fixé dans un moment donné, selon une hypothèse donnée, qui peuvent, – le moment et l’hypothèse, – changer en un instant, selon l’action éventuelle de tels ou tels “unknown unknowns”. Les commentaires seront alors à revoir, sinon à liquider, à mesure de ces changements.)
En quelques mots : Trump va sans doute perdre l’élection, ce qui est un mantra très populaire et constant dans l’establishment ; “which is good news”, précise Klein alors que nous avions évidemment compris parce que nous avons l’esprit vif et bien conformé. Après les “good news”, comme il se doit il y a les “bad news”, poursuit Klein : nous n’en avons pas fini avec lui (avec Trump) dans la politique US pour autant (s’il est battu, comme de bien entendu et il sera battu comme de bien entendu). Le scénario “le moins pire”, c’est un déchirement au sein du parti républicain sous son égide ; le “pire des pires”, c’est Trump décidant de créer et de lancer avec un éclat de showman dont il a le secret un parti doté d’une forte infrastructure et de ses propres moyens de communication, dont une chaîne de télévision. « Nous avons déjà connu cette recette depuis un certain temps, écrit Klein : une fusion de la politique et de l’“entertainment”, un parti politique qui serait aussi un réseau de communication et de TV, qui serait aussi un constant reality-show... »
Manifestement, c’est l’option qui est la plus souvent considérée, ce qui correspondrait bien au caractère entreprenant, égocentrique, difficilement partageux de notre The-Donald, n’imaginant pas une défaite pour son cas et donc évoluant de façon à faire de sa défaite à la présidentielle un marchepied pour faire quelque chose de plus gros que ce qu’il a tenté et lancer une OPA sur la vie politique des USA... « Ainsi oui, dit Klein qui ne cache pas une seconde son très décent attachement aux consignes–Système et à l’esprit qui en procède, Donald Trump peut perdre cette élection mais les forces de la décence politique, – aussi bien démocrates que républicaines, – pourraient bien se trouver sur la défensive lorsque la séquence actuelle sera terminée. »
On observera d’une façon générale que, dans l’option considérée (la défaite de Trump), le scénario évoqué semble tout à fait vraisemblable. Mieux encore, le fait même de cette évocation (son relais par Breitbart.News, par exemple) pourrait constituer un facteur d’incitation à l’égard de Trump qui, en bon businessman américaniste de type flamboyant, en viendrait rapidement si ce n’est déjà fait à considérer un tel projet comme un défi à relever. Sa psychologie montre évidemment qu’il ne peut s’empêcher de relever les défis, surtout les défis qui s’inscrivent dans la logique psychologique de l’américanisme ; on peut même aisément observer que cette forme de réaction constitue une part non négligeable de sa propre psychologie et de son caractère même. Par ailleurs, il est évident que ces rumeurs, entretenues ou non par lui, accentuent la panique que l’establishment entretient à l’égard de Trump et, par conséquent, satisfont infiniment son propre orgueil et sa vanité, ou son ego disons pour suivre le vocabulaire de convenance, et là aussi la circonstance l’inciterait à continuer après une éventuelle défaite le 8 novembre.
On ne peut exclure non plus, bien entendu, que Trump se soit révélé à lui-même une conscience politique, d’autant plus si cette “conscience” a eu comme incitatif des mouvements de foule qui entretiennent également l'assez haute opinion qu'il professe vis-à-vis de lui-même. Là aussi, les traits psychologiques évidents du caractère du businessman jouent à fond en faveur de l’entreprise anti-establishment (antiSystème) dans laquelle il s’est lancé. Attaquer l’establishment en tant que tel, quel plus beau défi pour un milliardaire qui bâtit sa fortune avec une technique et une philosophie de “joueur de casino”, – qui en valent bien d’autres, sans aucun doute ; certes, de quel plus beau banco pourrait-on rêver pour un homme de sa trempe ? On trouve ici un complément des observations précédentes, qui les renforcent bien entendu, et renforcent dans l’idée qu’effectivement Trump pourrait lancer une telle entreprise s’il était battu.
Le paradoxe général que mettent en évidences toutes ces supputations, et ce qui fait la force intrinsèque, fondamentale de Trump, c’est que, malgré tout, malgré sa rhétorique populiste, malgré son succès dans une dénonciation forcenée de l’establishment, Trump reste incompréhensible pour cet establishment parce que, jusqu’au bout des ongles, jusqu’au dernier fibre de lui-même, il est tout de même “l’un des leurs” (des 1% ou des 0,1% disons) ; c’est-à-dire qu’au fond d’eux-mêmes, chez tous, de Soros à Clinton, de Ryan au CEO de Goldman-Sachs, il y a ce constat obsédant : “Mais il est l’un des nôtres !”, et cette incompréhension catastrophique : “Comment peut-il nous faire ce qu’il nous fait ?” Pour nous, ce paradoxe finalement assez inconscient est la principale force également inconsciente de Trump, car le fait même (“Il est l’un des nôtres”) par rapport à son action a en profondeur et d’une façon toujours inconsciente un aspect subtilement paralysant sinon terrorisant pour la psychologie-Système de ses adversaires de l’establishment, sans qu’il en soit pris conscience et donc qu’on puisse réagir contre ses effets. (On doit le reconnaître, tout cela ferait les délices du docteur Freud...)
Effectivement, Trump n’a rien, absolument rien d’un populiste. (Quant à parler d’un Hitler ! Par pitié, Il faudra bien finir par nous soulager de cette sordide nullité de zombie-Système.) On pourrait certes avancer : mais cela, la défense anti-Trump de l’establishment, aura tout de même marché puisqu’il est battu. D’abord, il faut qu’il soit battu ; ensuite, même s’il est battu, ce qu’a accompli Trump en fait d’antiSystème est tout simplement colossal si l’on considère les forces liguées contre lui qui l'ont totalement isolé sans le décourager de rien ; et il a accompli tout cela dans le sens du populisme justement parce qu’il n’est pas un populiste, parce qu’il est une créature de l’entertainment qui sait faire marcher le spectacle et un businessman qui sait faire valser le fric, bref parce qu’il est “l'un des nôtres”, – toujours ce mystère insupportable. Imaginez la jouissance absolue de son ego, les tirades héroïques qu’il doit s’adresser à lui-même, à se parler à lui-même, à se dire qu’il fait triompher le populisme alors qu’il n’est absolument pas un populiste, réalisant ainsi un exploit sans égal du point de vue du joueur de casino... Imaginez aussi l’aspect catastrophique de ce constat dans le caractère d’une menace obsédante qu’il implique pour l’establishment dont on connaît les divisions et les haines internes : finalement la meilleure recette pour faire exploser l'establishment par l'agression du populisme, c’est la détermination contre-nature d’un homme de l’establishment contre cet establishment. Sublime vaiation de l'obsédante équation surpuissance-autodestruction du Système.
Et c’est précisément pour cela, à cause de sa psychologie absolument extrême dans ses aspects de vanité, de joueur de casino, d’amateur de banco pour rafler toute la mise alors qu’on le voit perdant, – ce qui est exactement les règles de fonctionnement de la “financiarisation” du monde postmoderne, – c’est pour tout cela qu’on peut envisager un après-8 novembre très actif dans le chef d’un Donald Trump dans l’hypothèse de sa défaite. On peut accepter effectivement cette idée qu’il y a de fortes chances qu’il lance des projets gigantesques s’il est battu le 8 novembre, comme au casino, pour construire un nouveau parti dont il espèrerait qu’il va désintégrer l’establishment, transformant ainsi une défaite tactique en un marchepied pour une grande victoire stratégique à venir... Ainsi pourrait-il commencer à mettre en place, dès l’après-8 novembre une machine de guerre médiatico-politique axée sur une communication exubérante pour contribuer à rendre impossible le mandat de la président Clinton, qui a tant de points de vulnérabilité. Il réussirait aussi bien à faire un super-FN Made In USA, c’est-à-dire un FN qui imposerait sa loi, sa légitimité, son look, un FN plein de paillettes et de bling-bling qui deviendrait à la mode, qui figurerait dans les feuilletons-TV et dans la la TV-réalité comme le dernier chic, en forçant le fric de la publicité à suivre et au galop, – c’est-à-dire un FN post-postmoderne pour pulvériser la postmodernité, pour le fun, pour le banco... Tragédie-bouffe absolue : il ne resterait plus à Hollywood, qu’il (The-Donald) rachèterait en bonne partie, à l’encenser dans ses blockbusters.
Et enfin, post-scriptum d’une nécessaire prudence, – s’il gagnait puisque, malgré tout, l’élection n’a pas encore eu lieu ? Alors, dans cette occurrence nous le concédons sans aucune restriction : c’est le mystère complet, et même Joe Klein en perdra sa plume bon chic bon genre, lui qui fait partie des « forces de la décence politique, – aussi bien démocrates que républicaines ». A ce moment-là, le mot “décence” devra entreprendre une révision générale avant de pouvoir prétendre avoir à nouveau un sens. Personne, même pas Trump, – surtout pas Trump, – ne saura ce qu’il en adviendra et ce qu’il adviendra. Mais lui, Trump, trouvera cela très fun, – et banco !
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Donald Trump will probably lose this election, which is good news. Here’s the bad news: that loss may be just the beginning of Trump’s toxic presence in American political life. Nightmare scenarios are floating through Republican circles. The best cases posit a bitter and continuing Republican civil war between the Trump and “Establishment” factions of the party. The worst cases involve a clean break, a new right-wing populist party, anchored by a Trump-Breitbart-Ailes media empire. The mud generated by this new faction, fed by WikiLeaks and the Russians, could splash across the political spectrum, creating a perpetual fever swamp of conspiracy theories and calls for special prosecutors, crippling a Hillary Clinton presidency. Goth politics may be the new normal.
But: whoa, Joe. American politics is supple and enduring; a two-party system is our natural way. A century ago, populists and progressives threatened to upend the natural order, but their best ideas were assimilated into the existing structure. There were Dixiecrats and Henry Wallace leftists threatening the Democrats in 1948, but Harry Truman prevailed. Cooler heads usually do. Compromises are made. Tectonic transformations may occur, but they happen slowly–the last major one, beginning in the 1960s, moved Southern conservatives out of the Democratic Party. It’s probable that Trumpism will be sorted out and sanded down, just like other populist movements. We are not a cataclysmic people. Too much prosperity and stability is at stake.
Or maybe not. We live in the golden age of marketing. We are a society of postmodern tribes, organized by cable networks: Fox, ESPN, QVC, MTV–you name it. Fortunes are made by the discovery of a new niche. All you need are 10 million devoted viewers and you can make a lot of money. So let’s say, for the sake of argument, that Trump wins 50 million votes on Election Day–a losing total, and probably the low end of his expectations. Let’s also stipulate that at least half of those voters are reflexive Republicans who will hold their noses and vote for their party’s nominee. That leaves up to 25 million hardcore Trumpists as the potential market for a new network. There are reports that Trump’s son-in-law Jared Kushner is trying to find investors. Trump’s campaign orbit–a ridiculous political operation–looks far more plausible as a communications company: Steve Bannon of Breitbart, Roger Ailes and Roger Stone. Even Newt Gingrich is more plausible these days as a performer than as a politician.
And then you have the impending post-Ailes shake-up at Fox News. The Murdoch brothers, Rupert’s sons, reportedly want to take the network into a newsier realm, featuring less polarizing stars like Megyn Kelly, Chris Wallace, Bret Baier and Shepard Smith. That would leave a superhighway of market possibilities for a new Trump news, lifestyle, celebrity and reality network, featuring the likes of Sean Hannity, Laura Ingraham and who knows who else? The Duck Dynasty crowd? Ultimate fighting? Billy Bush? We’ve been heading this way for a long time: a fusion of politics and entertainment, a political party that’s also a network that’s also a reality-TV show.
But what about politics for the rest of us? Is there a potential home for those who take the complexities of democracy seriously? One thing you can safely predict is that the Republican Party’s leaders will try to establish their bona fides, and hold on to the Trump crowd, by stomping on Clinton from the moment she declares victory. There is talk of blocking all Supreme Court nominees until the court withers down to a seven-person bench with a conservative majority. There will be tremendous pressure on Paul Ryan not to cooperate with Clinton, even though very real progress can be made on economic and foreign policy. (You can bet that Clinton will be tough on the Russians, and perhaps the Chinese.) There will also be tremendous pressure on Clinton not to cooperate with Ryan. If nothing else, the WikiLeaks emails have exposed Clinton as a natural moderate, which will not please the growing number of socialists in Democratic ranks.
Moderates in both parties are at a disadvantage in this new political landscape. The extremists have already won the first round of the marketing battle: moderates are routinely called the Establishment and elitists and globalists rather than sane or reasonable people. A willingness to compromise is seen as a moral deficiency. So yes, Donald Trump may well lose this election, but the forces of political sanity–Democrats and Republicans alike–could find themselves on the defensive when it’s over.