Bavardages en stock

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Bavardages en stock

Spectacle de foire, caniche et navet.

L’histoire opposait le heel et le face invariablement, le voyou et le gentil. Puis les fédérations ont acquis un poids économique suffisant, les rôles se sont diversifiés, mis au goût du jour, les personnages ont été empruntés aux bandes dessinées ou à la galerie des stars musicales.

L’attraction de foire, d’artisanale qu’elle était en Europe, est devenue une activité de l’industrie de l’« amusement » aux Usa avec des chaînes télévisuelles qui lui consacrent des programmes payants et la greffe inévitable dans une société capitaliste des paris sur l’issue des combats.

L’importance de la masse musculaire des lutteurs n’était pas dépendante d’hormones anabolisantes quand maintenant le squelette des compétiteurs peine à porter la charge pondérale fabriquée par la pharmacopée pour répondre à la norme esthétique du genre.

Dans l’exercice de leur métier, les catcheurs font preuve à la fois d’adresse et de talent de comédien. De longs discours adressés au public sur le mode happening sont insérés dans les séquences du scénario du combat sur le ring ou en dehors des cordes.

L’activité des dirigeants politiques s’apparente en plus d’un point avec l’agitation jouée par les lutteurs professionnels.

Ils font mine de s’égratigner, le sang coule rarement.

Tout leur art consiste à maquiller l’entente préalable et à lire d’une manière qui devrait être convaincante les textes écrits par d’autres sur leur téléprompteurs.

Ils peuvent emprunter leurs masques dans des bestiaires, Tony Blair n’a pas hésité à jouer le caniche menteur, Sarközy s’est inspiré du vibrion cholérique, d’aucuns puisent dans les potagers ou les vergers, Hollande louis-philippard hésite entre le navet et la poire.

Ils sont choisis par le système et en sont les officiants. Leurs numéros sont répétitifs, droitdelhommesques et prétendument exécutés pour les ‘valeurs’ de liberté et démocratie, insipides en dehors de quelques-uns qui resteront historiques par leur cynisme ridicule. Celui de Bush affirmant sur le porte-avion USS Abraham Lincoln que ‘la mission est accomplie’ ou que le travail est terminé comme le ferait une sage-femme certaine d’avoir aidé à mettre au monde le monstre de la guerre sans fin en Irak et dans tout l’Orient arabe. Celui de Sarközy tressaillant des épaules pour annoncer l’assassinat de Muammar Qadhafi qui sera suivi de la disparition de l’État libyen ou encore du roquet Fabius attribuant à Bashar al Assad un non permis de séjour sur terre.

Le réseau de la NSA aspire toutes ses données grâce aux yeux et aux oreilles des services publics et privés de tous les pays servants appelés poliment alliés.

Cryptées ou non, elles transitent par des chemins obligatoires sur lesquels il semble aisé de poster des veilleurs capables de les dupliquer sans entraver leur marche.

La prouesse technologique consiste plutôt dans la capacité de stockage des flux incessants et plus encore celle qui consiste à en extraire l’information utile. Pour cette performance, le doute est recommandé quant à la pertinence de cette surveillance en matière de ‘terrorisme’ allégué quand il n’est pas fomenté ouvertement alors que l’espionnage industriel doit être relativement efficace.

Le sommet extraordinaire arabe tenu à Casablanca en août 1985 a été écouté en direct à Tel Aviv, les micros de tous les chefs d’État arabes étaient reliés à une table d’écoute du Mossad, c’est dire l’âge de ce type d’intrusion. L’hypothèse que l’hôte l’ait favorisée est très probable.

“Et qui oserait me condamner dans ce monde sans juge où personne n’est innocent ?”

En arrière-plan, se profile une guerre, fausse vraie cyber-guerre ou vraie fausse ?

Dès juin 2010, le virus Stuxnet a été identifié. Il a donné sa pleine mesure en 2011 et 2012, prenant la main sur des ordinateurs qui gèrent des industries nationales. Sa complexité a laissé supposer que sa confection a nécessité l’intervention de plusieurs États, la rumeur a désigné les Usa et Israël parce que le contrôle des centrifugeuses des sites nucléaires iraniens aurait été usurpé. La maîtrise de sa virulence a échappé à ses auteurs car l’épidémie s’est étendue à des structures non ennemies en principe, l’Inde en a notablement souffert.

L’apparente complexité du réseau internet limite actuellement le recours à ce type d’infection comme arme offensive, probablement par l’universalité des séquences cibles.

En janvier 2010, le moteur de recherche chinois Baidu, 55% du marché chinois, avait subi une attaque informatique qui a pris comme cible son DNS (Domaine Name System) administré depuis les Usa par le gestionnaire de domaine Register.com. Il a déposé plainte devant les tribunaux de New York et a demandé des dommages et intérêts.

En avril 2010, la Chine a fait montre de sa capacité à pirater le trafic internet. L’incident a duré 18 minutes au cours desquelles 15% du trafic mondial a été détourné vers des serveurs chinois. Le trafic en direction ou à partir de sites du gouvernement étasunien et de son armée aurait été dérouté par China Telecom.

Toutes sortes d’attaques sur internet, politiques ou non, pratiquées parfois par de très jeunes gens, sont fréquemment perpétrées, démontrant que l’inviolabilité des données internet est illusoire malgré toutes les sécurités prises par les firmes et les États.

Les réseaux de communication font de cette planète une vraie maison de verre, transparente et aisée à briser.

Tout ce qui transite par fibre optique, câble téléphonique est susceptible d’être approprié par les nouveaux corsaires.

Faut-il se ranger au vieux dicton arabe : ‘La parole que tu ne profères pas, tu en es le maître, celle qui sort de ta bouche, tu en es l’esclave’. Tous les dirigeants arabes sont surveillés, écoutés et enregistrés, plus pour des raisons commerciales que stratégiques. Seul le Hezbollah échappe à la règle car disposant de ses propres réseaux filaires mais il concède des traces électroniques pour ne pas laisser apparaître de trou dans le recueil de la NSA et du Mossad.

Ou bien continuer à tout dire, le vrai pour qu’il soit pris pour du faux, le faux pour qu’il soit compris comme vrai ?

Depuis Snowden, rien n’est plus comme avant parce que tout le monde sait que tout échange verbal écrit ou oral émis appartient au domaine public. Le contrôle par la famille, le clan, la tribu passait pour archaïque et oppressant quand l’individualisme a été institué valeur suprême. Ici, quand vous ne livrez pas de votre plein gré votre intimité à Zuckenberg, les multiples dérivations qui collectent des octets le font pour des États, des groupes d’États et surtout des firmes.

Il n’est pas certain que la notion même d’État au sens d’organisation locale avec une souveraineté politique fondée sur l’existence d’un peuple défini culturellement et historiquement soit encore valide dans les décennies à venir. Le désengagement continu de celui-ci de son rôle social depuis les années soixante-dix du siècle dernier et accéléré depuis les faillites bancaires évitées en 2007-2008 par un endettement colossal le réduit à une collection de communautés que l’on destine à l’affrontement.

Tigre édenté en papier

Les prévisions (si elles ont un sens en période chaotique) de l’OCDE octroient à la Chine populaire le rang de première puissance économique dans deux ans. Malgré son adoption d’un capitalisme de copains coquins lardé de népotisme et de corruption à l’image de l’occidental, son poids d ‘un milliard et demi d’humains fera d’elle – avec l’Inde – un pôle technologique et scientifique d’une autre envergure que celle des Us(a). Les États unis d’Amérique du Nord sont en train de perdre leurs avancées parce que leur système d’instruction ne forme plus correctement les générations futures.

Les compétences en mathématiques des élèves étasuniens les classent au 24ème et dernier rang des pays de l’OCDE dans la plus récente enquête PISA qui s’est achevée en 2012. La recherche fondamentale publique n’y dispose plus de fonds suffisants pour des raisons de rigueur budgétaire. Les étudiants sont surendettés et les doctorants qui sont la source de percées scientifiques ne bénéficient pas d’allocations d’études.

La Chine au contraire consacre de plus en plus de ressources pour son secteur Recherche et Développement, dès 2011 elle a éclipsé le Japon comme deuxième pays allouant le plus de fonds en R&D. Entre 2000 et 2008, le nombre d’ingénieurs a doublé, passant à 1,59 millions ce qui tout en étant peu en proportion de la population est énorme en chiffre absolu (2).

Il est à noter que 8 parmi les 9 membres du Comité permanent du Bureau Politique du PCC, instance la plus puissante dont les décisions ont force de loi, ont un niveau de formation d’ingénieurs, versus des khâgneux, de vagues avocats ou des diplômés en ‘sciences politiques’ ou en droit en Occident.

Exposée à des conflits sociaux d’une ampleur proportionnelle à la disparité de la répartition des richesses, la Chine tente d’amortir la baisse de sa croissance industrielle en tournant sa production vers son marché intérieur. Ce faisant, elle a amorcé la pompe dangereuse du crédit, dette des entreprises et dette des particuliers dont le foyer principal gît dans le secteur immobilier.

Pendant que le successeur de Ben Bernanke s’apprête à poursuivre la politique monétaire de l’argent imprimé sans contrepartie et prêté à taux zéro pour les institutions financières, la Chine achète de l’or métal, 2200 tonnes ces deux dernières années.

En dehors d’un conflit mondialisé qui ferait disparaître brutalement l’humanité (1), dans dix ans, la promesse énoncée à l’occasion dérisoire de l’arrêt provisoire du fonctionnement de la fédération étasunienne par l’agence de presse officielle de Chine Nouvelle sera tenue dès 2023.

Le monde sera désaméricanisé et sans doute ce nouveau siècle déjà largement sinisé basculera vers l’Orient sans secousse sous la férule de lettrés rompus aux arts martiaux de l’utilisation douce de la force de l’adversaire pour le terrasser.

N’y aurait-il pas assez de places ni de parcs sur ce vieux continent pour que les peuples qui y vivent y expriment leur mécontentement du spectacle forain dégradé qu’ils subissent ?

Et surtout, qu’ils imposent des règles d’un jeu équitable, impossible à truquer pour le bien-être de tous ?

Taksim Parki et Maydan Tahrir resteront-ils des phénomènes exotiques et sans lendemain ?

Badia Benjelloun

Note

(1) La dispute avec le Japon à propos de l’archipel Sensaku-Diaoyu est malhabilement entretenue par les maîtres du monde. Le dévoilement de la flotte des sous-marins à propulsion nucléaire (et furtifs ?) chinois vient de produire son effet dissuasif, il assurera la souveraineté des eaux territoriales chinoises.