Ben Laden, comme victime du “printemps arabe”

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La localisation et l’identification de Ben Laden ayant conduit à l’attaque US et à sa mort semblent montrer la complète coopération du Pakistan. C’est l’ISI lui-même, le fameux service de renseignement pakistanais, qui aurait guidé le commando US. La chose a d’abord enchanté les commentateurs US, persuadés que l’ISI et le Pakistan cédaient enfin à la vertu et à la justesse de la cause américaniste. Puis, comme il s’avère que ben Laden résidait depuis un certain temps dans une maison fort bourgeoise, semble-t-il au vu et au su des Pakistanais, sinon avec leur soutien constant, on commence à se demander si le Pakistan n’est pas un allié malgré tout fort incertain et fonctionnant selon ses propres intérêts…

D’où un mouvement, à Washington, pour “poser des questions sérieuses” au Pakistan. Cette comédie pakistanaise de Washington dure depuis dix ans et bien au-delà, on ne s’en étonnera donc pas… Les “questions” pourraient d’ailleurs porter également sur les services divers de sécurité nationale des USA, dont le renseignement certes, qui “cherchent” paraît-il ben Laden depuis dix ans et qui ne l’ont pas repéré dans sa maison d’Abbottabat, à 65 kilomètres d’Islamabad. Ce que “Spengler”, sur Atimes.com le 3 mai 2011, résume par son premier paragraphe d’entame de son texte…

«More surprising than the death of Osama bin Laden on Monday was the fact that he lived unmolested in a mansion in Abbottabad, about 65 kilometers north of the Pakistani capital Islamabad. How many Pakistani officials and others must have known about this? “America can do whatever we set out mind to,” President Barack Obama intoned in his May 1 announcement of Bin Laden's death at the hands during a strike by Pakistani and American special forces. Not, apparently, without a little help from its friends, and remarkably belated help at that…»

“Spengler” poursuit en analysant la situation opérationnelle d’al Qaïda, notamment par rapport à l’Arabie, dans le grand chambardement en cours au Moyen-Orient. Il trouve là l’explication qu’il cherche de l’élimination de ben Laden. Cela s’est fait parce que ben Laden a été lâché par les pays musulmans qui le soutenaient à peine discrètement jusqu’ici, c’est-à-dire deux grands pays musulmans alliés des USA…

“Spengler” estime que l’Arabie, qui soutenait ben Laden en échange d’une relative inactivité terroriste contre elle, a déterminé que ce soutien devenait, dans la nouvelle situation au Moyen-Orient, plus dommageable qu’avantageux. “Spengler” s’en explique. Tout cela n’a rien à voir, ni avec les USA, ni avec l’œuvre de justice que poursuit cette grande puissance depuis 9/11. Tout cela a à voir avec les remous formidables du monde arabo-musulman, avec l’Iran, dont l’Arabie a une peur bleue, avec le Pakistan, dont l’Arabie veut s’attacher les services dans son travail urgent de renforcement. L’Arabie veut un soutien militaire direct du Pakistan, en engageant des soldats pakistanais dans sa Garde Nationale, voire en envisageant de demander un accès au nucléaire pakistanais. Les arguments saoudiens sont toujours les mêmes, de la part de ce pays qui semblerait être l’inventeur de la corruption absolue, si la corruption n’était la plus vieille activité politique du monde : l’argent, l’argent, l’argent… L’argent, dont l’armée pakistanaise a le plus urgent besoin ; l’argent saoudien qui, selon “Spengler”, aurait fourni la commandite de la liquidation de ben Laden, presque sous la forme d’un “contrat” en bonne et due forme.

«…In short, while al-Qaeda had drawn funding from both Saudi and Iranian sources, in present circumstances its activity tended to serve Iranian rather than Saudi interests. Support for terrorism, moreover, is a two-way street: precisely because Saudi Arabia was “a critical financial support base for al-Qaeda”, Saudi intelligence knows something about the recipients of their money.

»The Saudis, moreover, have an interest in cleaning up the terrorist associations of the Pakistani military. As the Saudi cold war with Iran grows increasingly hot, Riyadh may look towards Islamabad for military support. Asia Times Online has reported that the Bahrain National Guard already is recruiting Pakistani mercenaries…

»And there is speculation that Saudi Arabia in a pinch might ask for Pakistani troops, and also that Riyadh might source nuclear weapons technology from Pakistan to counter Iran's nuclear program. Where else might the Saudis go for support in a war with Iran? The Saudis cannot trust the United States. King Abdullah reportedly was enraged that Obama pulled the rug out from under Mubarak, a longstanding American ally. And they cannot trust the Turks, who have become the region's spoiler.

»Pakistan's military capacity and urgent need for money make it the Sunni power most amenable to Saudi interests. That is one more reason to clear the deck of unreliable elements like Bin Laden.

»Ironically, Bin Laden appears to be a casualty in the great Arab breakdown of 2011. We can only guess as to the details of his demise, and may never know the entire truth. But it is a fair conclusion that he was crushed between the tectonic plates now shifting in the Muslim world.

»That makes American self-congratulation over the killing a bit unseemly. American special forces may have been the proximate cause of Bin Laden's violent death, but the efficient cause is a great strategic upheaval that America does not yet understand, and is not prepared to respond to.»

La thèse de “Spengler” est intéressante en ce sens qu’elle met bien les USA à la place qu’ils occupent : dépassés, incapables de rien entendre à l’évolution de la situation, accrochés à la célébration hystérique d’événements d’un passé déjà lui-même entièrement construit selon leur virtualisme… Effectivement, la mort de ben Laden est totalement un événement du passé, le présent et l’avenir se trouvant dans l’évolution des pays arabo-musulmans dans la dynamique grondante de la chaîne crisique. Dans la Grande Crise actuelle, si les Saoudiens apparaissent comme les prodigieux dépositaires du fondement corrupteur du Système, les acteurs américanistes y figurent comme des seconds rôles, des provinciaux attardés et de plus en plus dépassés, gavés de célébrations d’eux-mêmes et de films hollywoodiens de la grande époque, – “celle des studios de l’Âge d’or”, – et qui disparaîtront sans vraiment laisser de trace.


Mis en ligne le 3 mai 2011 à 07H46