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51742 août 2018 – J’ai, avec la “théorie du complot” la même sorte de relations que j’ai avec le genre humain et je porte sur elle le même regard. Qu’il y ait des complots c’est assuré ; qu’ils réussissent c’est une autre paire de manches bien qu’il y ait des exceptions souvent dues à des circonstances imprévues ; croire qu’ils tiennent la clef de l’énigme du monde c’est croire au simulacre suprême échafaudé par la raison rationnelle, exactement comme l’espèce humaine. Voilà ma recette, qui permet de garder mes distances sans pour autant ignorer le phénomène, surtout dans cette époque où ceux qui dénoncent le “complotisme” sont pris d’une frénésie hypermaniaque de complotisme (Russiagate, populisme, etc.).
Là-dessus, l’ami Bonnal m’indique un article sur “l’affaire d’Etat/l'affaire de l’été” qu’il juge intéressant et que je vois signé du nom de Régis de Castelnau. Une consultation rapide du Wikipédia m’apprend que c’est un avocat d’un âge déjà respectable, largement engagé à gauche, un temps avocat du PCF ; qui plus est, pour corser l’affaire, petit-fils du général Edouard de Curières de Castelnau, catholique affirmé surnommé “Le capucin botté”, ce général fameux qui fut avec le Premier ministre Briand le véritable organisateur à l’origine de la volonté de résistance française à Verdun en février 1916, qui méritait le maréchalat autant que Lyautey, Joffre, Foch et Pétain, qui ne l’obtint pas à cause de ses convictions religieuses, qui s’opposa à Vichy et soutint la Résistance jusqu’à sa mort en 1944. Voilà donc un pédigrée acceptable.
Je lis l’article recommandé par Nicolas et le trouve effectivement d'un intérêt certain. Il s’agit d’une reprise argumentée, par un spécialiste du droit autant que par un connaisseur des choses politiques, de notre désormais fameux “Benallagate” : « Macron : une erreur de casting ? », sur son site Vududroit.com, le 27 juillet 2018. Il décrit une sorte de complot très dans l’air du temps de notre Vème République hébétée et rapiécée de partout. Il est assuré que lorsque l’on se trouve dans cet état, une des occupations qu’on doit mettre dans ses favorites est celle de comploter ; qui plus est, cela nous rapproche encore de notre cher “modèle américain”, jusqu’à l’effet de miroir puisque les complots et simulacres se font entre factions du Système. On imagine combien je goûte l'idée de ces luttes fratricides qui nous disent que la surpuissance du Système est la clef de son autodestruction.
C’est une thèse séduisante pour moi qui y voit un argument de plus pour mesurer l’« élargissement du domaine du “rien” », que de faire de Macron une sorte de créature fabriquée par le cabinet postmoderne des héritiers spirituels à plusieurs titres du docteur Frankenstein (les docteurs Pinault, Attali et Minc signale Castelnau) ; laquelle créature, comme c’est l’usage et comme l’original, aurait échappé à ses créateurs. Il va falloir commencer enfin une enquête intéressante, la recherche des boulons divers qui doivent parsemer le crane de notre jeune président Macron. Nous voilà soupçonneux jusqu’à l'extrême, jusqu'à nous exercer à penser que le “Bellanagate” n’est pas venu de “rien” même s’il contribue à “l’élargissement…” ; et qu’il est fait pour durer, c’est-à-dire pour nous revenir dans la chronique à la rentrée, avec entretemps quelques fuites ici ou là, pour pimenter notre canicule.
Ainsi donc, j’inscris l’article de Castelnau dans ce Journal-dde.crisis pour montrer l’intérêt personnel que je porte à notre chère République qui semble devenir, comme l’on dit aujourd’hui fort élégamment, une “démocrature”, et dans ce cas plutôt dans le genre caricatural. Du coup, prédisent les augures, il pourrait y avoir insurrection (Minc, cité par Castelnau, dans une interview peut-être prémonitoire, qui sait, le 8 juillet 2018 : « L’inégalité est trop forte, nous risquons une insurrection. »).
PhG
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Emmanuel Macron semble avoir décidé de traiter ce que l’on appelle « le Benallagate » avec sa désinvolture habituelle. Cet homme trop sûr de lui ne semble pas comprendre grand-chose à la politique. Pour s’être frotté à quelques oligarques, il s’imagine que le président de la République n’est qu’une sorte de PDG aux pouvoirs de potentat. Ses dernières saillies de cour de récré, d’abord en forme de bras d’honneur avec la phrase « qu’ils viennent me chercher ! », et ensuite avec la bravade sur sa fierté d’avoir embauché son gorille, outre qu’elles sont objectivement consternantes, constituent autant d’erreurs tactiques.
Qu’on le veuille ou non, la première a provoqué la réponse du juge d’instruction, le lendemain, avec la perquisition dans les bureaux de l’Élysée. Hérésie juridique à laquelle il était dans l’incapacité politique de s’opposer. Encore bravo ! Et ce comportement, fruit d’un mélange de narcissisme puéril et de mépris social a nourri depuis quelques semaines l’hypothèse de l’erreur de casting. Les interventions de certains de ses parrains, à commencer par le premier des oligarques français, François Pinault, suivi par les gardes flancs que sont Jacques Attali et Alain Minc, témoignent de leur perplexité, face, non pas à ce que le jeune roi ferait, mais à la façon dont il le ferait. Le choix du terme « insurrection » par Minc n’est sûrement pas dû au hasard. Emmanuel Macron fit répondre à Pinault par Ferrand de manière insultante. Il a eu tort, oubliant qu’il ne faut jamais négliger les signaux faibles.
C’est pourquoi il faut essayer de comprendre le pourquoi de la volte-face du journal Le Monde, jusque-là soutien assidu d’Emmanuel Macron, qui a envoyé un sacré missile avec la révélation de l’existence et du comportement du chouchou du président. Ne nous laissons pas impressionner par les éléments de langage des godillots, et la risible invocation de l’article 73 du code de procédure pénale. Il faut quand même rappeler la brochette de graves infractions manifestement commises à cette occasion. De façon inattendue, quelques heures après la victoire en Coupe du Monde de football, en pleine période de congés d’été, l’étincelle lancée a embrasé la plaine. Que s’est-il passé ? La première interrogation c’est la raison du missile du Monde, ceux d’Ariane Chemin ne sont jamais gratuits. Les rafales de révélations qui ont suivi dans les deux jours montrent bien que le dossier était prêt. Et ne pouvait être seulement le fruit d’un travail de journaliste d’investigation. Règlement de comptes au sein de la sphère policière ou opération de plus grande envergure visant à affaiblir durablement le chef de l’État ? Impossible de répondre aujourd’hui, mais il est clair que quelqu’un a appuyé sur un bouton. Et qu’à la surprise générale de nombreuses forces par effet d’aubaine se sont mises en mouvement et ont convergé pour en faire une affaire d’État.
On rappellera à ce stade que la victoire d’Emmanuel Macron à l’élection présidentielle de 2017 est le fruit d’un ensemble d’éléments dont quelques-uns relèvent de l’opération concertée. Il y a le choix d’Emmanuel Macron par la caste de la haute fonction publique de l’inspection des finances – incarnée par Jean-Pierre Jouyet –, l’appui de l’oligarchie, l’incroyable soutien médiatique, et des moyens financiers considérables. Mais surtout le raid judiciaire organisé par le couple infernal Parquet national financier (PNF) et Pôle d’instruction du même nom contre la candidature de François Fillon. Lancé par Le Canard enchaîné, il a vu une partie de l’appareil judiciaire conduire une procédure à une vitesse sans précédent pour ce type d’affaires. En liaison, de façon grossière, avec la presse destinataire en urgence de pièces tronquées. Que Fillon ait été un mauvais candidat choisi par la primaire, et qu’il se soit défendu comme un manche n’est pas contestable. Cela ne change rien et s’il se trouve des gens ignorants ou de mauvaise foi pour le contester, tous les professionnels sérieux du monde judiciaire savent à quoi s’en tenir : le comportement du PNF et du Pôle financier était destiné à détruire le candidat de la droite républicaine. La seule question qui reste posée aujourd’hui est de savoir si la volonté des acteurs était de détruire Fillon présenté quasiment comme de droite extrême, ou de créer les conditions pour faire élire Emmanuel Macron. L’étonnante complaisance affichée par les mêmes instances par la suite vis-à-vis de l’entourage politique de celui-ci pourrait amener à retenir la deuxième hypothèse. En l’état, personnellement je ne choisis pas.
Le résultat a été de fausser le premier tour de l’élection présidentielle et de permettre à Macron de devenir président de la République grâce à moins de 18% des inscrits au premier tour qui était le seul qui comptait. Cette opération, qui a amené à l’Élysée un candidat inconnu et improbable au CV politique particulièrement léger, et à l’Assemblée une cohorte de parlementaires incompétents, a bien sûr particulièrement brutalisé les mondes politique et administratif existants. Emmanuel Macron est comme quelqu’un qui a gagné une fortune au Loto. Il est persuadé que ce sont ses qualités et non un concours de circonstances qui l’ont amené là. Ce concours de circonstances qui a imposé la fusion des deux composantes du bloc bourgeois, la nationale et la mondialiste. Comme l’avait fait à sa façon Valéry Giscard d’Estaing en 1974 quand il s’était débarrassé de Jacques Chaban-Delmas pour accéder à la présidence. Et comme rêvait de le faire Alain Juppé. Contraints et forcés, les loden-barbours qui avaient choisi Fillon à la primaire LR avaient dû se rallier, sans enthousiasme, voire avec résignation.
Narcissisme, ego boursouflé, autoritarisme et absence de véritable culture politique, Emmanuel Macron a adopté des comportements et des attitudes qui ont transformé, pour les battus, les humiliations en exaspération. Notamment devant le comportement incroyable de suffisance de la petite caste de ses amis, verrouillés dans le bunker de Bercy. Plus récemment, la gay pride pornographique dans la cour de l’Élysée, l’exhibitionnisme gênant de la célébration de la victoire en Coupe du Monde de football, le retour au galop d’un sociétalisme que les bourgeois de province exècrent, et quelques autres incidents ont sérieusement fissuré ce bloc bourgeois dont il ne faut pas oublier que le ralliement de la partie nationale fut contraint et forcé. En son sein, beaucoup des perdants de l’année dernière, battus aux législatives par des chèvres, sont avides de revanche. Il ne fallait pas croire non plus que cette façon de gouverner en solitaire entouré d’une petite poignée d’affidés et de favoris peu recommandables n’allait pas heurter l’administration française. Un État est aussi un monstre administratif, il ne se réduit pas à trois bureaux à l’Élysée et quelques petits marquis répartis entre la rue du Faubourg Saint-Honoré et Bercy.
Finalement, la révélation du journal de Matthieu Pigasse est entrée en résonance avec une sorte de climat insurrectionnel. Non pas au sein des couches populaires, qui en général détestent Macron mais pour l’instant comptent les coups, mais plutôt dans des secteurs divers de la bourgeoisie, des couches moyennes et de l’administration. Personne n’a envie de prendre les armes évidemment, mais on sent la rage et l’envie de régler des comptes. Et ce d’autant que, pour l’instant, le bloc populaire est divisé et les partageux silencieux. Le jeune roi se verrait-il présenter la facture de la mystification de 2017 et de son comportement ?
Que peut-il se passer maintenant ? Il est impossible de le prévoir. Mais l’on peut déjà constater que l’autorité de cette Assemblée nationale est anéantie et qu’il sera difficile pour le pouvoir de poursuivre sa destruction de la Constitution et son programme d’atteintes aux libertés. C’est déjà une bonne nouvelle. L’une des clés de la suite réside aussi dans l’attitude de la justice. Car la diversion de l’Élysée qui tend à focaliser sur la « faute » commise par Benalla ne devrait normalement déboucher que sur une impasse. Le problème ne réside pas dans les violences exercées par celui-ci, mais dans le fait qu’il fut présent en violation de toutes les règles, et en commettant avec d’autres plusieurs infractions invraisemblables. Et ça, c’est la responsabilité d’Emmanuel Macron. Qu’ensuite ce favori au comportement douteux ait pu bénéficier, ce qui est le problème essentiel, de tout un tas d’avantages, dont certains loufoques, et en tout cas illégaux et inacceptables, par la seule volonté du prince, sans qu’aucun fonctionnaire d’autorité ne fasse son devoir en s’y opposant… Mais qui sont ces gens ?
Et que, de la même façon, les infractions commises par Benalla aient été couvertes par l’Élysée… Pas de dénonciation au parquet, absence évidente de sanction au contraire de ce qui nous est dit, poursuites des agissements du gorille. De tout ceci, les personnes concernées devront en répondre. Devant la justice, si celle-ci fait son devoir. Je considère pour ma part qu’avec le raid Fillon et le soutien apporté par la hiérarchie et les syndicats de magistrats à l’opération, l’institution judiciaire s’est lourdement déconsidérée l’année dernière. Elle ne s’est pas reprise avec les complaisances dont ont bénéficié les amis d’Emmanuel Macron.
Avec l’affaire Benalla, qui n’est en fait qu’une affaire Macron, et l’intérêt enfin porté par les juges d’instruction au comportement de Madame Pénicaud à la tête de France business, il semble tout de même qu’il soit possible de faire preuve d’un peu d’optimisme…
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