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1047C’est la première fois que, d’une manière publique et très substantive, le président de la Federal Reserve, Ben Bernanke, prend la plume. Cela se passait dimanche, le 29 novembre 2009, dans le prestigieux Washington Post. L’occasion n’est pas mince. Bernanke veut avertir l’establishment que les attaques du Congrès contre la Fed constituent un grave danger pour l’équilibre et le bon fonctionnement d’un des piliers du système.
Son avertissement va à ceux qui, au Congrès, veulent, selon lui, “le changement pour le changement”, et non le changement pour que les choses marchent mieux (selon ses conceptions à lui, Bernanke, et pour le bien de la Fed). «For many Americans, the financial crisis, and the recession it spawned, have been devastating – jobs, homes, savings lost. Understandably, many people are calling for change. Yet change needs to be about creating a system that works better, not just differently.»
D’où son attaque contre le Congrès, qui constitue l’essentiel de son message, le reste étant un catalogue des mesures vertueuses que la Federal Reserve se préparer à prendre pour le bien d’elle-même, pour éviter que ce produise à nouveau ce qu’elle a a puissamment aidé à se produire (Bernanke reconnaît la chose: «The Federal Reserve, like other regulators around the world, did not do all that it could have to constrain excessive risk-taking in the financial sector in the period leading up to the crisis»)…
Cela donne ceci: «These matters are complex, and Congress is still in the midst of considering how best to reform financial regulation. I am concerned, however, that a number of the legislative proposals being circulated would significantly reduce the capacity of the Federal Reserve to perform its core functions. Notably, some leading proposals in the Senate would strip the Fed of all its bank regulatory powers. And a House committee recently voted to repeal a 1978 provision that was intended to protect monetary policy from short-term political influence. These measures are very much out of step with the global consensus on the appropriate role of central banks, and they would seriously impair the prospects for economic and financial stability in the United States. The Fed played a major part in arresting the crisis, and we should be seeking to preserve, not degrade, the institution's ability to foster financial stability and to promote economic recovery without inflation.
»The proposed measures are at least in part the product of public anger over the financial crisis and the government's response, particularly the rescues of some individual financial firms…»
RAW Story, le même 29 novembre 2009, signale la réaction de l’inévitable Ron Paul, le chasseur de Fed par excellence, l’un des plus actifs adversaires de Bernanke au Congrès avec sa loi H.R.1207, qui vient de franchir un pas décisif en étant approuvée le 19 novembre par 43 voix contre 26 par la commission clef des matières financières à la Chambre des Représentants. (Ce qui est notamment une des causes de l'intervention publique de Bernanke.)
«Congressman Ron Paul (R-TX), who has sought to audit the nation's largest bank for nearly 27 years, does not believe Bernanke's fears are substantiated. “There is no reason why the world can't know, eventually, what the Fed is doing,” he said recently. […] “[It] would require the Government Accountability Office to audit the central bank's interest rate policy, agreements with foreign governments, foreign central banks and the International Monetary Fund,” according to MarketWatch. “It also would permit audits of a roughly $800 billion Fed mortgage-backed securities purchase program, which could grow to $1.25 trillion, Paul said.”»
@PAYANT Cette intervention de Bernanke, cette fois largement dans le domaine public, au-delà même du cadre restreint des auditions devant les commissions du Congrès où il lui était arrivé ces derniers temps de mettre en cause certaines des initiatives en cours au Congrès à propos de la Fed, indique une réelle préoccupation du président de la Fed et du centre de pouvoir qu’il représente. L’avertissement doit moins être considéré du point de vue spécifique de ce qui peut fait ou n’être pas faite à l’égard, ou à l’encontre de la Fed par le Congrès, que de ce qu’il montre de l’état d’incohésion et de désarroi du système devant la situation présente. On doit moins chercher à observer une ligne directrice dans cette situation, dans ce cas de la valeur et des effets possibles de l’attaque contre la Federal Reserve, que mesurer la puissance du mouvement de déstabilisation, voire de déstructuration qui secoue aujourd’hui le système.
Certes, l’action d’un Ron Paul, pour citer l’exemple le plus évident, est cohérente, logique, conduite par la volonté déterminée d’un homme qui apparaît à tous honnête et sincère. Mais le plus étonnant est que cette action ait pu se développer sans réelle entrave et, même, qu’elle ait rencontré et rencontre un si vaste succès qui fait qu’un Ron Paul est aujourd’hui largement majoritaire à la Chambre alors qu’un Bernanke serait complètement marginalisé dans une minorité humiliante si l’on devait mesurer sa position. Le cas n’est pas du tout de savoir qui a tort et qui a raison, car c’est un cas qui reste ambigu si l’on se place d’un point de vue de l’intérieur du système; en raisonnant d’une façon objective et se plaçant selon la multiplicité des intérêts du système, en adoptant un point de vue avec l’argument que la puissance du système doit être protégée coûte que coûte, on pourrait également avancer que Bernanke n’a pas tout à fait tort. Le cas intéressant est d’observer que des fractures aussi fortes puissent apparaître à l’intérieur du système, et sur la durée qui exclut l’emportement d’un instant puisque l’on sait que Paul travaille à son objectif depuis des mois et qu’il a construit avec détermination et patience, sans jamais être entravé, sa conquête de la Chambre. Ainsi l’action d’un Ron Paul est moins intéressante dans ce qu’elle offrirait une possibilité hypothétique de réformer le système que dans ce qu’elle contribue effectivement à mettre à jour une de ces fractures qui constituent effectivement une situation qui mine objectivement la puissance du système.
Selon la même logique, on ne doit pas non plus isoler cette bataille contre la Fed du reste des déstabilisations en cours et conclure que, si Ron Paul et les réformateurs anti-Fed l’emportaient, un chapitre serait clos et le système aurait subi une première dose de réforme. Au contraire, on devrait être plutôt conduit à juger que si Ron Paul et les réformateurs anti-Fed l’emportent, ce serait un palier de plus atteint dans l’avancement de la déstructuration du système, et un palier qui en appellerait d’autres. Nous sommes dans une dynamique générale et non pas dans de simples épisodes spécifiques cloisonnés les uns des autres. L’action anti-Fed ne peut être séparée, pour le sens, des hésitations d’Obama concernant l’Afghanistan pour aboutir pourtant à l'annonce de l'envoi d'un contingent important de forces (sans doute aujourd'hui) et de la constitution naissante d’un front d’une opposition des parlementaires démocrate qui semble en résulter. Tout cela s’enchaîne et est enchaîné à la fois, dans la dynamique générale qu’on décrit, qui est celle d’une déstabilisation du système impliquant sa déstructuration souterraine.
Mis en ligne le 1er décembre2009 à 03H50
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