Il y a 2 commentaires associés à cet article. Vous pouvez les consulter et réagir à votre tour.
1555Nous revenons sur un écho venu d’un entretien télévisée accordé par deux anciens de l’administration Bush, deux anciens chefs militaires également mis à des fonctions de direction politique ou politico-militaire, l’un comme directeur du renseignement national (l’amiral McConnell, ex-Director National Intelligence), l’autre comme directeur de la CIA (le général Hayden). Il s’agit d’un concert de louanges à l’adresse de Barack Obama, pour la poursuite de la politique “bushiste” qu’eux-mêmes (ces deux hommes) ont contribué avec efficacité, en bureaucrates anonymes quoique étoilés, à développer.
….Cela, le 26 décembre 2010, sur Politico.com.
«While Vice President Dick Cheney and other prominent conservatives have faulted President Barack Obama for slacking in the war on terror, two top Bush administration intelligence officials are arguing that the White House has been just as tough – if not tougher.
»“The new administration has been as aggressive, if not more aggressive, in pursing these issues because they're real,” former National Intelligence Director and retired Navy Vice Admiral Michael McConnell said Sunday on CNN's ‘State of the Union.’
»“You commend them for that?” host Candy Crowley asked.
»“I do commend them for that,” McConnell said.
»Former Central Intelligence Agency Director Michael Hayden, a retired Air Force general, also argued that Obama's approach has been, by and large, the same – regardless of campaign rhetoric.
»“When one is in office, it's, as the admiral has suggested, when one is in office, that responsibility weighs pretty heavily. And so we've seen a powerful consistency between two administrations trying to deal with this problem,” Hayden said. “Actually, I've seen it over two administrations, and I thank god every day for the continuity.”
»“Regardless of which side of the political spectrum you come from or what your political views might be, these threats are very real and very serious. And we have to – have to deal with them in a very serious way,” McConnell added.»
Si nous nous arrêtons à ces déclarations, c’est parce qu’elles émanent de deux hommes qu’on ne peut considérer comme des “dirigeants politiques”, qui ne font donc pas partie de la nébuleuse “direction politique” comme un Cheney, comme les divers appendices neocon et autres qui ont servi de prétendus “inspirateurs” de cette direction politique (de l’époque GW Bush en l’occurrence). McConnell et Hayden sont des “dirigeants bureaucratiques”, issus de la bureaucratie militaire du complexe militaro-industriel, complètement conformes aux normes du Système. Ils sont ainsi beaucoup plus représentatifs du Système qu’un Cheney, un Bush ou un neocon quelconque, chez qui les névroses et les pathologies de la psychologie jouent un grand rôle dans leur engagement pour le Système, ce qui les rend beaucoup plus “fragiles” à cet égard que les robots bureaucratiques et militaires comme McConnell et Hayden.
(Le terme “militaire” doit être ici entendu dans un sens bureaucratique, sans aucun des caractères et des vertus qu’on attribue traditionnellement à la fonction de soldat, de militaire, – pour faire court et symboliquement, rien à voir avec Servitude et grandeur militaire, de Vigny. Les militaires postmodernes, particulièrement US, n’ont plus aucune des vertus militaires à mesure où ils sont dévorés par la bureaucratie, qui est la structure même du Système. Cela est particulièrement vrai pour les généraux et les amiraux, – sauf exceptions rarissimes et toujours remarquables, – qui doivent donner toutes les assurances de conformité bureaucratique au Système pour obtenir leurs étoiles. Cela explique d’ailleurs pourquoi nombre de “militaires” passés à la “dissidence”, ou à la lecture critique du Système, quittent l’armée au grade de colonel. C’est notamment le cas d’un des plus fameux d’entre eux, Andrew C. Bacevich, qui quitta l’U.S. Army comme colonel, qui se reconvertit comme professeur d’histoire et auteur, et qui est l’un des critiques les plus acerbes et les plus éclairés de l’appareil bureaucratico-militaire du Système, et de la politique soi-disant “impériale” des USA. C’est même l’un des rarissimes critiques US du Système qui ait repéré cette extraordinaire occurrence du discours de Rumsfeld du 10 septembre 2001, la veille de 9/11 comme chacun sait ; nous débattions contradictoirement de son interprétation le 15 juillet 2006, autour du personnage mystérieux qu’est Rumsfeld lui-même, “dirigeant politique” agissant en conformité avec les vœux du Système, mais qui avait également embrassé d’une façon antagoniste le phénomène bureaucratique du Système – voir dans notre dde.crisis du 10 septembre 2010 le passage intitulé “métaphysique de Donald Rumsfeld”, que nous rappelions dans notre Note d’Analyse du même 10 septembre 2010.)
Après cette digression sur la différenciation nécessaire à faire entre “dirigeants politiques” et “dirigeants bureaucratiques” (ou “‘robots bureaucratiques”), nous pouvons mieux analyser l’approbation de McConnell-Hayden de la politique d’Obama, contre sa condamnation par des “dirigeants politiques” type-Cheney et autres neocons exotiques. Approbation sans réserve, on le notera, voire superlative («…two top Bush administration intelligence officials are arguing that the White House has been just as tough – if not tougher»).
Bien entendu, la politique qui est ici en référence est celle que Harlan K. Ullman définissait (voir notre F&C du 29 mai 2009) comme la “politique de l’idéologie et de l’instinct”, dont il faisait une création de l’administration Bush, et dont il arguait qu’il était vital que l’administration Obama lui tournât le dos pour sauver le pouvoir du système de l’américanisme, et l’efficacité de la politique hégémonique et d’influence des USA. Nous partagions cette analyse en bonne partie, en réservant notre jugement sur le fait de faire de cette “politique de l’idéologie et de l’instinct” une singularité “bushiste”. Nous confirmons complètement cette réserve et la mettons même au centre même de la problématique. La “politique de l’idéologie et de l’instinct” n’a rien de la création de l’administration GW Bush ou d’un des comiques troupiers de la bande neocon, ni même de la bureaucratie type McConnell-Hayden qui est totalement impuissante dans le processus de la création. La “politique de l’idéologie et de l’instinct” est bien une création du Système, imposée à ses diverses forces et composantes, y compris la bureaucratie et les sapiens d’une bien pauvre envergure de la “direction politique”. Cette création, et la volonté de l’imposer, sont d’ailleurs une preuve de plus de l’état d’avancement de la schizophrénie du Système, par l’aveuglement que cette volonté engendre en fait d’effets contre-productifs catastrophiques pour lui-même, – dito, le Système, certes.
Il est assuré qu’un certain nombre d’esprit, tel ce même Ullman, comprennent tout le mal que cette “politique de l’idéologie et de l’instinct” fait à l’américanisme et à son système, même s’ils ignorent que le grand ordonnateur de la chose est le Système en général qui ne s’arrête pas à une nationalité (ou à une “nation”, quoique le terme soit antinomique des USA), mais qui use des nationalités pour conduire ses desseins. Mais le constat que fait Ullman de la maladie du pouvoir du système de l’américanisme vaut évidemment pour le Système lui-même. Dans tous les cas, les félicitations des deux robots McConnell-Hayden adressées à l’administration Obama montrent bien que BHO et son administration sont tout entiers sous l’empire du Système et réagissent conformément aux consignes… Ce qui n’est nullement rassurant, ni pour la puissance américaniste, ni pour les amateurs de “complots” qui firent de BHO une ruse suprême pour rétablir les USA. Au contraire, BHO est en train de couler les USA encore plus vite que ne faisait GW Bush (puisque BHO appliquerait la “politique de l’idéologie et de l’instinct”, d’une façon encore plus “dure”, – «…if not tougher»). L’érosion de la puissance US durant l’année 2010 a été un phénomène extraordinaire qui n’est pas trop mis en évidence simplement parce que les autres acteurs de la tragi-comédie catastrophique universelle, habitués à l’irresponsabilité que leur procurait l’hégémonie de cette puissance US jusqu’alors conduite par un Système pas encore devenu fou, se demandent quoi mettre à la place de la puissance US, – ignorant bien sûr que rien n’est nécessaire de ce point de vue, que l’effondrement US est la meilleure nouvelle possible puisqu’elle prive le Système de son principal relais. Même un auteur aussi amateur de l’obsolète géostratégie et partisan de la puissance que représentent les USA comme le “Spengler“ de Atimes.com écrivait le 23 décembre 2010, à propos de cette année 2010 :
«Any other power that suffered the setbacks that America sustained during 2010 under the Barack Obama presidency would have been pushed off the top of the hill. The reason America still has diplomatic currency to spend in Asia as well as actual currency to borrow demonstrates its indispensable role: no one, least of all Chinese Premier Wen Jiabao or Russian Prime Minister Vladimir Putin, wants America to fail. That is why a conspiracy of silence surrounds the observation that the emperor is naked. But the facts are depressingly clear….»
D’une certaine façon, la caution du Système que les deux robots-duettistes McConnell-Heyden apportent à Barack Obama démontrent deux choses…
• La première est que l’“Âge Sombre” (Dark Age) de la raison humaine, représentée pour ce cas par nos deux comiques étoilés qui valent bien les comiques troupiers des années 1910-1920, semblent atteindre l’extrême de la limite catastrophique au-delà de tout entendement de ce qu’est l’intelligence de l’esprit. Féliciter Obama pour la poursuite d’une politique qui pulvérise la puissance US, au nom d’une acceptation aveugle des consignes d’un Système devenu fou, plonge effectivement leur représentation de la raison humaine dans le cloaque d’une sottise et d’un aveuglement dont on ne jugeait pas que le sapiens classique fut capable de l’activer à ce point, – ce qui nous donne une idée de la valeur de l’étoile dont leurs épaules sont parées en grand nombre…. Eh bien si, ils en sont capables, – “ils peuvent le faire !” comme auraient dit les philosophes Pierre Dac et Francis Blanche (c’est-à-dire être aussi cons que l’on pouvait imaginer en fait d'improbable hypothèse). Les “élites ” américanistes-occidentalistes atteignent un degré de débilité structurelle de la pensée tel que la chose doit nous faire nous demander si nous assistons à la crise eschatologique majeure de notre cycle de civilisations sur son terme, ou à un spectacle de farces et attrapes type commedia dell’arte revue Pentagone, – et sans doute sont-ce deux à la fois, tant le ridicule a l’habitude de côtoyer la tragédie la plus profonde du monde, comme une sorte de faire-valoir…
• Il y a le cas Barack Obama… Type brillant devenu pauvre type emporté dans un système auquel il ne comprend rien, cédant à la pompe, à l’arrogance, transformant toutes ses qualités originelles en caricatures d’icelles, et bientôt en travers attristants quand on songe à son intelligence originelle… Et pourtant ! BHO n’est pas l’“American Gorbatchev” qu’on attendait mais peut-être l’est-il, d’une façon encore plus efficace, a contrario, en poussant à fond la vapeur de l’hubris américaniste qui répond ainsi à la folie du Système et conduit à l’effondrement. “American Gorbatchev” indirect, bien plus efficace que celui qu’on attendait… BHO finira peut-être par accomplir sa mission métahistorique, qui est d’enterreur le système de l’américanisme.
Mis en ligne le 1er janvier de l’an de grâce 2011 à 11H41
Forum — Charger les commentaires