BHO comme JFK?

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BHO comme JFK?

Il y a beaucoup de spéculations en cours sur les relations entre Obama et ses généraux à propos de l’Afghanistan, dont nous avons déjà parlé à plusieurs reprises (voir notamment le 25 septembre 2009, le 29 septembre 2009, le 31 octobre 2009).

Dans Rollingstones.com, le 30 octobre 2009, Robert Dreyfuss reprend, dans un long article, toute cette affaire dont les prémisses de la phase actuelle remontent à la publication par le Washington Post du rapport McChrystal. A cette occasion, Dreyfuss reprend la thèse des ambitions présidentielles de Petraeus (à-la-MacArthur), le commandant de CentCom et le supérieur hiérarchique de McChrystal.

«“I don't understand why the military is putting so much pressure on the White House now over Afghanistan,” says a former U.S. ambassador to Pakistan. “Unless it has something to do with the presidential ambitions of a certain Centcom commander.”

»The military's campaign to force Obama's hand started in earnest in September, when the Commander's Initial Assessment of the war — a highly classified report prepared by McChrystal — was leaked to The Washington Post. According to insiders, the leak was coordinated by someone close to Petraeus, McChrystal's boss and ally. Speculation has centered on Gen. Jack Keane, a retired Army vice chief of staff and Petraeus confidant, who helped convince George W. Bush to get behind the “surge” in Iraq. In the report, McChrystal paints a dire picture of the American effort in Afghanistan, concluding that a massive increase in troop levels is the only way to prevent a humiliating failure.»

Dreyfuss rapporte de nombreux détails sur ce qu’il définit comme un affrontement entre Obama et les généraux du Pentagone. Il confirme les rôles des uns et des autres, notamment, du côté d’Obama, la position très puissante contre les généraux du vice-président Joe Biden et du directeur du NSC, lui-même ancien général, James L. Jones. L’ensemble est présenté sous un jour très dramatique comme un affrontement extrêmement grave, sur laquelle peut se jouer la présidence d’Obama, outre le sort de la guerre (de l’engagement en Afghanistan). En conclusion, Dreyfuss compare cette situation, en citant Lawrence Wilkerson, ancien adjoint de Colin Powell au département d’Etat, avec celle où John Kennedy affronta les militaires, notamment le général Curtiss LeMay, chef d’état-major de l’USAF, durant la crise des fusées de Cuba en octobre 1962.

«Given the political pressure from both sides, Obama appears to favor sidestepping the issue. At a meeting with congressional leaders from both parties at the White House on October 6th, the president said he won't significantly reduce the number of troops in Afghanistan, as many Democrats had hoped — but he also seemed unlikely to endorse the major troop buildup proposed by McChrystal. While that approach may quell the Pentagon's insurrection for now, it only prolongs the conflict in Afghanistan, postponing what many see as an inevitable withdrawal. Wilkerson, the former aide to Colin Powell, hopes Obama will follow the example of President Kennedy, who faced down his generals during the Cuban Missile Crisis. “It's going to take John Kennedy-type courage to turn to his Curtis LeMay and say, ‘No, we're not going to bomb Cuba,’” Wilkerson says. “It took a lot of courage on Kennedy's part to defy the Pentagon, defy the military — and do the right thing.”»

Notre commentaire

@PAYANT La comparaison de la situation actuelle avec l’affrontement JFK versus les généraux (essentiellement LeMay) en octobre 1962 est audacieuse et particulièrement dramatique. Ces affrontement d’octobre 1962 concrétisaient une hostilité rare dans son intensité entre JFK et les généraux (et l’on peut parler d’une haine des généraux, toujours Le May en tête, vis-à-vis de Kennedy, comme en témoignent les minutes de certaines réunions du Joint Chiefs of Staff durant la période). L’atmosphère d’octobre 1962 à cet égard, outre la tension de la crise et à cause de cette tension, représentait une situation de quasi-insubordination des généraux (toujours LeMay en tête, personnage décidément marquant et emblématique de la paranoïa militariste de la plupart des généraux US). On sait que cette sorte de crise interne a souvent été évoquée avec les remous, hypothèses, enquêtes, etc., autour de l’assassinat de JFK.

A franchement parler, la comparaison nous paraît un peu forcée, même si l’esprit est similaire. La puissance d’un Le May au sein de l’establishment militaire à cette époque était infiniment plus grande que celle d’un Petraeus ou d’un autre aujourd’hui; la psychologie aussi était différente, LeMay étant une sorte d’obsédé de la destruction massive agissant avec une impudence extraordinaire, ayant un réseau puissant d'influence à sa disposition, des généraux qui étaient véritablement ses “hommes de main” (le général Thomas Powers, son successeur à la tête du Strategic Air Command en 1958). Petraeus n’arrive pas à la cheville de LeMay de ce point de vue, comme il n’arrive pas à la cheville de MacArthur en prestige et en autorité (la seule chose que Petraeus semble avoir et que ni LeMay ni MacArthur n’avaient est l’habileté manœuvrière politique). D’une façon plus générale encore, les généraux sont aujourd’hui beaucoup moins puissants qu’au temps de la Guerre froide, en poids et en autorité, ils sont plus intégrés dans l’establishment, beaucoup moins audacieux et plus conformistes, beaucoup plus attentifs à leurs carrières, etc.

Ce qui est différent dans l’autre sens, par contre, c’est-à-dire plus gravement, c’est la situation, à propos de laquelle s’exprime cet antagonisme. Les USA sont aujourd’hui beaucoup moins puissants qu’en 1952 (MacArthur) et 1962 (LeMay). Ce qui contribua à stopper MacArthur et LeMay, outre l’attitude certes courageuse de Truman et JFK, c’est l’évolution des situations respectives à propos desquelles s’étaient exprimées leurs oppositions. La guerre de Corée continua dans le sens voulu par Truman et Eisenhower et fut rapidement résolue et, surtout, la crise des fusées de Cuba fut très rapidement résolue et d'une manière satisfaisante pour les USA, stoppant complètement toutes les velléités de LeMay. Aujourd’hui, l’Afghanistan est un autre problème, infiniment plus complexe, en constante dégradation, qui peut effectivement être l'occasion rêvée de la poursuite de l’affrontement, pour l’instant plus larvé que les précédents cités, entre Obama et ses généraux, et qui peut, finalement, déboucher tout de même sur une dramatisation de cet affrontement. Mais la situation serait alors beaucoup plus un désordre à l’intérieur du régime washingtonien, avec des conséquences graves sur le terrain (en Afghanistan), où les généraux pourraient se trouver autant en mauvaise posture qu’Obama. Encore une fois, la prospective que nous favorisons est celle du désordre des affrontements complexes et du désordre grandissant à Washington, plus que des hypothèses dramatiques qui sont un peu trop souvent évoquées (coup de force des militaires, tentatives d’attentat contre le président, etc.). Les psychologies sont affaiblies, les résolutions amollies par la corruption, les manœuvres politiques, les ambitions carriéristes et conformistes, etc. L’air du temps, favorisé par l’activité intense des communications et le conformisme qui va avec, et la prudence bureaucratique, n’est pas celui des actions résolues et tranchantes mais bien celui du désordre et de l’enlisement accéléré, de l’affaiblissement des structures du régime jusqu’à la déstructuration, des conséquences indirectes de troubles civils désordonnés, etc. (Tout cela, même à propos d’une affaire de conflit extérieur comme l’Afghanistan.)


Mis en ligne le 3 octobre 2009 à 10H04