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417On peut dire que la chose est devenue officielle. La présidence Obama est en crise profonde et, désormais, le diagnostic en est que BHO en est le centre, et lui-même en crise profonde. La question n’est même plus de savoir si les sondages sont bons ou mauvais (ils ne sont pas du tout mauvais), la question concerne le puissant courant de communication dans le système et autour du système, – lequel courant rencontre effectivement un état de crise profonde dans le pays, dont nous ne cessons de relever les signes.
Citons ci-après plusieurs interventions de diverses sources, de commentateurs dont le jugement compte, dont le poids est significatif.
• Charlie Cook, l’homme qui avait justement évoqué l’image des termites pour identifier la crise du système, Cook l’un des commentateurs conservateurs les plus écoutés de Washington, compare la crise des soins de santé d’Obama à la crise de l’Irak pour Bush (le 18 février 2010). Aussi corrosive, aussi destructrice pour le président. Le 20 février 2010, sur Politico, Cook répond aux critiques démocrates de son analyse en comparant BHO au capitaine Achab poursuivant son énorme cachalot blanc nommé “crise des soins de santé”… «Yes, I think choosing to take a Captain Ahab-like approach to health care — I’m going to push for this even in the worst downturn since the Great Depression — is roughly comparable to Bush’s decision to go to war. It basically destroyed the first year of a presidency.»
• Le 23 février 2010, Steve Clemons revient à la charge sur son idée qu’Obama doit absolument changer son “cercle rapproché”, ses “Chicagos’ boys” à lui (son directeur de cabinet Emanuel, ses conseillers Axelrod et Jarrett, son porte-parole Gibbs) pour tenter de sauver sa présidence.
Introduction et conclusion de la longue intervention de Clemons, particulièrement dramatique et, pour cela, particulièrement significative sous la plume d’un commentateur modéré, plutôt pro-Obama, et commentateur très écouté, lui, aussi, à Washington: «President Obama's closest handlers – Rahm Emanuel, David Axelrod, Valerie Jarrett, and Robert Gibbs – are under fire from a number of observers, including this one, for deploying the President's political capital badly, failing to animate and empower the considerable policy and political talent they have appointed to key positions on their team, poorly sequencing their policy gambits, and not having “plan B's” ready to go after they threw down the gauntlet on some challenge (Israeli settlements comes to mind), among other sins. […] Obama needs to strategically redeploy his closest group of advisers, change up the game, move some others in, and alter their assignments. And then get smart about how he can work forward from the deficit he's now in on policies that his administration needs to pursue – in a sensible sequence and reestablishing momentum and vision.»
• A l’extérieur, dans le vaste “Rest Of the World”, comme le signale Hillary Clinton, on commence à s’apercevoir de quelque chose. Rupert Cornwell, dans The Independent de ce 25 février 2010, essaie de comprendre le phénomène alors que, avec ce président toujours populaire, l’état d’esprit de l’Amérique est retombé au niveau des pires jours de la présidence Bush. «What went wrong? In January 2009, Barack Obama took power in a nation that overwhelmingly yearned for him to succeed. He was a fresh face, eloquent, thoughtful, plainly intelligent. On Capitol Hill, his party had massive majorities. All of that remains true. Yet, just 13 months later, America is in about as foul a mood as when George W. Bush reached his nadir.»
Cornwell donne ses analyses diverses, qui croisent en général celles des autres, tant le verdict est du domaine de l’évidence. Il termine par ce trait psychologique: «…Obama cannot be accused of masking the truth about America's financial and economic situation. Nor does he fail to make the case for sacrifice. But he rarely demands sacrifice directly. Take healthcare. To win agreement, Obama now proposes that a crucial revenue-raising provision, a tax on higher-end employer-sponsored schemes is now being deferred to 2018, long after he leaves office. Such moves only reinforce a feeling that this president is a soft touch.
»Which in turn suggests a second truth. When times are tough, successful leaders must not only be liked. They must also be feared. No one fears Obama, in part because he hasn't faced anyone down, least of all the Congress that is now supreme emblem of everything the public thinks is wrong with the system.»
@PAYANT L’Amérique est en crise, Washington et le pouvoir sont en crise (“broken, vous connaissez?), finalement Obama lui-même est en crise. Le président s’enfonce dans une de ces périodes fameuses pour un président US, quelles qu’en soit la cause, où la personne elle-même semble irrésistiblement attirée par une sorte de fatalité, un trou noir où tout ce qu’elle fait et dit se retourne contre elle, – Johnson avec le Vietnam, Nixon avec le Watergate, Carter avec la crise pétrolière et iranienne de 1979, Reagan avec l’Irangate, Bush père avec sa campagne pour le second terme, Clinton avec les élections mid-term de 1994 et le monikagate de 1998, Bush à partir de 2006 avec les suites de l’attaque irakienne… Comme on le voit, le même scénario qui se reproduit, mais cette fois dans ces conditions si particulières qui tiennent à ce que la crise profonde du pays a précédé celle du président et l’a complètement phagocyté avant même qu'il ait pu réaliser la chose. En quelque sorte, la conséquence a précédé la cause, alors que, dans les cas précédents, les présidents s’abîmaient dans leur trou noir à la suite d’un acte, d’une politique, qu’ils avaient mis en route et qui, soudain, provoquant une crise de confiance, l’emportèrent dans le trou noir.
La différence avec les divers précédents cités est décisive. Le président Obama n’a jamais connu un jour de présidence normale. Il a été élu par la crise et par rien d’autre, il a inauguré sa présidence en pleine crise et, depuis, continue à être en crise, voit la crise s’aggraver malgré les promesses des manipulateurs imbéciles (Wall Street et les économistes de service), roule lui-même de crise en crise, à l’extérieur, à l’intérieur, en arrive finalement à se retrouver au cœur même du maelstrom alors que le sentiment public dit qu’il n’a pas démérité… La crise est devenue une crise de confiance de la présidence alors que la personne du président inspire toujours autant de confiance.
En effet, la différence du même ordre, de l’ordre de la substance avec les cas précédents, est bien la popularité d’Obama, qui reste haute, au contraire des cas précédents. Mais cela ne semble plus avoir aucun effet, comme si le public disait: “Obama est un chic type, un gars bien, qui fait ce qu’il peut, mais le président Obama est emporté, submergé par la crise, et il n’y peut rien. Alors, bravo pour le bonhomme, mais le président est à la dérive et c’est normal”. En d’autres termes, Obama n’est pas la figure centrale, c’est la crise qui tient cette place. La crise règle la marche de l’Amérique (et du monde), au diable les acteurs de composition, même excellents. Obama a été élu par la crise, il est démoli par la crise, et à quelle vitesse!
Les diverses explications données et certaines qu’on a citées sont toutes excellentes et justes. Elles sont toutes nécessaires, aucune n’est suffisante. Ce qu’il nous faut, c’est l’explication “nécessaire et suffisante”, selon l’expression fameuse, et c’est bien entendu la crise systémique, terminale, du système de l’américanisme. La popularité persistante d’Obama est paradoxalement un signe qui doit nourrir les plus grandes inquiétude; à l’inverse de ceux (les démocrates autour d’Obama) qui en font un élément positif, nous en faisons un signe dramatique, qui revient à ce constat paradoxal mais logique: malgré la popularité de l’homme, la présidence d’Obama s’effondre... C’est voir la bouteille à moitié vide plutôt qu’a moitié pleine, mais pour l’excellente raison que la bouteille continue à se vider, un peu comme la coque du Titanic se remplissait parce que les caissons soi-disant étanches ne l’étaient nullement et cédaient les uns après les autres.
Comment ne répéterions-nous pas notre rengaine? Cet homme, pourtant accusé d’être “the America’s Gorbatchev” n’a pas osé être l’“American Gorbatchev” alors qu’on a cru parfois, dans les 8 premiers mois, qu’il était effleuré par la tentation de l’être, et enfin qui pourrait finalement l’être et l’avoir été sans vraiment s’en être aperçu (“la marionnette de la crise”). Obama devient aujourd’hui, également contre son gré, le moteur de la crise, englué dans un climat épouvantable d’un énorme moteur de commentaires, de rumeurs, de jugements contre lesquels les sondages ne peuvent rien, tandis que la crise gronde aux portes de Washington et qu’il faudra bien que tous ces messieurs-dames aillent demander à l’électeur ce qu’il en pense, et qu’il vote en conséquence. Cet homme si ouvert, si disert, si éloquent, en est à cette situation extraordinaire où il s’avère pire que l’insignifiant Bush dans ses contacts vivants et sans filet avec cette presse qui, il y a un an, le portait absolument aux nues, qu’il évite aujourd’hui comme la peste, comme un pestiféré lui-même.
Ne cherchez pas, le fin mot de l’affaire est bien la crise générale qui les emporte tous, même les plus brillants. Obama est peut-être le personnage “maistrien” le plus brillant qu’on puisse imaginer. Son caractère puissant, ce détachement si fameux des émotions immédiates des événements qui pourrait être une formidable vertu d’homme d’Etat, l’enferment au contraire dans une citadelle cadenassée d’incompréhension de la situation de la crise générale, le coupent définitivement de la réalité du monde dont il est censé être l’un des maîtres. La puissance de la crise est telle qu’elle fait de ce personnage hors du commun un de ces “personnages secondaires” des œuvres de fiction, un excellent acteur de série B, un personnage accessoire qui ne semble plus être là que pour compter, avec un incomparable sang-froid, les coups qu’il encaisse, sans discontinuer, comme s’il était l’arbitre en même temps que le champion à la dérive et qui, bientôt, comptera jusqu’à 10, après le fatidique direct final qui sanctionnera son propre KO.
Mis en ligne le 25 février 2010 à 07H17
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