Il y a 4 commentaires associés à cet article. Vous pouvez les consulter et réagir à votre tour.
1259Il y a certainement quelque chose d’obsessionnel dans l’attitude critique d’Israël vis-à-vis du président US, bien entendu, cela au niveau officieux puisqu’officiellement tout va à peu près bien, – du bout des lèvres. D'ailleurs, l'obsession ne s'arrête pas là.
Il y a un passage très intéressant dans un article de Mary Dejvesky, dans The Independent de ce 7 juillet 2009. Examinant “l’effet Obama”, reconnaissant sa réalité notamment à Moscou, elle explique qu’en Europe de l’Est il est plutôt ressenti avec une certaine amertume, et qu’à Tel-Aviv il est l’objet d’un réelle colère et d’une formidable suspicion dans laquelle on a du mal à ne pas voir des aspects pathologiques. D’où ce long passage consacré à une interprétation que font les Israéliens du récent discours du Caire d’Obama, suspicion qui s’étend, d’une façon bien inattendue pour ceux qui firent de la présence de ces deux hommes la garantie d’une politique pro-israélienne d’Obama, à ses deux principaux collaborateurs juifs, Rahm Emanuel et David Axelrod.
«The chilliest winds of all, though, are being felt in one of the last places anyone might expect: in Israel, long one of the staunchest of US allies, almost regardless of who occupies the White House. In his speech last month in Cairo, tailored primarily to a Muslim audience, Obama clearly took pains not to alienate Israel. He described bilateral relations as “an unbreakable bond”, and traced the justification for Israel's existence to the experience of the Holocaust.
»Care and continuity in his speech there may have been, but this is not how his words were heard. In many conversations in Israel last week, I found a new concern, not just about Obama's intentions, but more fundamentally about his loyalties. The misgivings spanned the political spectrum, and one point was raised time and again.
»Why had Obama justified Israel's existence by the Holocaust, rather than the ancestral right of Jews to this land? That might seem a detail – it seemed so to me – but what was seen as a key omission had raised huge suspicions. Surely, people said, with a Jewish chief of staff [Emanuel] and a Jewish speech-writer [Axelrod] , Obama must have made the omission intentionally. In so doing, they said, he had played into the hands of those disputing Israel’s right to exist.
»From this emerged the sense of a more distant, less sympathetic US administration. They saw it as one that did not fully understand Israel's predicament and might, in pushing harder for concessions on settlements built in occupied territory, forfeit a peace agreement just when it seemed possible.
»There are other ways of looking at this. Without persuading Arab countries that he understands the plight of the Palestinians, Obama risks making no progress at all. “Unbreakable” is a pretty strong word to use of the US commitment to Israel, while pushing Israel's Prime Minister, Benjamin Netanyahu, hard on the settlements might – perversely – help him to bring round his even more conservative coalition partners.
»It can also be argued that the greatest obstacles to agreement at present lie beyond either US or Israeli control: the weakness and divisions on the Palestinian side, and the uncertainty about Iran, which has sent everyone back to review their assumptions. But distrust is something Obama will have to address, in Israel, as in Eastern Europe. Rebuilding relations with inherited foes may be hard, but doing so without alienating old allies will be harder still.»
Ces réactions israéliennes concernant la position d’Obama, et le mettant après tout pas loin du même pied qu’un Ahmadinejad (avec les déclarations de ce dernier, revues, caviardées et corrigées par nos courantes obsessions, bien entendu), reflètent effectivement une appréciation générale obsessionnelle, voire tout simplement schizophrénique. Il existe une schizophrénie sécuritaire en Israël, qui va de la simple roquette lancée à l’aveuglette et qui éclate en pleine campagne en cassant quelques branches à l’élimination de l’Etat d’Israël, par volatilisation nucléaire et simple et radicale suppression de la carte (“Israel wiped out”). Cette schizophrénie est la conséquence directe, et la conséquence psychologique de la “politique de l’idéologie et de l’instinct” qui a caractérisé la politique occidentaliste depuis 2001, avec Israël placé en test suprême de l’apocalypse déclenché par l’“axe du Mal” et ses supplétifs. Puisque la pensée est primaire, avec la puissance que lui donne l’absence de nuances, les effets psychologiques sont à mesure. Israël a fortement profité de cela, jugeait-on: on pourrait se demander aujourd’hui si cet “avantage” ne présente pas une face sombre qui se révèle extrêmement pénalisante pour la psychologie et le jugement.
Le soupçon porté contre Obama relève également des heurs et malheurs de l’“instrumentalisation de l’Holocauste” dénoncé par certains, y compris par des juifs, qui finit par transformer les allusions à cet événement en une référence insaisissable, dans laquelle tout le monde met ce qui lui importe. Il apparaît fort improbable qu’Obama, avec Emanuel et Axelrod, aient voulu mettre dans le discours du Caire la suggestion indirecte de l’illégitimité de l’Etat d’Israël, qu’au contraire la référence à l’Holocauste fut appréciée par eux qui la firent comme une référence morale convenue qui garantissait en le rendant plus solennel encore l’engagement politique. Mais l’obsession sécuritaire des Israéliens et leur antipathie d’Obama concluent au contraire: puisqu’il y a eu référence symbolique et non affirmation légitime, c’est que la première a été faite pour éviter de faire la seconde, c’est-à-dire, finalement, pour pratiquement la dénier… Le paradoxe étant que, dans cette interprétation, le “droit moral” d’Israël à cause de l’Holocauste devient destructeur du “droit légitime” d’Israël. La suspicion en est à ce point que cette interprétation est justement renforcée par le fait qu’Emanuel et Axelrod sont juifs, donc qu’ils savaient parfaitement ce qu’ils faisaient dans ce cas, donc qu’ils sont les complices objectifs, – voire les inspirateurs? – de l’attitude prêtée à Obama de quasiment nier la légitimité de l’Etat d’Israël, – voire son “droit à l’existence”, puisque la logique ainsi enclenchée conduit à cette conclusion extrême…
Mis en ligne le 7 juillet 2009 à 15H38
Forum — Charger les commentaires