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80530 octobre 2012 – Une enquête statistique approfondie de Associated Press montre que la présidence de Barack Obama, – l’élection puis la magistrature du premier président africain-américain des USA, – a vu une aggravation de ce que nous nommerions le “racisme électoral” aux USA, c’est-à-dire l’intervention négative, effective et affirmée, du facteur racial calculé d’une façon statistique par l’enquête, dans l’attitude politique des citoyens américains blancs (d’origine européenne, avec principalement les WASP, ou White, Anglo-Saxons, Protestant). Il s’agit donc d’une indication particulièrement réaliste de l’importance du facteur racial dans le processus électoral. D’autre part, cette augmentation s’exprime également dans les opinions en général (non liées au vote) : de 2008 à 2012, de 48% à 51% d’opinions “explicitement anti-noires”, et de 49% à 56% “implicitement anti-noires”. Ce facteur racial s’exprime chez les blancs contre les noirs principalement, mais aussi contre les hispaniques d’origine mexicaine principalement : le comportement individuel qualifié officiellement de “raciste” reste structurel et non pas conjoncturel (ce qui serait le cas s’il y avait eu un lien de cause à effet entre le seul facteur racial anti-noir et la présidence BHO).
Les conditions de l’enquête ont été particulièrement soignées, aussi bien du point de vue de la méthodologie que du point de vue de la démarche. Dans ce dernier cas, la méthode d’interrogation par le biais anonyme de l’informatique, garantissant l’anonymat de la personne interrogée, aurait écarté des facteurs habituels de conformisme, poussant certaines personnes interrogées par un enquêteur, et donc identifiées, à refouler des opinions mises à l’index, et même pénalisées dans certains cas, selon les normes du Système. Cette forme d’intervention avant le 6 novembre 2012 permet de comparer l’élection de 2012 avec celle de 2008 (première élection où Obama était candidat), après que les résultats de la seconde (2008) aient été effectivement compilés. On a donc une possibilité de comparaison très sérieuse et précise entre les deux élections, avant que celle de 2012 n’ait lieu, et également une mesure de l’influence du facteur racial dans le vote. C’est une influence numériquement très importante : prenant en compte les attitudes négatives et positives dépendant du facteur racial, on voit qu’Obama perdrait 5% de voix parce qu’il est noir et en gagnerait 3% parce qu’il est noir, ce qui aboutirait à une perte nette de 2%.
Parmi les divers sites ayant rendu compte de cette enquête, voici le résumé qu’en donne Russia Today le 27 octobre 2012. Il est ainsi mis en évidence que la conclusion principale est bien l’importance renfiorcée du facteur racial ; d’autres enquêtes, également citées, confirment cette situation…
«The election of Barack Obama failed to usher in a post-racial US, with a new poll showing that 51 percent of Americans hold explicitly anti-black views. That figure is up from 48 percent in 2008, the year America elected its first black president. Those expressing implicit anti-black attitudes also spiked from 49 percent to 56 percent over the same four-year period, the Associated Press found in a poll released Saturday.
»Racial prejudice against blacks cut clearly across America’s left-right political divide, despite perceptions to the contrary. While 79 percent of Republicans willingly expressed racial prejudice when answering questions measuring explicit racism (as opposed to 32 percent among Democrats), the implicit racism test showed that a majority of Republicans (64 percent) and Democrats (55 percent) held implicit anti-black feelings. According to the survey, political independents were the least racist, with 49 percent exhibiting implicit anti-black feelings. The poll also found that a majority of respondents (57 percent) held implicitly negative views about Hispanics, up 51 percent from an AP poll taken last year.
»If the poll accurately reflects the state of race in modern-day America, Obama could be facing a five-percentage-point loss of the popular vote come Election Day on November 6. However, pro-black attitudes could give him another three-point boost, resulting in a net two-point loss.
»A Washington Post-ABC News national tracking poll released on Wednesday found that November’s election will likely be the most racially divisive since 1988, with Obama lagging behind Romney 38 to 59 percent among white voters. At this stage in 2008, John McCain led Obama by 8 points among whites, with Obama ultimately losing the white vote by 12 percentage points. Obama’s greatest losses are amongst white men. In 2008, exit polls showed that Obama lost the white male vote by 16 points. This year, Obama trails Romney by 33 percent, over double that margin…
L’aticle de RT se termine sur le constat que «[t]he poll results will likely do much to deflate previous hopes that Obama’s election represented the advent of a post-racial stage in American history». Ce dernier point est confirmé par l’un des concepteurs de l’enquête, le professeur Jon Krosnik de l’université de Stanford (cité par le Guardian du 27 octobre 2012), qui se montre même optimiste en constatant un statut-quo alors qu’il s’agit bien d’une aggravation de la situation : «As much as we’d hope the impact of race would decline over time … it appears the impact of anti-black sentiment on voting is about the same as it was four years ago» (En fait, on notera cette remarque qui semble effectivement indiquer une nette aggravation du poids du facteur racial dans l’élection : « In 2008, exit polls showed that Obama lost the white male vote by 16 points. This year, Obama trails Romney by 33 percent, over double that margin… »)
Ces enquêtes (puisqu’il y en a plus d’une, finalement) sont d’un particulier intérêt à plusieurs égards, y compris du point de vue de la politique général, de ce que nous nommerions la “politique-Système” d’une façon générale, – qui est le point qui nous intéresse le plus. Or, ce dernier point qui est le point de vue de la “politique-Système” ne porte nullement sur le racisme considéré d’un point de vue “scientifique” (sociologique) ou “moral” (ce qui n’est pas loin d’être embrassé par le point de vue “scientifique”), mais bien sur le phénomène du racisme tel qu’il a été intégré dans le phénomène politique au sens large qu’a constitué l’élection d’Obama, au moment où Obama a été élu. Cela nous conduit à rappeler notre analyse faite au moment de l’élection d’Obama, qui recommandait de réduire considérablement l'importance du facteur racial dans cette élection de 2008. Il faut évidemment se rappeler que cette élection eut lieu en plein cœur de la crise financière commencée le 15 septembre 2008, à propos de laquelle le candidat républicain McCain n’avait guère fait montre de brio. (Voir son attitude lors d’une réunion d’urgence, à la Maison-Blanche, avec également les deux candidats, dont nous parlions le 27 septembre 2008 : «McCain est l’homme clef, et il est décrit comme n’intervenant guère durant cette réunion. Son silence est un aveu. Il manœuvre serré, ne se prononçant pas contre le plan pour ne pas encourir l’accusation d’irresponsabilité et de démagogie, y compris de l’administration qui est de son parti, mais pas loin de laisser comprendre cette opposition pour gagner le soutien populaire. McCain représente une situation typique du système, tels que les gens de l’administration n’ont cessé de la renforcer…».)
A propos de l’élection de 2008, et après la victoire d’Obama, nous écrivions, le 20 novembre 2008 : «L’élection du 4 novembre doit être comprise dans son contexte réel. Obama n’a pas été fondamentalement élu parce qu’il est Noir, ni malgré le fait qu’il soit Noir, – c’est-à-dire en aucun cas (positif ou négatif) avec beaucoup d’importance pour ce facteur. Notre appréciation est qu’il a été élu sans que les électeurs tiennent pour fondamental le fait qu’il soit Noir. La fortune électorale d’Obama, après différents changements, a changé décisivement après le 15 septembre. Auparavant, à partir de la fin août, il était mené par McCain-Palin dans les sondages (et là, le facteur racial pouvait jouer un rôle). La crise, d’une ampleur terrible, a tout changé en terrorisant les électeurs. McCain, identifié avec l’administration responsable de la crise et perçu comme peu compétent en matière économique, a chuté d’une façon irrésistible; Obama s’est imposé sans beaucoup d’efforts, presque sans qu’il ait développé cet argument, comme l’homme capable d’affronter la crise, pour toutes les raisons du monde, bonnes ou mauvaises (démocrate, perçu comme plutôt à gauche, voire réformiste, l’aspect racial jouant alors indirectement en sa faveur en le faisant percevoir inconsciemment comme hors des normes de l’establishment). L’élection d’Obama n’a pas été une “élection de l’espoir’” (fin du racisme, multiculturalisme) mais une élection du désespoir (“le seul homme qui peut nous sortir de la crise”); et l’enthousiasme a été à la mesure de cette “réaction de désespoir”, avec l’“espoir” qu’Obama réussirait à imposer des changements fondamentaux. (C’est un problème que nous traitons souvent; il n’a rien à voir avec la couleur de la peau et le racisme, et tout avec le système en place.)»
Cette équivoque, qui fut ensuite largement entretenue, sinon outrancièrement enflée comme un soufflé idéologique convenant parfaitement au parti des salonards, par le déferlement de commentaires enfiévrés, sinon énamourés, sur la “société multiraciale” sinon la société “post-raciste”, a au contraire renforcé le racisme (ou, dit d'une façon plus neutre qui convient ici, le “facteur racial”), on dirait d’une façon indirecte ou non spécifique, dans la mesure où Obama n’a rien réussi de ce pour quoi il avait réellement été élu. Ou bien, dit autrement et pour en revenir à un de nos thèmes favoris et déçus, “dans la mesure où Obama” ne fut pas l’“American Gorbatchev” qu’il se devait d’être dans la logique d’une telle élection… Cette possibilité d'un “renforcement du racisme”, nous l’évoquions dans le même texte déjà cité, et elle ne pouvait effectivement être contrecarrée que dans la mesure où Obama aurait été le président exceptionnel qu’il ne fut jamais, et qu’il se garda bien d’être s’il en eut jamais l’idée :
«Parallèlement, et sans que ceci ait un rapport avec cela, l’élection d’un Noir à la présidence semble avoir formidablement activé toutes les tensions raciales potentielles, en symbolisant (pour le coup, le symbolisme a une signification) ce qu’un des experts définit justement comme une “crise d’identité” des Blancs. Cette crise passe par la mise en cause radicale du statut suprématiste de cette “communauté”. (En effet, dans l’histoire des USA, il est plus juste de parler de “suprématisme” des Blancs fondé sur une perception idéologique, voire mystique, liée à l’idée américaniste originelle définie par les Puritains, plutôt que d’un racisme sociologique né de circonstances sociologiques et psychologiques diverses, qui se serait ajouté plus tardivement.) L’élection d’Obama est le “symbole” de cette mise en cause, appuyé sur tous les autres éléments de ce que Mark Potok nomme “a perfect storm” (l’immigration notamment, particulièrement des “Latinos”).»
Le Guardian a interrogé un autre universitaire, le professeur de l’université du Massachusetts Donald Tomaskovic-Devey, également impliqué dans l’enquête. Tomaskovic-Devey fait justement remarquer la différence entre les comportements sociaux et surtout les professions de foi sociales (qui rendent compte d’un rejet très fortement majoritaire du racisme) et les comportements individuels effectifs : «Most white Americans do think that we should live in an equal opportunity society. But we do not actually apply that very practically. On a behavioural level, we are not post-racial.» Ce que nous décrit Tomaskovic-Devey, c’est la bonne marche de l’antiracisme au niveau du conformisme du Système, à la différence des comportements individuels, secrets (mais dévoilés dans l’enquête dès lors qu’il y a anonymat garanti). Il s’agit moins, ici, de débattre à propos de la continuité du racisme que sur la terrorisation entretenue par le Système, par rapport au conformisme qu’il édicte, et sur l’instrumentalisation que ce même Système fait du racisme, de l’antiracisme et des autres “ismes” de cette sorte, qui forment l’essentiel de la pensée des partis des salonards des pays du bloc BAO.
Notre démarche d’appréciation est complètement différente, notamment par rapport aux conditions de l’élection de BHO à l’automne 2008, telles que nous les avons rappelées. Le point essentiel, dans ce cas, n’est nullement que BHO soit un Africain-Américain. Le point essentiel, c’est que BHO s’est révélé complètement un homme du Système, et c’est dans ce cas qu’il a trahi l’électeur, – et que la personne impliquée soit blanche ou noire, qu’importe, comme l’impliquait avec fureur le révérend (noir) Wright, dénonçant la trahison par Obama de ses engagements les plus sacrés (voir le 20 septembre 2010). Nous serions même, à ce point, absolument proche de répéter l’argument que nous avions déjà avancé, que dans ces conditions de crise sa “couleur” n’avait pas desservi Obama en 2008, et avait pu l’aider au contraire auprès de certains. (Ce que nous écrivions : «Obama s’est imposé sans beaucoup d’efforts, presque sans qu’il ait développé cet argument, comme l’homme capable d’affronter la crise, pour toutes les raisons du monde, bonnes ou mauvaises (démocrate, perçu comme plutôt à gauche, voire réformiste, l’aspect racial jouant alors indirectement en sa faveur en le faisant percevoir inconsciemment comme hors des normes de l’establishment)….»)… Si Obama s’était révélé comme un “American Gorbatchev”, proches des gens, adversaires des banques, cherchant à dynamiter le Système, un peu à-la-Ron-Paul, qui se serait soucié qu’il soit un Noir ? Qui aurait pu repousser la thèse que les Noirs, par le biais de sa personne, s’avéraient ainsi, et fort justement, comme des adversaires déterminés d’un Système qui les avait asservis ? Au contraire, s’il se révèle homme du Système, toutes les raisons possibles d’une colère et d’une haine contre lui sont réactivées, et notamment, et évidemment la colère et la haine que l’on nomme “racisme”, lequel est alors beaucoup plus une conséquence indirecte, regrettable certes mais nullement fondamentale, d’un jugement politique qu’il n'est une prise de position idéologiquement raciale.
Il est inapproprié, dans ce contexte général et impératif des conditions politiques et économiques les plus pressantes et les plus influentes, de placer la question du racisme et de la résurgence du racisme, et par conséquent le constat que nous ne sommes pas encore dans une époque post-raciste, dans le cadre de la seule problématique du racisme. Dans les situations décrites, le racisme, et le “plus ou moins de racisme” ne sont ni des évolutions centrales ni des conséquences directes. Exactement de la même façon que nous lions l’élection d’Obama de 2008 à la crise du Système soudain précipitée dans un paroxysme, nous devons lier impérativement, et d’une façon subsidiaire pour le cas, la question du racisme posée autour de la position d’Obama face à la crise du Système, à la question du Système et de sa crise.
La question du racisme, et par conséquent celle de ce qu’on pourrait nommer approximativement l’“idéologie de l’antiracisme”, ont toujours été fortement liées, aux USA, aux conditions politiques et économiques caractérisant la prise et la conservation du pouvoir. Dès la Guerre de Sécession, cette dimension était implicite mais très forte, dans la mesure où la querelle entre le Nord et le Sud portait essentiellement sur la détermination des conditions et des caractéristiques du pouvoir. A côté des engagements à propos de la question institutionnelle (fédéralisme centralisé ou confédéralisme et droit à la sécession) et à côté également de la question de l’esclavage, la querelle fondamentale qui nourrissait le conflit portait sur la volonté du Nord d’établir un système industriel de développement accéléré (capitalistique), à l’intérieur d’un marché fermé (protectionnisme) fortement contrôlé par les forces financières et industrielles. Ainsi, la question du racisme pouvait, et même devait être vue comme liée à cet affrontement pour le pouvoir selon des termes économiques, et manipulée à mesure. Pour le Nord, l’antiracisme figurant sous la forme de l’antiesclavagisme, quelles que fussent les arguments idéologiques et moraux à cet égard, était d’abord un instrument permettant de soutenir le pouvoir financier et économique.
Une problématique de la même sorte émergea au début des années 1960, avec la lutte pour les droits civiques. De nouveau, le pouvoir économique et financier, cette fois intégré de plus en plus dans un ensemble qui deviendrait le Système que l’on connaît aujourd’hui, notamment avec les dimensions du système du technologisme (complexe militaro-industriel) et du système de la communication en plein développement, appuya fortement l’idéologie de l’antiracisme avec une très forte connotation de ce qu’on pourrait désigner comme l’idéologie de l’“intégrationnisme”. Cette fois, l’adversaire n’était pas le Sud, contrairement aux apparences (le Sud, dans ses organes et ses puissances de direction, était déjà fortement intégré au pouvoir économique et financier), mais le mouvement noir “sécessionniste”, le Black Power dont les principaux dirigeants prônaient un refus du Système (le capitalisme, en termes idéologiques) sinon une voie difficile, voire utopique, de sécession territoriale ; ces dirigeants allaient de Malcolm X à Martin Luther King lui-même, dans sa “dernière version” (dans les deux dernières années avant son assassinat, King s’était très fortement radicalisé à cause de ce que la guerre du Vietnam montrait du Système, et il s’était éloigné de la voie intégrationniste pour se rapprocher de la voie sécessionniste).
La victoire du Système se fit, d’abord par la violence avec des assassinats comme ceux de Malcolm X et de King, où le FBI de J. Edgar Hoover sut trouver des relais confortables pour ces projets, avec l’élimination physique des groupes militants type Black Panthers, puis avec le système de l’intégration d’apparence des minorités s’attachant surtout aux “vitrines” du Système (show-business, sport, médias et communications) et créant une minorité-Système de privilégiés et de super-riches africains-américains. Il s’en déduisait que l’antiracisme institutionnalisé, et conditionné à l’intégration dans le Système, devenait la doctrine triomphante et l’argument idéologique essentiel de promotion vertueuse du Système. Ce cas américaniste s’est très largement répandu dans le bloc BAO et triomphe dans toutes les élites-Système, notamment liées aux “parti des salonards” en place. Aujourd’hui, l’antiracisme est absolument institutionnalisé comme soutien du Système, et étroitement dépendant du Système. Il ne concerne que fort modérément les conditions véritables des populations des minorités, notamment et particulièrement aux USA, où les Noirs fournissent l’essentiel de la population pénitentiaire, subissent des taux de chômage en général au moins double de la norme, sont plongés dans la logique destructrice de la drogue et des gangs, et ainsi de suite. D’autre part, un facteur important est que, aux USA surtout mais aussi dans d’autres contrées du bloc BAO, les groupes victimes du Système ne parviennent que très difficilement à réaliser leurs intérêts communs antiSystème ; ils succombent au contraire le plus souvent à l’argument manipulé d’un racisme (aux USA, “petits blancs” contre Noirs) qui reste l’instrument favori de manipulation du Système pour diviser les groupes antiSystème.
L’irruption d’Obama, qui représente un pari, bouleverse en un sens cette mécanique bien huilée. Son arrivée sur la scène nationale, venue d’une ascension très rapide et d’une position de noviciat dans le parti, donc selon des circonstances non aménagées par le Système, fut la conséquence de situations sans véritable rapport avec lui, – sinon ses talents d’orateur, de politicien, et ses qualités intellectuelles réelles, mais non pas sa condition d’africain-américain. Obama emporta la nomination démocrate parce que son parti était dans un désarroi complet, avec l'absence de personnalités convaincantes ou d'apparence indépendante (Hillary Clinton était perçue comme totalement inféodée au Système), cette situation qui est caractéristiques actuellement du monde politicien US en crise ; et sa victoire présidentielle, comme on l’a vu, fut due à la crise de l’automne 2008. En aucun cas, il ne s’est agi d’une “victoire sur le racisme” puisque le point remarquable de ces péripéties électorales est bien que le racisme joua un rôle très secondaire, dans un sens ou l’autre. Au contraire, c’est bien ainsi (“victoire sur le racisme”) que, très rapidement, la victoire d’Obama fut ressentie et présentée selon la communication-Système.
Les élites-Système, notamment représentant les idéologies libérales et progressistes propres au “parti des salonards”, virent dans cette victoire d’Obama une sorte de divine surprise, capable de transcender leurs propres accointances en général assez sordides avec le Système et avec l’image des USA comme phare de la modernité, en une avancée progressiste de l’idéologie qui leur sert de narrative : une narrative (la victoire d’Obama contre le racisme) venant restaurer la narrative idéologique, fort mal en point, de la modernité progressiste et vertueuse. Le Système lui-même, ne se fit pas prier pour suivre cette façon originale, d’une narrative comme preuve d’une autre narrative. Il ne fait aucun doute que l’étrange Prix Nobel de la Paix attribué à Obama en décembre 2009, – une récompense de type orwellien, sans aucun doute, – récompensait en réalité cette avancée exceptionnelle de la modernité. Le Système était pris dans la logique de sa narrative confirmant une autre narrative, en renforçant sans cesse l’argument qu’Obama marquait effectivement l’inauguration de l’ère “post-raciste”, aussi bien à la gloire des USA, de l’idéologie totalitaire dominante, que du Système lui-même.
Comme on l’a vu et expliqué plus haut, il y avait là un complet quiproquo du à la manipulation. La présidence d’Obama, expliquée après coup par l’appréciation de l’inauguration de l’“ère post-raciste”, portait en réalité sur l’élection d’un homme dont une partie inconsciente de ses constituants attendaient de lui qu’il fût un président antiSystème, et le nouveau président étant en réalité jugé en fonction de ses capacités à s’opposer au Système, à se battre contre lui. On connaît l’issue de cette bataille qui n’eut pas lieu… Le premier président africain-américain s’avéra être un parfait serviteur du Système, et la déception qui s’ensuit marque aujourd’hui un sentiment assez puissant à son encontre ; elle explique, à notre sens, que le brillant BHO peine tant durant cette campagne alors qu’il n’aurait dû faire qu’une bouchée d’un adversaire aussi médiocre que Romney.
Il s’agit d’une évolution qui n’a guère de lien profondément avec la question du racisme, qui n’a guère d’effet direct et spécifique sur la situation de cette question, mais qui a l’effet automatique ou inconscient d’aggraver cette prévention du facteur racial au travers de l’hostilité contre lui que l’attitude-Système d’Obama n’a cessé de nourrir. Ainsi, sans qu’il ait été expressément question de racisme, l’attitude pro-Système du premier président africain-américain renforce l’hostilité contre tout ce qui le caractérise, notamment ce fait d’être africain-américain, ce qui se traduit par ce qu’on nomme du “racisme” même si le terme ne décrit pas nécessairement la situation. Ainsi le premier terme de sa présidence se termine-t-il, sans surprise, avec une Amérique plus “raciste” que celle qui l’a élu en novembre 2008. Une fois de plus, l’évolution crisique du Système a conduit à une inversion complète de la situation qu’il espérait obtenir.