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1584Glenn Greenwald a célébré 9/11 à sa façon, par un texte, dans le Guardian, en date (comme ça se trouve) du 11 septembre 2012. Il y a une chose que ne supporte pas Greenwald, commentateur plutôt de gauche, mais “dissident” et tout à son honneur, c’est l’extase permanente des libéraux-progressistes à l’avantage de BHO. (Même chose dans les couloirs du “parti des salonards”, notamment parisien, sur la tribune hautement qualifiée du Grand Journal et chez quelques dames du gratin germanopratin.)
Par conséquent, Greenwald s’attache et s’attaque, une fois de plus, au président Obama, à l’occasion du 11 septembre, par référence aux monceaux de couronnes de vertu qu’on ne cesse de lui tresser, à l’occasion sinistre de la mort à Guantanamo d’un des prisonniers qui y croupissent depuis que les USA sont passés en mode-turbo, post-11 septembre. Après avoir exposé ce qu’il pense de Guantanamo et de la façon dont on traite les gens qui y sont détenus, Greenwald observe ce que la politique de GW Bush (enfermement de personnes non inculpés, sans possibilité de se défendre, en général indéfiniment) est devenue avec Obama : aujourd’hui, on n’enferme plus les gens, on les tue directement. Cela permet d’éviter des investissements importants pour la capture, de risquer des vies “amies” (puisqu’on tue en général par drones interposés), de devoir maintenir une personne en détention avec les inconvénients que l’un ou l’autre Greenwald juge que la chose vaut un article… On peut noter en passant que la question des renseignements (prétendument obtenus par torture) ne semble plus devoir jouer le moindre rôle. La machine est en marche, et l’on tue une personne sans même chercher plus avant, ni à avoir des explications, ni à avoir des informations.
Greenwald cite le satisfectit, une fois de plus exprimé par l’ancien chef de la CIA, sous GW Bush, le général Michael Hayden. (Hayden est déjà intervenu à plusieurs reprises pour féliciter Obama de son sens de la continuité, sinon de la pérennité. Voir, par exemple, le 1er janvier 2011.)
«There is, however, one significant difference in this regard between Bush’s and Obama’s policies. Whereas Bush preferred to detain people without due process or judicial review, Obama simply kills them. Bush's former NSA and CIA director, General Michael Hayden, spoke this week at the University of Michigan and, as he (yet again) heaped praise on Obama for continuing the crux of the Bush/Cheney approach to terrorism, he made this precise point, as reported by Wired [my emphasis]:
»“President Barack Obama has closely followed the policy of his predecessor, President George W Bush, when it comes to tactics used in the ‘war on terror’ – from rendition, targeted killings, state secrets, Guantánamo Bay to domestic spying, according to Michael Hayden, Bush's former director of the Central Intelligence Agency and the National Security Agency.
»“‘But let me repeat my hypothesis: Despite the frequent drama at the political level, America and Americans have found a comfortable center line in what it is they want their government to do and what it is they accept their government doing. It is that practical consensus that has fostered such powerful continuity between two vastly different presidents, George W Bush and Barack Obama, when it comes, when it comes to this conflict,’ Hayden said Friday while speaking at the University of Michigan…
»“‘And so, we've seen all of these continuities between two very different human beings, President Bush and President Obama. We are at war, targeted killings have continued; in fact, if you look at the statistics, targeted killings have increased under Obama.’
»“He said that was the case because, in one differing path between the two presidents, Obama in 2009 closed CIA ‘black sites’ and ratcheted down on torturing detainees. But instead of capturing so-called ‘enemy combatants’, President Obama kills them instead,” Hayden said. “‘We have made it so politically dangerous and so legally difficult that we don't capture anyone anymore,’ Hayden said. ‘We take another option, we kill them. Now. I don't morally oppose that’”.»
Comme nous le voyons dans la nouvelle précédente du Bloc-Notes (de ce même 12 septembre 2012), cette politique d’assassinat suivant la politique de détention arbitraire et de torture de GW Bush relève fort bien de la “politique de l’idéologie et de l’instinct” (selon l’expression de Harlan Ullman offerte en mai 2009, et valable pour GW Bush), poursuivie en une “politique-Système de l’idéologie et de l’instinct” (valable pour BHO) où, effectivement, la procédure est beaucoup plus “robotisée” et déshumanisée, prétendument rendue plus efficace, avec encore moins de contact avec l’être humain concerné, en général très loin des USA qui le frappent, et avec une certaine notion d'impunité absolue pour ceux qui frappent et pour celui qui ordonne qu’on frappe, donc une certaine notion d'innocence des assassins ; cela écrit, notamment le terme “innocence”, quelle que soit la grossièreté contradictoire qu’on puisse trouver à un tel jugement, d’abord par lui-même, ensuite par rapport à la réalité des faits qu’on rapporte, qui marquent plutôt une complète lâcheté des assassins du point de vue des victimes agressées et des principes violés, comme celui de la souveraineté bien entendu ; on retrouve là un processus d’inversion assez courant par les temps qui courent.
(Il faut ajouter tout de même, pour que le bon esprit prenne sa revanche, qu’il paraîtrait, selon des enquêtes officielles, que les “pilotes” de drones qui frappent leurs victimes à 10.000 kilomètres de distance, avant de reprendre leur voiture au parking de la base où ils opèrent et de rentrer chez eux, souffrent de pressions psychologiques intenses, voire, pour certains, d’affections pathologiques. Le stress du non-combat, si l’on veut..)
La démarche d’Obama est remarquable de modernité, dans sa phase post-postmodernité quand toutes les choses se mélangent, dans le sens le plus inverti et le plus dissolvant du terme (“modernité”), et remarquablement conformé au Système, au travers de certains des caractères psychologiques les plus marquants que le Système recommande et impose à ses serviteurs. On retrouve en effet des spécificités américanistes de la psychologie, devenus depuis des spécificités-Système de la psychologie (étendues à tout le bloc BAO), que nous avions observés in illo tempore pour l’américanisme et que nous rappelions récemment dans notre F&C du 29 août 2012 sur l’“infraresponsabilité” : «… L’infraresponsabilité qui apparaît pour donner une explication psychologique “globale” à un phénomène psychologique “global” (dans tous les cas, dans le chef du bloc BAO), permet d’assurer, de verrouiller les deux caractères essentiels de la psychologie américaniste devenue dans l’enthousiasme général américaniste-occidentaliste, que sont l’inculpabilité et l’indéfectibilité, c’est-à-dire respectivement l’incapacité de se percevoir comme coupable et l’incapacité de se percevoir comme vaincu, – ceci s’accordant à cela, comme dans les westerns (et l’analogie n’est pas qu’ironique).»
Comme on le voit avec l’emploi qu’on en fait dans ce F&C, ces caractères psychologiques concernent bien ce phénomène d’“infraresponsabilité” qui donne une explication exonérant de toute culpabilité et de toute possibilité d’être vaincu à cause de leurs vertus ceux qui le manifestent, notamment dans diverses autres affaires telle que la crise syrienne, ou telles que les attaques de communication contre la Russie et d’autres pays. Le comportement d’Obama dans ce cas des assassinats est donc un acte authentiquement de son époque (“modernité”), et nullement, par exemple, comme certains l’ont parfois présenté, un acte de tueur renvoyant aux procédés anciens du crime organisé (du type de la Casda Nostra aux USA). Certes, le résultat est absolument similaire et il est vrai que les USA agissent contre les personnes à éliminer comme des tueurs à gage exécutant un “contrat”, mais ils sont surtout innovants dans le fait qu’ils agissent dans des conditions technologiques et de communication telles qu’on doit espérer qu’ils ne ressentent aucune responsabilité qui pourrait les conduire vers un sentiment de culpabilité qui est absolument rejeté. (Comme on le voit avec l’affaire de l’équilibre psychologique des “pilotes”, cela ne semble pas être le cas, mais nous parlons ici de la démarche théorique.) Il semble donc que le président Obama, en s’affichant au sens strict du terme comme un assassin, soit devenu le premier président des USA ordonnant des assassinats de sang-froid et qui en soit complètement innocent… On comprend par conséquent qu’il ne veuille pas abandonner le confort d’une position qui lui assure tant de vertu pour un prix si modique.
Mis en ligne le 12 septembre 2012 à 14H27