BHO et Brown, sans prendre de gants

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Gordon Brown tente désespérément de rehausser son prestige international et de ranimer les relations privilégiées avec les USA, ce qui montrerait que l’un et les autres sont en triste état. C’est le sens de l’article du Guardian du 24 septembre 2009, qui en vient à l’essentiel lorsqu’il précise que ces tentatives se sont exprimées par des demandes britanniques de rencontres et autre “événements médiatiques” de Brown avec le président Obama – cinq en tout, cinq fois refusées par la Maison-Blanche.

Il y a aussi quelques détails sur l’extrême mauvaise humeur washingtonienne à la suite de la libération de Abdelbaset al-Megrahi, emprisonné pour l’attentat de Lockerbie de 1988. D’une façon générale, une description de rapports devenus exécrables, essentiellement de la part des USA, dont ce caractère exécrable se signale par des incidents à répétition d’apparence anodine, mais jugés très significatifs. On ajoute à cela la difficile position de Brown à l’intérieur de son propre parti, où certains demandent son départ, à la fois à cause de ce qu’on estime être son mauvais gouvernement des choses et aussi une santé dégradée avec des problèmes grandissants de vue.

«Gordon Brown lurched from being hailed as a global statesman to intense embarrassment tonight, after it emerged US President Barack Obama had turned down no fewer than five requests from Downing Street to hold a bilateral meeting at the United Nations in New York or at the G20 summit starting in Pittsburgh today.

»The prime minister, eager to portray himself as a leading player on the international stage in America this week, was also forced to play down suggestions from inside his own party that he might step down early, either due to ill health or deteriorating eyesight.

»There have been tensions between the White House and No 10 for weeks over Brown's handling of the Scottish government's decision to release the man convicted of the Lockerbie bombing, Abdelbaset al-Megrahi. Brown's efforts to secure a prestigious primetime slot for his keynote speech at the general assembly in New York were also thwarted when the Libyan leader, Colonel Gaddafi, delivered a 100-minute speech to the UN, massively running over Brown's 15 minute slot.

»Brown had not only been seeking a bilateral meeting with Obama, but feelers were also sent out to hold a joint press conference, an event that would have boosted Brown's efforts to offer himself as a linchpin of international diplomacy. Government sources said that Britain even changed its policy on swine flu immunisation in Africa to match that of the Obama administration last week, in an attempt to rebuild relations.»

@PAYANT A New York, en marge de la session de l’ONU, Obama a rencontré en bilatéral (outre la rencontre avec les Palestiniens et les Israéliens), le président chinois, le président russe et le Premier ministre japonais. Ces trois bilatérales, qui concernent des problèmes ouverts essentiels sur lesquels les USA n’exercent plus une complète maîtrise, situent les priorités de l’administration Obama. Avec les Russes, il s’agit de tenter de verrouiller de meilleures relations de sécurité à la suite de l’abandon du BMDE; avec les Japonais, il s’agit de tenter d’empêcher une dégradations des liens de sécurité des USA avec leur principal point d’appui en Asie; avec la Chine, il s’agit de tenter de contenir les risque de guerre commerciale à la suite des taxes protectionnistes US sur les importations de pneus, tout en cherchant à s’assurer de la poursuite du soutien chinois à la situation financière US.

Il s’agit de rencontres qui illustrent la posture de plus en plus défensive des USA en matière de relations extérieures, et donnent une mesure de l’affaiblissement US. De ce point de vue, les rebuffades opposées aux Britanniques reposent moins sur l’arrogance, sur une affirmation unilatéraliste de supériorité, que sur le désintérêt US pour l’Europe, et particulièrement pour le Royaume-Uni, dont le suivisme n’est plus aujourd’hui pour les USA que d’une utilité mineure. Un diplomate, d’un pays européen qui n’apprécie guère les positions peu européennes des Britanniques, remarquait à propos de ces “incidents” UK-US, sans trop dissimuler sa satisfaction: «Les Américains pensent aujourd’hui, et le disent presque à voix haute, que l’alliance privilégiée avec les Britanniques n’est plus une priorité pour eux, plus du tout…» C’est comme si les Américains disaient: “Si les Britanniques veulent faire leur suivisme habituel, ils n’ont qu’à nous suivre. Quant à nous, la chose ne nous importe plus, et nous ne ferons rien pour…” (Cela n’empêcherait d’ailleurs pas les USA de réagir violemment si les Britanniques se raidissaient – mais c’est une autre histoire, qui a beaucoup à voir avec cette chose un peu désuète, qui est le courage britannique.) D’où l’attitude d’Obama, qui a beaucoup de son temps pris, et qui n’entend pas en “perdre” en travaillant à rehausser le prestige de Brown par de simples rencontres de relations publiques. Cela implique effectivement que les USA estiment ne plus avoir de grands et importants dossiers avec les Britanniques.

Cette indifférence d’Obama pour les Britanniques s’étend éventuellement à l’Europe, qui est considérée comme un continent “captif” de l’influence US, pour lequel on ne se donne plus trop de peine. Dans les circonstances actuelles, où les USA sont sur la défensive, les relations privilégiées concernent les pays ou les groupes de pays qui peuvent poser des problèmes aux USA. C’est une leçon intéressante pour l’Europe, qui attendait du “multilatéralisme” du successeur de Bush un surcroît d’attention des USA, et qui obtient le contraire, avec un président US mille fois plus attentif aux Russes qu’aux Européens; l’allégeance ne paye plus du tout, comme on peut le voir également, par contraste, avec l’attention portée par Obama à l’Amérique du Sud, ex-continent asservi entré en rébellion ouverte, et désormais courtisé par le même Obama. Le “multilatéralisme” d’Obama n’est pas le contraire équilibré de l’unilatéralisme de Bush; c’est un arrangement, plus ou moins habile on verra, pour rendre le moins destructeur possible le repli US en cours, qui pourrait devenir une sorte d’isolationnisme. Le multilatéralisme US pour s’arranger d’un isolationnisme convenable – les Européens mettront du temps à comprendre la formule, s’ils y arrivent un jour.


Mis en ligne le 24 septembre 2009 à 14H31