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980L’excellent commentateur, l’ancien diplomate indien M K Bhadrakumar, s’intéresse à la “sortie de crise” de la crise iranienne. Il juge qu’elle sera rude pour les Occidentaux, et particulièrement pour l’administration Obama. Dans son analyse du 1er juillet 2009, sur le site Atimes.com, M K Bhadrakumar constate d’abord que le régime iranien resserre les rangs pour assurer sa survie, et il estime que cela conduira à un certain durcissement vis-à-vis de l’extérieur, particulièrement les Anglo-Saxons, à qui ce régime reproche avec véhémence d’avoir joué un rôle dans l’exacerbation de la contestation, sinon dans sa préparation.
Les Britanniques, d’abord, sont concernés:
«At any rate, Tehran is going after Britain – “the most treacherous of foreign powers”, to use Khamenei's words. Marching orders have been given to two British diplomats posted in Tehran, and four local employees working in the British Embassy remain under detention for questioning. This is despite robust gesticulations by London that it is not stepping anything up on Tehran's streets. A Foreign Office statement in London pleaded that it is Iran's nuclear program that is driving Prime Minister Gordon Brown, and not outrage over civil rights or the death of innocents.
»London is manifestly anxious to vacate the scene as quickly as possible, and hopes it can be business as usual with Iran…»
L’autre puissance anglo-saxons, c’est bien entendu les USA, et son président dont on connaît les ambitions: «But Obama faces a much more complex challenge. He cannot emulate Brown. He needs to get engaged with Iran. The challenge facing Obama is that not only has the Iranian regime not cracked, it has shown incredible resilience.»
Voici le commentaire que fait M K Bhadrakumar de la situation de l’administration Obama.
«The Obama administration has some hard choices to make. It was sustained criticism and pressure mounted by networks of anti-Iranian groups and powerful lobbies ensconced within the US Congress and the political class – apart from quarters within the security establishment which have an old score to settle with Tehran but have an abominable record of misreading the vicissitudes of Iranian politics – that forced Obama to harden his stance.
»Softening the hard stance will be a difficult and politically embarrassing process. Much statesmanship is also needed. The best outcome is that Washington can take a pause and resume its efforts to engage Iran after a decent interval.
»A meaningful dialogue in the coming weeks seems improbable. Meanwhile, nitpickings such as the denial of visa for the Iranian Vice President Parviz Davoudi to visit New York to attend the United Nations conference on the world economic crisis do not help. (Davoudi is an advocate of liberal economic perspectives.) Nor will the US's likely decision to pursue the sanctions route towards Iran at the forthcoming Group of Eight summit meeting in Trieste, Italy, on July 8-10. (In May, Iran surpassed Saudi Arabia as the top oil exporter from the Persian Gulf to China.)
»In sum, the Obama administration badly fumbled after a magnificent start in addressing the situation around Iran. As the distinguished policymaker and commentator Leslie H Gelb argues in his new book Power Rules: How Common Sense Can Rescue American Foreign Policy, Obama had an option “to use the Libyan model, whereby Washington and Tripoli put all cards on the table and traded them most satisfactorily”. […]
»All things taken into account, therefore, there has been a policy crisis in Washington. The paradox is that the Obama administration will now deal with a Khamenei who is at the peak of his political power in all his past two decades as supreme leader. As for Ahmadinejad, he will now negotiate from a position of unprecedented strength. Arguably, it helps when your adversary is strong so that he can take tough decisions, but in this case the analogy doesn't hold.
»Ahmadinejad left hardly anything to interpretation when he stated in Tehran on Saturday, “Without doubt, Iran's new government will have a more decisive and firmer approach towards the West. This time the Iranian nation's reply will be harsh and more décisive” and will aim at making the West regret its “meddlesome stance”. Most certainly, Tehran will not be replying through the Twitter.»
Nous partageons sans aucun doute cette analyse de la position actuelle de l’administration Obama, qui se trouve prise dans le piège de son évolution dans la phase active de la crise (et aussi, justesse de l’analyse de la position iranienne face aux USA). Obama se trouve dans le piège du terme de l’application de sa méthode, parce qu’il n’a pas pu ou parce qu’il n’a pas voulu maintenir jusqu’au terme sa position ferme du départ de refus d’ingérence dans les affaires iraniennes; nous vous faisions part de cette analyse le 25 juin 2009. Là où nous tendrions à diverger par rapport à M K Bhadrakumar, c’est sur la sortie éventuelle d’Obama de ce piège, si “sortie” il y a, pour tenter de relancer le dialogue avec l’Iran.
• L’idée que suggère M K Bhadrakumar d’un “decent interval” à observer avant de tenter de reprendre le dialogue est assez logique, sans nul doute. Le problème, à notre sens, est que cela suppose qu’on pourrait laisser s’écouler ce “décent interval” dans le calme et l’apaisement nécessaires pour préparer le retour du dialogue. Notre appréciation est que cela ne pourra se faire dans ces conditions, qu’il y a assez de tensions diverses, notamment relancées par l’énervement extrême de l’application de notre subtile et occidentaliste “rhétorique droits de l’homme-démocratie”, pour empoisonner ce “decent interval” et rendre encore plus ardue toute reprise de dialogue. Tout le monde s’y mettra, à commencer par le sémillant commandatore Silvio Berlusconi, qui réunit son G8 dans quelques jours et entend installer comme premier point de la réunion la décision de nouvelles sanctions contre l’Iran. Il est évident que cette affaire de sanctions apparaît aujourd’hui, notamment dans le chef d’un Premier ministre aussi entreprenant, comme la question, voire la crise la plus importante; cette analyse grotesque semble partagée par nombre d’autres dirigeants, ce qui ne peut surprendre. D’autre par, les Iraniens eux-mêmes, qui se sont durcis à l’égard d’Obama, ne faciliteront pas non plus l’apaisement pendant ce “decent interval”.
• Le problème paradoxal d’Obama, c’est que l’opposition à sa politique iranienne n’est pas organisée (là aussi, un certain désaccord avec M K Bhadrakumar), qu’elle est insaisissable, avec des intensités variables, avec la “rhétorique droits de l’homme-démocratie” reflétant dans ce cas la “politique de l’idéologie et de l’instinct”. Cette sorte d’opposition est la plus pernicieuse parce qu’elle est mal identifiée, qu’elle est totalement irrationnelle parce qu’appuyée sur l’émotion (l’“instinct”) et donc imperméable à l’argumentation. Il est extrêmement difficile de l’affronter avec la raison, selon la ligne d’Obama, pour s’appuyer sur une victoire éventuelle et relancer une entreprise politique.
• Dans ce cas, l’issue pour Obama, ce serait plutôt de tenter de relancer le processus le plus rapidement possible, de reprendre immédiatement l’initiative, de faire du “decent interval” un “ultra-fast interval”. On voit difficilement comment il pourrait y parvenir selon des normes courantes, avec la “rhétorique droits de l’homme-démocratie” relancée, si vigilante, si prévenante. Les Iraniens, eux aussi, vont jouer leur jeu et ils ne feront rien pour aider Obama non plus. Peut-être Obama devrait-il demander un peu d’aide aux Russes (sommets des 6-8 juillet), notamment par une décision commune liant les relations US avec la Russie avec les relations US avec l’Iran. Quoi qu’il en soit, on mesure l’extrême difficulté de la tâche.
Dans ce cas difficile, comme dans d’autres du même genre pour Obama car cette sorte de dilemme semble effectivement la marque de la confrontation de sa méthode avec les événements, l’issue possible pour lui est une tentative de rupture par un acte spectaculaire ou l’autre, pour tenter de reprendre la maîtrise du dossier qui lui est nécessaire, telle qu’elle était évidente avant l’élection présidentielle iranienne du 12 juin, lorsque l’opposition “irrationnelle” à sa politique était complètement annihilée. Obama doit “reprendre la main”, et il doit le faire vigoureusement et rapidement. Vraiment, il n’est pas du tout évident qu’il puisse y parvenir, – et nous ne savons même pas, bien entendu, si lui-même pense qu’il doit agir de la sorte. Dans un tel cas, l’habileté d’Obama est presque un désavantage parce qu’elle le pousse à une attitude de trop grand ménagement des uns et des autres, qui est par essence ennemi d’un tel acte de rupture qu’on suggère; l’habileté d’Obama est un formidable avantage lorsqu’il “a la main”, elle est un désavantage parce qu’elle freine l’acte décisif lorsqu’il s’agit de “reprendre la main”.
Mis en ligne le 1er juillet 2009 à 06H29
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