BHO et sa gauche

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Le feu, c’est-à-dire la polémique, gronde entre Obama, ou l’équipe Obama, et la gauche du parti démocrate, aussi bien que la tendance progressiste en général, qui le “soutient” de manière de plus en plus critique. La situation est mise en évidence par une interview du porte-parole de la Maison-Blanche Ronald Gibbs et les réactions que cette interview a suscitées.

• Le 8 août 2010, dans The Hill, Gibbs lance une violente attaque contre cette gauche progressistes, qui réclame tout et trop vite, qui voudrait que “le Pentagone soit aboli”. («They will be satisfied when we have Canadian health care and we’ve eliminated the Pentagon," Gibbs retorted. "That’s not reality.”») Gibbs juge que cette gauche est faite de lunatique qui doivent se droguer pour être si irréalistes («“I hear these people saying he’s like George Bush. Those people ought to be drug tested,” Gibbs said. “I mean, it’s crazy.”»)

• Un premier texte de RAW Story, le 10 août 2010 montre combien Gibbs exprime une frustration générale à la Maison-Blanche, dans l’équipe de BHO, chez BHO lui-même. «The tone of Gibbs’ interview signals brewing frustration in the White House over parts of its base as midterm elections approach. It might hearken back to when White House chief of staff Rahm Emanuel privately and pointedly described some liberals as “fucking retarded.”»

• Le lendemain, le 11 août 2010, le même RAW Story rapporte les réactions de cette “gauche”-là, dont on trouve des représentants virulents et efficaces. Le moindre d’entre eux n’est pas Alan Grayson, démocrate de Floride, une voix et un poids de choc à la Chambre. A la suggestion d’un autre parlementaire démocrate (Keith Ellison) selon laquelle Gibbs devrait démissionner, Grayson réponds : «Gibbs shouldn't resign, I think he should be fired.» Le tohu bohu est tel dans la gauche démocrate que certains jugent que Gibbs pourrait être obligé de changer de poste pour une position moins voyante à la Maison Blanche.

Notre commentaire

@PAYANT …Certes, l’échange est vif, significatif et, d’une certaine façon, rafraîchissant. Il ouvre un coin de vérité sur les positions des uns et des autres, sur la véritable “politique” de l’administration Obama et sur l’évolution qu’elle provoque chez ceux qu’elle touche particulièrement. C’est un processus de montée aux extrêmes à l’intérieur du parti démocrate, entre les “suivistes” aveugles derrière l’affirmation toujours aussi “réaliste” de l’équipe de la Maison-Blanche, et ceux qui résistent de plus en plus à ce “réalisme”-là. C’est aussi un éclairage assez cru sur l’état d’esprit qui règne à l’intérieur de cette administration, car Gibbs (et Rahm Emanuel, le chef de cabinet de BHO, qui est cité) sont, jusqu’à nouvel ordre, très proches d’Obama et ils le restent pour l’instant malgré les rumeurs de départ ou de repositionnement qui courent depuis des mois à leur propos. Juger qu’un “retardé” (politique ou mental ? Cela se discute) est également un “enfoiré”, dans la philosophie d’un Rahm Emanuel, situe bien le niveau moral de la pensée. Emanuel est le type même du gangster-politicien, de Chicago (comme Obama) en plus et pour ne pas nous décevoir, et le fait qu’il soit à intervalles divers un relais de la bande Netanyahou-lobby sioniste doit nous remplir d’admiration pour ce que cela nous dit de la logique des engagements.

En face, un Grayson n’est pas non plus un tendre. Ce Représentant de la Floride, qui s’est taillé déjà une sacrée réputation de populiste pourfendeur des forces d’argent qui pourrissent l’administration Obama, vaut bien Emanuel en dureté de comportement et en allant polémique. Grayson a une place toute trouvée dans le leadership d’une opposition interne au parti démocrate à la politique psychologiquement corrompue de l’administration Obama. Il y a là une situation antagoniste en train de se former, qui a pour intérêt supplémentaire de mettre en évidence la “réalité” de la position psychologique d’Obama. L’opposition de Grayson et de quelques autres est en effet assez forte pour nous faire accepter le jugement qu’on se trouve là devant beaucoup plus qu’un incident de parcours et de passage.

Il y a désormais, de plus en plus marqué et de plus en plus important, un cas évident de corruption psychologique de l’administration Obama, entretenue et constamment renforcée par l’équipe autour de lui, les Gibbs et autres Emanuel. Nous ne croyons pas une seconde à une démarche de rupture volontaire, calculée, ne serait-ce que par l’évidence que les résultats de cette démarche ne font que susciter des effets catastrophiques pour l’administration Obama, et donc pour cette même équipe, – d’un côté, la radicalisation de la droite, avec une “opposition” de système (les républicains) de moins en moins malléable, de plus en plus pressée par sa propre droite incontrôlable (Tea Party) ; d’un autre côté, une radicalisation en cours de la gauche démocrate, jusqu’alors soutien d’Obama, qui tend à s’en éloigner de plus en plus, qui commence à sortir également vers une gauche incontrôlable, hors-système… Le tout aboutit à une “marginalisation” paradoxale de l’administration Obama (le “centre du centre” marginalisé, un comble !) et à une mise en cause de l’unité et de la solidarité de l’establishment, de la complicité de facto entre les deux “ailes” du “parti unique” qui sont de plus en plus tiraillées par leurs extrêmes, y compris leurs extrêmes hors-système. Face à cette évolution catastrophique devraient apparaître des tentations puis des opportunités d’alliance entre les deux extrêmes hors-système et anti-système, de droite et de gauche, qui sont plus proches que l’on ne croit. On ne peut imaginer évolution plus catastrophique pour une administration, et pour une équipe de la Maison-Blanche, dont le rôle est de rassembler autant de forces du système qu’il est possible, et d’empêcher à tout prix des rassemblements hors-système.

On en vient alors à l’hypothèse de la rupture complète avec la réalité de ces équipes rompues à l’aspect politicien des magouilles, qui ignorent complètement l’évolution de ce qu’on a coutume de nommer “la pays réel”, avec des effets de plus en plus évidents et de plus en plus déstructurants sur le système. Entre Tea Party et son influence sur les républicains, des parlementaires marginaux mais de plus en plus populaires, à droite (Ron Paul) et à gauche (Alan Grayson), capables dans certaines circonstances de rompre complètement avec le système tout en conservant les avantages de leur appartenance au système par le biais de leur position parlementaire, la structure politique du système est de plus en plus fragilisée. De cette façon, l’influence de l’administration Obama l’est également, de plus en plus fragilisée, ce qui est le contraire du but recherché, quelles que soient les intentions et les calculs des uns et des autres à la Maison-Blanche. L’explication de cette situation est donc à chercher dans l’évolution objective des conditions politiques aux USA, hors du contrôle des appareils et des hommes politiques qui prétendent manipuler cette évolution à leur avantage. La perte du lien entre l’administration Obama et l’opinion publique est aujourd’hui un phénomène majeur, qui dépasse aussi bien les manigances que les diverses comptabilités parlementaires qui n’ont plus aucune valeur. (Que signifierait une défaite contenue de l’administration Obama en novembre, par rapport aux prévisions catastrophiques qui sont faites ? Qu’a pu faire Obama pendant deux ans, avec un Congrès complètement démocrate, pour empêcher l’extension du désordre ?)

Finalement, un seul mot explique bien les incidents de ces derniers jours : frustration («The tone of Gibbs’ interview signals brewing frustration in the White House…»). C’est bien la frustration d’une action générale, puissante, continue, depuis deux ans, qui donne des résultats continuellement et uniformément catastrophiques, malgré les soi-disant “victoires” (loi sur la santé publique, loi sur la régulation de Wall Street). Ces “victoires”, finalement, n’impressionnent plus personne parce qu’elles sont le produit de compromis politiciens qui exposent encore plus la faiblesse et la vulnérabilité de l’administration Obama, et sa situation psychologique d’absence de perception de la réalité (“out of touch”). Obama et son équipe n’ont pas compris qu’à ces circonstances exceptionnelles où s’enfonce l’Amérique, il faut des réactions qui ne le soient pas moins, qui rompent avec les arrangements politiques. Mais, bien sûr, se pose la question de savoir s’ils se sont seulement aperçus qu’il s’agit de “circonstances exceptionnelles”.


Mis en ligne le 12 août 2010 à 12H03