BHO et son “coup d’État”

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BHO et son “coup d’État”

Paul Joseph Watson, sur Infowars.com, le 5 décembre 2013, développe l’idée qu’Obama pourrait suspendre la loi électorale pour les prochaines présidentielles et imposer de facto, à son avantage certes, un troisième mandat de président. La réputation d’Infowars.com est bien sûr celle qu’on connaît mais Watson est certainement le contributeur le moins excessif dans ses hypothèses “complotistes” et, surtout, dans ce cas il s’appuie sur des interventions tout à fait officielles et répertoriées. La discrétion autour de cette hypothèse, surtout dans la presse-Système, relève plutôt de l’habituelle tendance qui est de ne pas dire mot (ou de ne pas dire trop de mots) d’un problème délicat exprimant une crise profonde ou suggérant une crise possible ; et, dans ce cas, c’est les deux à la fois : l’hypothèse exprime une crise profonde et suggère une (nouvelle) crise possible poursuivant et aggravant la première.

Watson écrit donc : «Rep. Trey Gowdy (R-S.C.) fears that the Obama administration’s refusal to enforce immigration laws could lead to Obama himself failing to enforce election laws, a concern voiced amidst calls by some for Obama to run for a third term in office.

»During a House Judiciary Committee hearing yesterday, Gowdy asked Simon Lazarus, senior counsel to the Constitutional Accountability Center, “If the president can fail to enforce immigration laws, can the president likewise fail to enforce election laws?” Lazarus responded “no,” to which Gowdy shot back, “Why not? If he can suspend mandatory minimum and immigration laws, why not election laws?” “Because we live in a government of laws, and the president is bound to obey them and apply them,” Lazarus answered. Gowdy responded by reiterating that Obama was not applying immigration and marijuana laws, a stance with which Lazarus disagreed.

»Gowdy subsequently asked George Washington University Law School Professor Jonathan Turley what the likelihood of the administration suspending election laws was, to which Turley responded, “I think that some of these areas I can’t imagine to be justified through prosecutorial discretion. It’s not prosecutorial discretion to go into a law and say, an entire category of people will no longer be subject to the law. That’s a legislative decision.” Turley added that the country was currently embroiled in “the most serious constitutional crisis in my lifetime” and that Congress was becoming increasingly irrelevant...»

Dans son texte, Watson fait allusion également à un texte d’un professeur d’histoire de l’université de New York, Jonathan Zimmerman, dans le Washington Post le 29 novembre 2013. Le texte propose d’abroger l’amendement constitutionnel adopté après la mort de Franklin Delano Roosevelt (qui avait été élu quatre fois de suite, de 1932 à 1944) et limitant une présidence à deux mandats de quatre ans. Pour Zimmerman, c’est la seule façon de résoudre la crise actuelle du pouvoir US, celle que le professeur Turley définit comme «the most serious constitutional crisis in my lifetime».

«In 1947, Sen. Harley Kilgore (D-W.Va.) condemned a proposed constitutional amendment that would restrict presidents to two terms. “The executive’s effectiveness will be seriously impaired,” Kilgore argued on the Senate floor, “ as no one will obey and respect him if he knows that the executive cannot run again.”

»I’ve been thinking about Kilgore’s comments as I watch President Obama, whose approval rating has dipped to 37 percent in CBS News polling — the lowest ever for him — during the troubled rollout of his health-care reform. Many of Obama’s fellow Democrats have distanced themselves from the reform and from the president. Even former president Bill Clinton has said that Americans should be allowed to keep the health insurance they have. Or consider the reaction to the Iran nuclear deal. Regardless of his political approval ratings, Obama could expect Republican senators such as Lindsey Graham (S.C.) and John McCain (Ariz.) to attack the agreement. But if Obama could run again, would he be facing such fervent objections from Sens. Charles Schumer (D-N.Y.) and Robert Menendez (D-N.J.)?»

»Probably not. Democratic lawmakers would worry about provoking the wrath of a president who could be reelected. Thanks to term limits, though, they’ve got little to fear. Nor does Obama have to fear the voters, which might be the scariest problem of all. If he chooses, he could simply ignore their will. And if the people wanted him to serve another term, why shouldn’t they be allowed to award him one?

»That was the argument of our first president, who is often held up as the father of term limits. In fact, George Washington opposed them. “I can see no propriety in precluding ourselves from the service of any man who, in some great emergency, shall be deemed universally most capable of serving the public,” Washington wrote in a much-quoted letter to the Marquis de Lafayette...»

Nous ne trancherons certainement pas entre les différents arguments pour ou contre une extension du nombre de mandats, ni entre les projets prêtés à Obama et leur réfutation, etc. Nous observerons simplement que cette agitation, y compris cette façon d’envisager comme une hypothèse courante que de tels projets soient envisagés par un président en exercice, sont d’abord et principalement un signe de cette «most serious constitutional crisis...» qui va bien plus loin, à notre sens, que la seule longueur de la vie du professeur Turley. Il s’agit sans aucun doute de la plus grave crise constitutionnelle de l’histoire des USA, – mise à part celle qui déboucha sur la Guerre de Sécession, avec la réserve que nous ne savons sur quoi va déboucher cette crise-là (l’actuelle), et que cela pourrait fort bien être pire que la Guerre de Sécession.

En fait de “crise institutionnelle”, il s’agit d’une crise plutôt existentielle, ontologique. Ce n’est pas, à notre sens, une crise qui se heurte à une disposition institutionnelle, à un verrou qu’il suffirait de faire sauter pour que tout se remette à marcher. (Le verrou, dans ce cas, serait la durée de la présidence au travers du nombre de mandats autorisés.) Ce n’est pas une crise du système institutionnel US dans le sens théorique du schéma des institutions mais une crise de fonctionnement, non du système mais du fait même du gouvernement des USA, – avec ce système, comme avec n’importe quel autre. Même si nous ne pouvons évidemment avancer quelle est ou serait la position des uns et des autres, et notamment celle d’Obama par rapport aux projets qui lui sont prêtés, notre appréciation est qu’il est fort probable que rien de ces bouleversements ne surviendra. La paralysie extraordinaire de ce système, du Système si l’on veut par extension évidente, rejaillit sur les hommes, sur les dirigeants, et les affecte des mêmes maux. Eux aussi connaissent une paralysie extraordinaire. La seule indication que nous donne ce dernier épisode sur les manigances supposées et propositions réformistes des uns et des autres, c’est le degré d’infection de la psychologie que la crise diffuse. Discuter de la sorte, lors d’une audition publique au Congrès, de projets hypothétiques du président qui ne s’apparentent à rien d’autre qu’à un coup d’État institutionnel, reflète effectivement le degré général de paranoïa et de schizophrénie, à la fois, qui touchent toutes les psychologies, tendances et partis confondus.

... La seule ouverture échappant à ce tableau crépusculaire, c’est le phénomène de révolte spasmodique de plus en plus pressant et présent, sous la forme de poussées antiSystème comme, bien sûr, dans le cas de la NSA. (Voir le 5 décembre 2013.) On irait jusqu’à croire que le pouvoir, à Washington, n’est plus capable de bouger que dans un sens antiSystème, ce qui correspondrait d’ailleurs à une situation très humaine (les serviteurs et complices du Système sont aussi ses prisonniers et connaissent eux aussi des poussées de volonté libératrice de cet espèce de marigot encalminé qu'est Washington, aiguillonnés en cela par leurs électeurs). Devant ce spectacle de la dégradation extraordinairement rapide du système washingtonien (il suffit de se rappeler ce qu’était ce pouvoir il y a seulement dix ans), nous avons bien de la peine à comprendre ceux qui s’étonnent de la “lenteur” de l’effondrement du Système tout comme ceux qui proclament plus que jamais la puissance de ce Système. Il n’y a pas d’exemple dans l’Histoire d’un effondrement de cette ampleur, de cette nature, de cette rapidité, pour un ensemble de cette puissance ... Il faut tout de même avoir à l’esprit que nous n’attendons pas un tremblement de terre, un coup de tonnerre ou un coup de pétard, nous attendons l’effondrement d’une civilisation d’une puissance sans égale. C’est à cette aune qu’il faut mesurer les choses et leur rythme.


Mis en ligne le 6 décembre 2013 à 10H21